Prisons débordées : La capacité d’accueil dépassée de 300% !
Les prisons marocaines sont surpeuplées. Le cas le plus emblématique est certainement la prison d’Oukacha à Casablanca. Ce pénitentier, doté d’une capacité de 5000 détenus accueille aujourd’hui 9000 détenus, soit un dépassement de capacité de 180% Et la situation est tout aussi insoutenable dans les toutes les prisons du pays. Le profil du détenu a aussi évolué.
«Le surpeuplement est une maladie chronique des prisons marocaines», avoue Mustapha Lekhrafi, directeur de l’action sociale et culturelle au sein de La Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR). Ce constat présenté le 23 juillet lors de la journée de communication organisée en partenariat entre la délégation et l’Association des journalistes judiciaires (AJJ) au Centre de formation des cadres de Tiflet, sonne comme un aveu d’impuissance. Lors de cette séance d’échange avec les journalistes, les représentants de la DGAPR ont présenté des données qui indiquent des changements majeurs au niveau des délits et du profil des détenus. Ces chiffres retracent l’évolution dans les prisons entre 2002 et 2015.
Attention, prisons saturées !
Le surpeuplement ne fait que s’aggraver. La prison locale d’Oukacha à Casablanca est certainement le cas le plus emblématique. Cet établissement, doté d’une capacité de 5000 détenus, accueille en ce moment 9000 détenus, soit un dépassement de capacité de 180%. Dans les autres villes du pays, la situation est également insoutenable. Ainsi, la prison de Marrakech qui dispose d’une capacité de 700 détenus accueille 2300 détenus soit une capacité dépassée de 328%. À Nador, la prison locale dispose de 840 places, elle accueille 1170 détenus, une capacité dépassée 140%.
42% des détenus sont en détention provisoire
Les différentes actions mises en places par la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR) (construction de nouvelles prisons, extension des établissements existants) n’arrivent pas à juguler une croissance exponentielle des détenus (+36% depuis 2002). Les différentes alertes lancées par le Conseil national des droits de l’Homme (rapports de 2004 et 2012), la Chambre des représentants en 2011, la société civile et spécialement l’Observatoire marocain des prisons (OMP) dans ses rapports annuels n’ont pas été suffisants pour stopper la démographie galopante dans les prisons. Les raisons de cette situation alarmante se trouvent hors des murs des prisons et surtout au niveau des tribunaux. Le recours excessif à la détention provisoire est la première cause du surpeuplement. 42% des détenus dans les prisons marocaines sont en détention provisoire.
105.420 personnes ont transité par une prison en 2015
Un autre chiffre fait froid dans le dos : 105.420 personnes ont transité par les 70 prisons marocaines en 2015, ce chiffre est également en hausse de 18,8%. «Un juge traite en moyenne 200 affaires par jour, il est impossible que ce magistrat étudie ces dossiers convenablement dans ces conditions de travail déplorables. Le surpeuplement est finalement la conséquence des difficultés de l’ensemble du système pénal», affirme Mustapha Lekhrafi, directeur de l’action sociale et culturelle au sein de la DGAPR.
Grèves de la faim : + 327%
Ce surpeuplement a pour conséquence la détérioration des conditions d’accueil des détenus. Ces derniers n’hésitent plus à entamer des grèves de la faim pour dénoncer la situation. Ainsi, 2.290 grèves de la faim ont été observées en 2015, un chiffre en hausse de 327% par rapport à 2002. Les prisonniers politiques ou ceux impliqués dans les affaires de terrorisme n’ont plus le monopole ce mode d’action. Des prisonniers de droit commun enclenchent également de plus en plus des grèves de la faim.
Courtes peines : +26%
La durée moyenne de la détention a connu un bond de 14,4% entre 2002 et 2015. Paradoxalement ce changement s’est accompagné par une progression des courtes peines. Le nombre de détenus condamnés à des peines allant de 6 mois à deux ans de prison a progressé de 26,3%, renvoyant à la problématique de la petite délinquance. Les peines allant de 5 à 10 ans ont également connu une progression de 17,2%. Les détenus condamnés à la peine capitale ont cru de 9,5%, ce dernier chiffre s’expliquerait par la multiplication des affaires de terrorisme depuis le 16 mai 2013.
Détenus de professions libérales : +102%
L’évolution de la population carcérale selon la profession ne laisse pas indifférent. Alors que les détenus sans emploi et les agriculteurs sont en baisse respectivement de 39% et 26%, d’autres catégories professionnelles remplissent les prisons. La catégorie des détenus exerçant une profession libérale a évolué de 102%, les artisans (+51%) et les salariés (+ 41%).
Les détenus mariés : +21,5%
Selon leur statut matrimonial, le nombre de détenus mariés a cru de 21,5 %, alors que les détenus célibataires ont progressé que de 3,5%. L’évolution des détenus selon leurs lieux de résidence laisse entendre une métamorphose dans la géographie des délits au Maroc. Pendant que la population carcérale issue des grandes villes et des campagnes a reculé de 16% pour les deux catégories, les détenus issus des villes moyennes ont progressé de 68,8%.
Tous ces chiffres méritent des analyses approfondies. «Nous venons de mettre en place un master en collaboration avec l’Université Mohammed à Rabat pour préparer la réflexion sociologique approfondie et sereine sur l’évolution de la criminalité et de la situation dans le monde carcérale», annonce Lekhrafi. Le démarrage de cette formation est prévu pour l’entrée universitaire prochaine.