Justice : L’indépendance, principe cardinal de la réforme
Bilan Gouvernemental «5»
Justice : L’indépendance, principe cardinal de la réforme
Si les avis divergent sur l’étendue des réformes qui ont été engagées depuis 2012, l’indépendance des magistrats ne semble plus en danger. Face à l’une des plus délicates réformes du Maroc de l’après Constitution de 2011, Mustapha Ramid a dû attendre, sans perdre de temps, les résultats du débat national autour de la question avant de passer à la vitesse supérieure pour boucler le plan législatif sur lequel il s’est engagé.
L’adoption des deux lois organiques sur le statut des magistrats, l’autorité judiciaire, la Cour constitutionnelle et enfin l’adoption de la nouvelle organisation judiciaire durant cette année ont parachevé les derniers jalons de la réforme qui a été entamée effectivement à partir de 2014. À l’exception du Code de procédure pénale, le plan législatif du département de la Justice et des libertés a été appliqué de manière scrupuleuse, y compris les lois exigées par le débat national autour de la réforme de la justice.
Le passage à la vitesse supérieure durant cette ultime année du mandat du gouvernement a été accompagné par l’élection des membres du Conseil supérieur en juillet 2016 avec comme souci durant cette période transitoire une coordination avec le ministère de la Justice, mais surtout les facilités nécessaires qui sont à accorder au conseil par les différentes autorités et sa consultation au sujet des projets de lois relatifs au système judiciaire. L’indépendance de la justice, qui est le principal chantier du mandat du gouvernement, s’est concrétisée par l’adoption de deux lois organiques portant sur le Conseil supérieur de l’autorité judiciaire et du statut des magistrats.
D’un autre côté, la lutte contre la corruption, les droits de l’Homme ainsi que l’absence d’un consensus autour du projet de Code pénal restent les principaux points sur lesquels le département de la Justice et des libertés a eu le plus de mal à gérer, que ce soit sous la pression des rapports émanant d’ONG internationales ou par «l’obstination» de certains partis de l’opposition parlementaire à reconnaître les acquis du débat national de la justice.
La carte judiciaire et les édifices judiciaires, la vitrine de la réforme
La hausse du nombre de litiges ainsi que les exigences de la proximité des services judiciaires envers les parties au procès a poussé le département de la Justice et des libertés à prévoir la hausse du nombre des juridictions. Le souci de décongestionner les tribunaux de 1re instance reste primordial avec la suppression des Chambres d’appel dans les tribunaux de premier degré parallèlement à la création des bureaux d’assistance sociale pour les litiges relevant du Code de la famille. Un inventaire général de l’état des lieux des édifices des tribunaux, mené en 2012, a fait ressortir que 48% des locaux sont inadaptés. Le coup d’envoi des travaux de réfection n’a pu être donné que durant cette année 2016 et s’étend jusqu’à 2018, selon le programme qui a été mis en place et qui procède à la catégorisation de l’ensemble des dépendances des juridictions selon la taille de la juridiction en termes de nombre d’affaires actuelles et futures.
RH, transparence des concours… véritable cheval de bataille
En plus de la garantie de la transparence et de l’honnêteté des concours de recrutement, le ministère a tenu à l’amélioration des procédures de sélection des responsables de l’ensemble des services administratifs, la généralisation de la formation continue et de la spécialisation à tous les magistrats et cadres greffiers à raison de 1.000 magistrats et 6.000 cadres administratifs en une année. Le bilan du ministère publié en février 2016 montre que le Maroc compte une moyenne de 12,10 magistrats pour 100.000 habitants, ce qui le met dans les normes tracées par la Commission européenne pour l’efficience de la justice, qui situe cette moyenne entre 10 et 15 magistrats pour 100.000 habitants.
Code pénal, un difficile accouchement
Le département de tutelle a bouclé l’étape de la mise en conformité du Code pénal avec la Constitution de 2011 sans pouvoir convaincre l’opposition et certains représentants des ONG. Le département de la Justice, qui a dû répondre favorablement à certaines demandes exprimées avant le dépôt de la version finale au SGG, notamment sur les questions portant sur la mise en œuvre de la transparence ainsi que sur les mesures visant à recadrer l’avortement et celles destinées à inciter les juges à prononcer des peines alternatives, dans l’optique de résoudre la question de l’encombrement des centres de détention et la transposition des principes des droits de l’Homme.
