Étude McKinsey : Citadin et senior, le nouveau profil type du consommateur
En Afrique, marché émergent pour les entreprises marocaines, la progression du nombre et du niveau de vie des actifs urbains sera le principal moteur de la consommation, avec une demande orientée vers les biens de consommation courante. La demande en provenance d’Europe sera, quant à elle, principalement impulsée par les consommateurs seniors.
Depuis les premiers pas de la science économique, la consommation des ménages a toujours constitué une variable fondamentale dans la formation des revenus nationaux et dans le comportement de leurs variations. Si le temps n’a eu aucune influence sur l’importance de ce paramètre, il a en revanche profondément modifié la manière dont le consommateur se comporte, et la façon dont les ménages affectent leurs dépenses. En effet, le cabinet McKinsey vient de rendre public un rapport, (Urban World : The global consumers to watch) qui décortique la consommation des ménages à travers le monde et surtout la manière dont les changements de sa structure sont susceptibles d’influencer les économies mondiales, dont celle du Maroc. La conclusion phare qui ressort de l’analyse du McKinsey Global Institute (MGI) est en relation avec la démographie : «La croissance de la consommation des ménages reste indissociablement liée au phénomène de l’urbanisation». Aussi, au niveau mondial, dans les quinze ans à venir, l’analyse du cabinet américain estime que les dépenses de consommation des ménages progresseront d’environ 20.000 milliards d’euros et que 91% de cette croissance sera issue des grandes zones urbaines, surtout chinoises et nord-américaines.
Casa et Rabat dans le «top 600» mondial
Cette création de richesse restera géographiquement très concentrée. À elles seules, 32 métropoles mondiales vont générer le quart de la croissance de la consommation urbaine entre 2015 et 2030. Dans le «top 20» des zones urbaines les plus dynamiques, il y aura 7 métropoles américaines, 6 métropoles chinoises et uniquement Londres en Europe. De plus, parmi le «top 600» des villes les plus importantes en termes de consommation des ménages, on retrouvera 43 villes d’Afrique et du Moyen-Orient, parmi lesquelles Casablanca et Rabat. Au-delà de l’aspect géographique lié à l’urbanisation des espaces économiques, deux autres tendances, en particulier, vont profondément influencer l’évolution de la consommation : d’une part, le ralentissement de la croissance démographique, directement liée à la transition démographique opérée dans plusieurs pays émergents et d’autre part le vieillissement de la population. «Ces catégories de consommateurs peuvent avoir des demandes très spécifiques», note Adam Kendall, directeur associé et gérant de McKinsey au bureau de Casablanca. «Par exemple, chez les seniors des économies matures, les dépenses de santé vont fortement progresser, ainsi que les dépenses dans les services en général. Cela peut être une opportunité pour le tourisme marocain par exemple, à condition d’adapter les infrastructures d’accueil. Il y a également une réflexion à avoir sur le «tourisme médical» dans un contexte où les dépenses de santé sont moins généreusement prises en charge par les systèmes européens de sécurité sociale», illustre l’expert.
Des «moteurs» de plus en plus complexes
Selon le patron du bureau de Casablanca du cabinet étasunien, cette fragmentation sera un défi pour les entreprises marocaines, dont l’essentiel des débouchés à l’export reste en Europe, où les seniors porteront l’essentiel d’une dynamique dans l’ensemble relativement atone. En Afrique, marché émergent pour les entreprises marocaines, la progression du nombre et du niveau de vie des actifs urbains sera le principal moteur de la consommation, avec une demande orientée cette fois vers les biens de consommation courante. «Il reste des opportunités de croissance partout, mais elles doivent être ciblées davantage. Les entreprises qui réussiront le mieux dans ce nouveau contexte, seront celles qui auront une compréhension fine de l’ensemble des moteurs clés de la consommation», poursuit Kendall. Il s’agit en l’occurrence de paramètres tels que le revenu, l’âge, le niveau d’éducation, le mix ethnique ou le timing de décisions-clés comme le mariage, l’achat d’un logement ou l’âge au premier enfant par exemple. Au final, ce sont les entreprises qui auront la capacité d’y adapter leur offre et leur empreinte qui pourront tirer leur épingle du jeu. L’on pourrait percevoir en filigrane que ces nouvelles exigences demanderont des compétences pointues et ne manqueront pas de faire les beaux jours des cabinets d’experts de l’envergure de McKinsey.
Adam Kendall
Directeur associé et gérant de McKinsey au bureau de Casablanca
Lorsqu’on passe d’une croissance de la consommation tirée surtout par le nombre de consommateurs à une croissance tirée par leur pouvoir d’achat, cela entraîne des changements dans le «panier» des consommateurs, c’est-à-dire le type de biens et services qu’ils achètent. Avec l’élévation progressive du niveau de vie, la demande se porte d’abord sur les biens de consommation courante, notamment l’alimentation ou l’habillement, puis sur les biens d’équipement, et enfin sur les services comme les loisirs. De ce point de vue, le Maroc est pleinement engagé dans cette transition, au même titre que d’autres économies émergentes. Si l’alimentaire demeure le premier poste de dépenses des ménages, d’autres postes ont pris une importance significative comme les dépenses de logement, d’équipement, de santé ou de loisirs. À titre d’exemple, en Europe, premier partenaire commercial du Maroc, les services représentent, en moyenne, 25% des dépenses des ménages, contre 12% au Maroc. (…) Le consommateur global n’a jamais existé. Mais jusqu’à présent, on pouvait associer quelques grands types de consommateurs à chaque région du monde. Ce rapport montre qu’il faut désormais une approche plus fine de ces marchés, qui croise les critères géographiques et sociodémographiques.