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«Il faut sortir du schéma classique des échanges commerciaux»

Sun Shuzhong : Ambassadeur de Chine au Maroc

Pour Sun Shuzhong, la visite du roi en Chine est un signal fort de la volonté de promouvoir davantage les relations économiques entre les deux pays. L’ambassadeur de Chine au Maroc insiste sur l’importance de sortir des sentiers battus, en termes de configuration des échanges commerciaux, pour s’ouvrir à d’autres secteurs.

Les Inspirations ÉCO : Quel regard portez-vous sur la visite royale en Chine, au moment où le Maroc cherche à diversifier ses relations économiques et diplomatiques ?  
Sun Shuzhong :  Il faut d’abord remonter le cours de l’histoire. Les deux pays ont toujours eu de bonnes relations, surtout depuis l’établissement des relations diplomatiques en 1958. La Chine et le Maroc se considèrent comme des pays amis, frères et partenaires. Je dis cela parce qu’il y a toujours un haut degré de confiance politique mutuelle qui constitue la pierre angulaire de l’amitié entre les deux pays. Nous nous entendons parfaitement bien dans tous les domaines, notamment politique, culturel et éducatif. Aujourd’hui, nous sommes dans un «bon contexte» à travers la visite royale en Chine, signe que nous entrons dans une nouvelle ère de coopération. Nous élevons donc notre niveau de partenariat stratégique marqué par le pragmatisme. En effet, la Chine est le quatrième partenaire commercial du Maroc. Nous avons enregistré des résultats fructueux, mais cela ne suffit pas. Je crois donc qu’à travers cette visite royale, nous pourrons renforcer et promouvoir la coopération pour qu’elle soit plus concrète.

La présence de la Chine en Afrique est stratégique. Comment profitez-vous de la position du Maroc et de son rayonnement économique dans le continent pour mettre en place une coopération triangulaire ?
Depuis l’an 2000, nous tenons un Forum de coopération sino-africain qui s’est traduit par de grands projets de coopération. La Chine considère l’Afrique comme une région très forte avec une multitude d’opportunités pour les peuples chinois et africains. Nous avons déjà quelques grands projets de coopération avec les pays africains en matière d’énergie et d’industrialisation. Dans cette configuration, le Maroc est un pays très important dans le continent surtout par sa position géographique, au carrefour économique de l’Europe et de l’Afrique. La Chine a toujours considéré le Maroc comme un partenaire sûr et nous pouvons continuer notre coopération dans tous les domaines. Nous avons déjà réalisé de grands projets dans l’énergie renouvelable, notamment à Noor 2 et Noor 3. S’ajoute à cela, le fait que lors de la visite royale, il y aura peut-être encore plus de conventions de coopération et de mémorandums d’entente qui seront signés. La Chine est toute disposée à soutenir l’accélération de l’industrialisation au Maroc.

Il y a aujourd’hui, en Chine, des millions d’emplois qui devraient être disponibles en colocalisation. Toutefois, les IDE chinois au Maroc n’ont pas encore atteint leur rythme de croisière. Quels sont, à votre avis, les pistes d’améliorations ?
Vous savez que l’économie chinoise est entrée dans une nouvelle normalité alors qu’auparavant, la Chine réalisait une croissance à deux chiffres. Maintenant, nous entrons dans une période de réajustement de l’activité économique du pays. C’est-à-dire que l’on doit renforcer les services, qui représentent 50% du PIB, et réduire le pourcentage de l’industrie qui est à 36% du PIB. D’autre part, la Chine encourage les opérateurs qui travaillent dans l’innovation technique. Dans ce sens, nous cherchons toujours à avoir une relation gagnant-gagnant avec les pays africains et à profiter du développement partagé. Au Maroc, nous avons renforcé nos efforts pour aider les investisseurs chinois qui s’installent au Maroc. Récemment, plusieurs délégations d’hommes d’affaires chinois sont venues en prospection au Maroc. Je suis certain que les résultats seront probants.
 
Quels sont, à votre avis, les obstacles (notamment administratifs) qu’il va falloir dépasser pour profiter pleinement du développement commun ?
Depuis mon arrivée au Maroc, j’ai eu quelques réflexions sur le partenariat entre nos deux pays. Il faut avoir des bases solides de coopération. Pour y arriver, il y a trois critères que je qualifie de «trois C». Le premier, c’est la Connaissance mutuelle, qui est très importante. Certes, la Chine et le Maroc se trouvent géographiquement éloignés, mais les deux peuples ont toujours ce rapprochement du cœur basé sur la culture et les traditions. Dans ce cas-là, il faut renforcer l’échange personnel. Le deuxième critère est celui de la Compréhension, et le troisième, celui de la Confiance mutuelle. De cette manière, nous pouvons obtenir des résultats fructueux. En effet, il y a des obstacles administratifs dont j’ai moi-même discuté avec le ministre marocain des Affaires étrangères. Je crois que lors de la visite royale en Chine, nous pourrons trouver des solutions, dont la plus concrète serait la facilitation la mobilité des personnes, y compris des hommes d’affaires et des touristes.

En 2015, un fonds commun de 15 MMDH a été mis en place entre les Banques centrales des deux pays pour faciliter le change et, partant, les échanges commerciaux. Qu’en est-il de la coopération financière entre le Maroc et la Chine ?
En décembre 2015, le président chinois a annoncé 10 projets majeurs de coopération entre la Chine et les pays africains de 60 milliards de dollars sur trois ans. Ces projets s’inscrivent notamment dans l’industrialisation, l’économie verte, les infrastructures et surtout la facilitation des financements. Vous savez, nous sommes toujours prêts à promouvoir la coopération financière avec le gouvernement marocain. Entre les banques commerciales, il y a aussi quelques bons projets de coopération.

Ne faut-il pas aujourd’hui sortir du schéma traditionnel des échanges commerciaux entre les deux pays pour s’ouvrir à d’autres secteurs porteurs ?
J’ai aussi recensé quelques pistes de réflexions sur le commerce bilatéral entre les deux pays. Il y a, en effet, le problème du déséquilibre de la balance commerciale. En 2015, le volume des échanges a été de 3,4 milliards de dollars, mais du côté marocain il y a un grand déficit. Si l’on veut revenir à l’équilibre, il faut sortir du schéma classique des échanges commerciaux. Il faut construire des unités de production spécialement dédiées à l’exportation vers la Chine. On peut le faire notamment dans le domaine de l’agriculture. Il faut réfléchir à trois pistes, à savoir les services, le tourisme et l’investissement. En tant que pays touristique, le Maroc doit accueillir plus de touristes chinois, mais quelques facteurs manquent. Il y a chaque année 1,9 millions de touristes chinois à Paris, et un million à Madrid, alors qu’il y en a très peu au Maroc, pays qui dispose pourtant de potentialités touristiques énormes. 



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