Maroc-UE : Mogherini promet de sécuriser l’accord agricole
Une déclaration conjointe Maroc-UE vient apaiser les tensions suite à la mise en garde publiée, lundi, par le ministère de l’agriculture. La haute représentante de l’UE, Federica Mogherini y promet que l’UE prendra les mesures appropriées pour sécuriser l’accord agricole et préserver le partenariat avec le Maroc.
Moins de 24 heures après la sortie tonitruante du ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime, l’Union européenne réagit. Dans une déclaration conjointe de la haute représentante et vice-présidente de la Commission européenne, Federica Mogherini et du ministre délégué aux Affaires étrangères, Nasser Bourita, publié mardi, l’Union européenne rassure : «L’UE prendra les mesures appropriées pour sécuriser l’accord agricole et préserver le partenariat avec le Maroc».. Une déclaration qui fait suite au communiqué virulent publié par le département de Aziz Akhannouch lundi dernier. Le Maroc y invitait les institutions européennes à clarifier leurs positions concernant l’application de l’accord agricole et de mettre de l’ordre dans leurs déclarations concernant la question de l’intégrité territoriale du royaume. Le ministère allant jusqu’à prévenir d’une éventuelle remise en cause de l’ensemble du partenariat avec l’Union européenne.
Dans sa réponse, l’UE précise que «le Maroc est un partenaire clé de l’Union européenne et l’Union européenne est un partenaire clé du Maroc», affirmant que «les deux parties demeurent attachées à ce partenariat et engagées à le défendre». La haute représentante de l’UE affirme également que «le partenariat entre l’Union européenne et le Maroc est le fruit d’une construction patiente de près d’un demi-siècle, un partenariat modèle, riche et multidimensionnel. Les deux parties sont déterminées à le préserver et à le développer, dans ses différentes dimensions».
Apaisement
Tout prête à croire que la réunion avec le ministre délégué aux Affaires étrangères, Nasser Bourita, a permis de clarifier les points de vue. Les deux parties, indique la déclaration, «ont reconnu l’importance de maintenir des relations commerciales stables» et ont convenu que les équipes techniques se réuniraient bientôt pour élaborer en détail la marche à suivre. La déclaration conjointe souligne que «les discussions entre l’Union européenne et le Maroc se poursuivront dans un climat de sérénité et de confiance mutuelle, pour s’entendre sur les arrangements nécessaires à la poursuite et au développement des relations entre les deux parties, notamment dans le domaine agricole». Dans l’attente de la conclusion de ces discussions, précise le texte, «des mesures appropriées seraient prises si nécessaire pour sécuriser la mise en œuvre de l’accord de libre échange des produits agricoles transformés et produits de la pêche entre l’Union européenne et le Maroc en vigueur et préserver les acquis du partenariat dans ce domaine».
À en croire le dispositif juridique, liant le Maroc et l’Union européenne, dans le cadre de l’Accord d’association. Une réunion du Conseil d’Association Maroc-Union européenne ou du Comité d’association (organes chargés de la gestion de l’accord de libre-échange et de l’ensemble de ses composantes) devraient être tenue afin de discuter de l’ensemble des questions affectant l’application de l’accord. Rappelons que suite à la publication de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, donnant raison à la partie marocaine concernant l’application de l’accord agricole, le ministère de l’Agriculture avait annoncé vouloir déclencher la clause de rendez-vous prévue dans les accords signés par le Maroc pour discuter du futur du partenariat avec l’Union européenne.
La déclaration conjointe a également permis de donner quelques indices de reprises concernant plusieurs chantiers de coopération Maroc-UE. Les deux parties ont en effet exprimé «leur volonté de reprendre le travail et d’élargir la coopération dans tous les domaines d’intérêt commun». De là à y voir une reprise des négociations concernant l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA), il n’y a qu’un pas que nous ne franchirons pas. La déclaration indique, par ailleurs, que la haute représentante a saisi cette occasion pour «saluer et féliciter personnellement le Maroc pour son retour au sein de l’Union africaine». À ce titre, les deux parties «se sont mises d’accord pour travailler de concert afin de renforcer les synergies mutuelles de leur partenariat sur des questions régionales et panafricaines».
Les agriculteurs intransigeants
En attendant, pas de brèche dans la position marocaine concernant l’accord agricole. Malgré l’important impact qu’une remise en cause du partenariat avec l’Union européenne pourrait avoir sur l’activité agricole, les professionnels ont démontré un soutien sans faille à l’égard de la position du ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime. «Nous attendions cette sortie depuis très longtemps. En réalité, depuis que nous avons signé cet accord agricole en 2012, nous demandions aux pouvoirs publics de défendre de manière plus musclée nos intérêts. Aujourd’hui, cette décision du ministère de l’Agriculture a été prise en concertation avec les professionnels et nous nous en félicitons», souligne Ahmed Ouayach, président de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (Comader).
L’organisation regroupe une vingtaine de fédérations interprofessionnelles, qui fédèrent, à leur tour, pas moins de 250 associations nationales et régionales, agricoles et agro-industrielles, et dont les produits sont destinés au marché local et à l’export. La Comader était également partie prenante dans le cadre de l’affaire de l’annulation de l’accord agricole dans sa phase d’appel devant les tribunaux européens. C’est dire qu’elle connaît très bien les tenants et aboutissants de l’affaire. Pour la Comader, le Maroc est en droit de rappeler son partenaire à l’ordre en demandant aux institutions de l’Union européenne de faire taire certaines voix qui se sont fixée comme mission de perturber cet accord. «Nous sommes ici en face de la question de notre intégrité territoriale. Quel que soit notre rôle, politiciens, agriculteurs, commerçants, nous aurons une seule et même voix», lance pour sa part Omar Mounir, vice-président et porte-parole de la Fédération interprofessionnelle des fruits et légumes (Fifel). Pour cette dernière, les risques sur la production et l’export sont à minimiser : «Le véritable problème c’est de permettre des entorses à notre intégrité territoriale. Pour le reste, nous pourrons toujours trouver des solutions», affirme Omar Mounir.
Ahmed Ouayach
Président de la Comader
Il n’y a pas que l’accord agricole, de pêche ou l’Accord d’association qui lie le Maroc à l’Union européenne. Nous avons également d’autres cartes à jouer dans le cadre du commerce de services, des questions de sécurité, de migration ou encore d’investissement. Tout cela peut avoir des répercussions importantes du côté européen que nous n’espérons évidemment pas. Ce qui nous inquiète aujourd’hui, c’est de voir des petits groupes nuire à notre dossier. Nous faisons également face à des obstacles à l’entrée qui deviennent de plus en plus gênants. Pour certaines parties, tous les moyens sont malheureusement bons. Ils commencent par crier que les quotas sont en dépassement, ils mettent en avant des questions phytosanitaires et remettent en question les périodes d’exportation. C’est un véritable rodéo que l’on nous fait subir sur le marché européen. Le Maroc ne veut pas rester dans cette marre. C’est pour cela que nous avons décidé d’avoir une réaction forte. En attendant un retour de la part des institutions européennes, le Maroc continue son chemin. Nous ne nous concentrons pas uniquement sur ce dossier. Nous prospectons d’autres horizons, nous travaillons notamment sur l’Afrique. Si la réaction n’est pas dans notre intérêt, nous allons prendre les mesures qui s’imposent.