Financement des autoroutes : L’Équipement lorgne l’argent du privé
Le département de Rabbah veut défricher le terrain des PPP pour certains tronçons comme ceux de Rabat-Casablanca continentale, Marrakech-El Kelaa Sraghna. À elle seule, la société Autoroutes du Maroc trouve de plus en plus de mal à mener des projets autoroutiers budgétivores.
Le ministère de l’Équipement, du transport et de la logistique est aujourd’hui à la recherche de nouveaux schémas et montages pour la réalisation et l’exploitation des autoroutes. Aucune piste n’est à exclure à commencer par les partenariats public-privé qui arrivent en pole position, suivis d’autres modèles comme la concession, la gestion déléguée et bien évidemment les marchés publics. Toutefois, le ministère met particulièrement l’accent sur les PPP pour une meilleure levée de fonds, ô combien cruciale en cette période de difficultés financières.
Dans son rapport sur les établissements et entreprises publiques de juin dernier, la Cour des comptes a conclu qu’Autoroutes du Maroc (ADM) a enregistré «un déficit d’exploitation de plus en plus élevé ayant tendance à devenir structurel et qui pourrait menacer la solidité du montage ayant prévalu jusqu’à présent et engendrer des besoins de recapitalisation croissants». Ladite cour précise aussi que le rapport dettes financières/fonds propres est de 4,9 à fin 2015, contre un ratio normal de 1. Voilà qui remet en question un modèle qui a connu ses heures de gloire, mais qui a besoin, aujourd’hui, d’une vraie thérapie de choc.
Des tronçons triés sur le volet
C’est justement dans ce souci que le département d’Aziz Rabbah veut défricher le terrain des PPP. Pour commencer, le ministère veut explorer les possibilités pour certains tronçons comme ceux de Rabat-Casablanca continentale, Marrakech-El Kelaa Sraghna et l’autoroute de contournement d’Agadir qui totalisent 184 km. La même volonté concerne aussi la desserte de la ville de Nador à partir de l’autoroute Fès-Oujda (Guercif), la desserte du Port Nador West Med -Tanger -Tétouan, la desserte bipôle Fès – Meknès et Tanger -Tétouan – Fès -Taounate. Fort de la loi 86-12 sur les PPP entrée en vigueur en janvier 2015, le gouvernement visait alors l’accélération du rythme des investissements publics et renforcer la fourniture de services et d’infrastructures administratives, économiques et sociales de qualité. S’ajoute à cela le fait que le ministère de l’Économie et des finances a mis en place une cellule PPP ayant pour mission d’accompagner les administrations et EEP dans la conduite des projets PPP et contribuer au développement de synergies et des bonnes pratiques en la matière. Le temps est donc venu de faire profiter le programme routier 2035 de cette dynamique. En effet, ce dernier a été conçu pour répondre à l’évolution de la demande de transport et accompagner l’ensemble des stratégies sectorielles nationales. Il intègre en particulier les besoins en matière de développement et d’adaptation du réseau routier induits par les trois grands plans sectoriels suivants : Plan logistique, Plan Maroc vert et Plan touristique sans oublier le Schéma national d’aménagement du territoire (SNAT).
La logistique a besoin de routes appropriées
Toutefois, malgré les progrès accomplis et de l’avis même du ministère, le réseau routier souffre encore de plusieurs fragilités et discontinuités en termes de capacité, de niveau de service, d’équipements ou encore de couverture territoriale. Par ailleurs, les contraintes budgétaires acculent régulièrement à des arbitrages difficiles en termes de priorisation et de programmation. C’est ce qui explique ces situations de fragilité et de discontinuité surtout en matière de maintenance du patrimoine routier.
S’ajoutent à cela des enjeux non moins importants ayant trait à la sécurité routière et qui revêtent un caractère d’urgence à cause de leur impact socio-économique sur la collectivité et sur les individus. Tous ces facteurs se trouvent amplifiés par la croissance importante des trafics, l’extension de l’armature urbaine ou encore les impératifs du développement économique. C’est un ensemble de plus en plus pesant sur la qualité et le niveau de service du réseau routier, ce qui implique une nouvelle réflexion pour consolider les efforts déployés et partant améliorer la compétitivité du Maroc et de ses régions. Aujourd’hui, la matrice du développement est indissociable d’un réseau routier performant et respectant les critères de sécurité et de viabilité. Objectif, créer les meilleures conditions pour le déplacement des biens et des personnes. Cette volonté que l’on ambitionne aujourd’hui de raffermir en ayant recours aux PPP vise à doter le secteur de la logistique de réseaux routiers multimodaux modernes et continus. La croissance passe bien évidemment par l’amélioration de la connectivité territoriale.
Il s’agit dans ce sens de pérenniser la régularité des temps de parcours et la fluidité des déplacements en harmonisant les exigences des usagers, les besoins des régions et les moyens disponibles.
Mutualiser les budgets
Aujourd’hui et plus que jamais, le réseau routier suscite l’intérêt général et fait l’objet de grandes attentes de la part des citoyens (usagers, riverains, contribuables). Les différents intervenants dans le secteur routier reconnaissent qu’il faut désormais mutualiser les budgets, les potentialités et les ressources particulièrement dans le secteur privé. Il s’agit en fait d’une recommandation clairement exprimée par le Plan routes 2035. Ce dernier estime qu’il est désormais judicieux de revoir le volet de concession globale afin de s’ouvrir sur d’autres formes de concessions en analysant les avantages et les inconvénients de chaque mode opératoire et en mesurant les impacts à la fois financiers et organisationnels sur le réseau routier. Le même plan pousse vers l’accélération du processus de participation du secteur privé dans la réalisation et l’exploitation de l’infrastructure routière et le développement du PPP.
96 MMDH pour le Plan routier 2035
Pour mesurer l’importance d’impliquer le privé dans les projets routiers, il suffit de savoir que ledit plan routier à l’horizon 2035 nécessite pas moins de 96 MMDH. À lui seul, le budget de l’État serait fortement sollicité. En effet, ce plan vise la réalisation de 5.500 km de routes, dont 3.400 km d’autoroutes et 2.100 km de voies expresses. Il a également pour objectif de moderniser le réseau routier structurant à travers le réaménagement de 7.000 km de routes pour un budget prévisionnel estimé à 55 MMDH, de sauvegarder le patrimoine routier via l’élargissement et le renforcement de 24.000 km de routes, de reconstruire 300 grands ouvrages et de restaurer 1.000 ouvrages pour un montant de 70 MMDH. Aziz Rabbah avait expliqué devant les parlementaires que ce plan dispose d’un programme spécifique aux routes rurales portant sur la réalisation de 30.000 km pour un investissement de 30 MMDH.