Le projet de loi 10-16 répond aussi à plusieurs demandes émises lors des tractations autour du projet, notamment celles visant le degré d’opportunité des sentences judiciaires dans l’objectif de permettre aux magistrats de choisir entre la contrainte par corps et les amendements dissuasifs qui ont été prévus par le projet. La version finale a procédé à la précision des termes relatifs à ce registre en prenant en considération les nouveautés en la matière à l’échelle internationale, et à la réduction des peines par rapport au système juridique actuel en laissant aux juges le choix de prononcer une peine privative de liberté ou une peine pécuniaire, dans le cadre de leur pouvoir d’appréciation. En plus de la règle admise par le projet de non cumul des peines privatives de libertés et des amendes, le projet a aussi voulu transposer certaines règles contenues dans les accords internationaux ratifiés par le Maroc. Les derniers correctifs qui ont été apportés au projet portent sur l’enrichissement illicite.
Droits de l’Homme : la partialité des rapports étrangers dénoncée
Tout au long de son mandat, le ministre de la Justice et des libertés a exprimé à maintes reprises lors de son passage sous la coupole le refus de la démarche qui consiste à faire évoluer le climat des droits de l’Homme au Maroc sous l’effet de la pression et des chantages politiques. Parmi les nouvelles initiatives dévoilées en 2016 pour la mise en œuvre de l’article 122 de la Constitution se trouve un projet de loi spécialement élaboré pour la réparation des dommages subis par les personnes détenues provisoirement de manière arbitraire. C’est la réforme du Code de procédure pénale, laquelle n’est pas encore achevée, qui conditionnera le changement attendu, ainsi que le remplacement des détentions provisoires soit par des amendes, soit pas une surveillance judiciaire, ce qui pourra abaisser le pourcentage des détenus au sein de la population carcérale à moins de 42%. Les ONG des droits de l’Homme ont été également impliquées en vue de dissiper le climat de méfiance qui règne encore entre certaines associations et le gouvernement depuis son investiture, et dont les soubassements partisans restent souvent la principale source de tension et d’instrumentalisation des cas de violation dénoncés par le tissu associatif.
Contentieux de l’État, une moyenne annuelle de 30.000 affaires
Les statistiques collectées par les magistrats de la cour montrent que le nombre moyen annuel des recours intentés contre l’État est de l’ordre de 30.000 affaires, tout en précisant que la moitié de ces affaires concerne le recours en annulation et le recours en indemnité pour atteinte à la propriété privée. Pour plus d’efficacité, le cadre légal portant statut de l’agence judiciaire qui date de 1953 sera révisé. Le rapport 2014 de la Cour des comptes publié cette année montre que les tribunaux ont rendu des sentences à caractère pécuniaire contre la collectivité publique qui totalise près de 4,5 MMDH pour la période 2006-2013. Pour sa part, la moyenne annuelle des affaires traitées est de 12.000 procès, avec près de 60% de ces procès qui couvrent aussi la défense des fonctionnaires. Sur ce point, le département de la Justice a inséré dans les dispositions du Code de la procédure civile des mesures qui tentent de clarifier l’étendue de la responsabilité des fonctionnaires dans le cas des recours pour excès de pouvoir formulés devant les juridictions administratives et la Cour de cassation.
Lutte contre la corruption, les chevauchements à éviter
La problématique du rapprochement institutionnel est un véritable centre d’intérêt commun du département de la Justice, de l’Instance de probité, du Médiateur ainsi que du tissu associatif impliqué dans le processus. Le constat renvoie à une multitude d’entraves qui restent encore à surmonter, pour éviter les chevauchements, ainsi que de nouveaux mécanismes pour la création de vrais partenariats avec la société civile. L’une des pistes indiquées renvoie au «renforcement du dialogue avec la société civile au niveau local. Le renforcement de la coordination devra également se baser sur les outils de communication à travers un portail national d’intégrité qui sera le guichet unique pour les plaintes, sans oublier de faire adhérer toute l’administration publique et assurer le back-office.
Pour instaurer la transparence dans l’exercice des missions judiciaires, les justiciables peuvent dénoncer tout comportement inapproprié provenant d’un acteur ou d’un intervenant dans le système judiciaire au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire ou au ministère de la Justice. Des unités et des bases de données pour guetter et suivre les comportements judiciaires et professionnels et publier des rapports à ce sujet ont été aussi décidées par la loi organique relative au Conseil supérieur. Sur le registre de la garantie de l’intégrité de la justice figure l’augmentation des salaires pour les magistrats en 2014 et l’instauration pour la première fois d’indemnités pour l’administration judiciaire, sans oublier l’augmentation importante des tarifs des procédures au profit des huissiers de justice.
Mustapha Ramid
Mnistre de la Justice et des libertés
La réforme du système de la justice se fait sur la base d’une conception collective. Les revendications des citoyens concernant la réforme de ce secteur se résument à l’exigence de rendre des jugements équitables et applicables dans un délai raisonnable, comme le stipulent les articles 120 et 126 de la Constitution. La réforme a porté sur trois fondements, à savoir des édifices adaptés et aptes à rendre service au citoyen, des ressources humaines suffisantes et compétentes et une justice indépendante, intègre et efficiente.