Conjoncture : Les ménages marocains ont le blues

Les ménages marocains ont terminé l’année avec un moral relativement au beau fixe alors que les conditions socioéconomiques sont difficiles. La conjoncture économique ne plaide pas en faveur de l’optimisme même si l’appréciation du niveau de vie s’est améliorée, selon l’enquête du HCP. L’incertitude liée à la mauvaise passe que traverse l’économie nationale risque de plomber le moral des ménages, un mauvais signe en cette période de veille d’élections.
Les ménages font grise mine en ce début d’année 2016, en raison du contexte actuel sur le moral des Marocains. Les prévisions d’une mauvaise campagne agricole, qui s’est traduit par une révision à la baisse des perspectives de croissance par le HCP, ont de fortes chances de plomber l’optimisme ambiant qui a caractérisé l’année 2015, année où le pays a connu une campagne agricole des plus exceptionnelles et un taux de croissance de son PIB de 4,4%, selon les dernières estimations. Selon les résultats de la dernière enquête permanente de conjoncture auprès des ménages, que vient de publier le HCP, laquelle est relative au quatrième trimestre du précédent exercice, l’Indice de confiance des ménages (ICM) a continué sur sa tendance haussière entamée depuis le quatrième trimestre de 2014. Il aura enregistré une hausse de 0,8 point par rapport au troisième trimestre de 2015 et de 5,5 points par rapport au même trimestre de l’année 2014. Les raisons de cette amélioration sont largement imputables à un ressenti relativement reluisant du niveau de vie.
Toutefois, concernant les prochains mois, le moral n’est pas vraiment au rendez-vous. À la fin de l’année qui vient de s’écouler, les perspectives d’évolution du niveau de vie ont, en effet, connu une détérioration de 0,4 point par rapport au troisième trimestre, en dépit du constat d’une amélioration de 4,6 points par rapport au même trimestre de l’exercice 2014. Autant dire que le retard des pluies enregistré au début de la campagne agricole a déjà commencé à tempérer l’optimisme des ménages. C’est ainsi que les résultats de l’enquête de conjoncture font état de l’anticipation d’une hausse moins prononcée chez plus de 72% des ménages sondés du nombre de chômeurs pour les 12 mois à venir, contre 8,7% qui pensent le contraire.
Les ménages se serrent la ceinture
Le détail des principales composantes des indicateurs destinés à mesurer l’ICM reflètent mieux la perception par les ménages des perspectives d’évolution de leur situation au cours des douze prochains mois. Le HCP avait déjà anticipé pour 2016 sur la poursuite de la décélération des dépenses de consommation des ménages, qui ne croîtraient que de 2,9% : «un rythme parmi les plus faibles enregistrés au cours des huit dernières années». Ainsi, la contribution de la consommation des ménages à la croissance du PIB ne serait que d’1,7 point cette année contre 2 points en 2016. Cette tendance à l’inflexion pourrait trouver son explication dans l’opinion assez négative des ménages quant à une amélioration significative de la conjoncture économique dans les prochains mois.
La conjoncture est toujours perçue comme peu favorable à l’achat de biens durables même si la situation financière des ménages s’est un peu améliorée. Lesdits ménages sont également moins pessimistes quant à leur capacité future à épargner mais leurs perceptions de l’évolution des prix des produits alimentaires est en dégradation au vu du passé et en amélioration pour le futur. S’agissant par exemple des perspectives d’évolution des prix des produits alimentaires, 76,1% des ménages pensent qu’ils continueront à augmenter dans le futur contre 23% qui prévoient leur stagnation et 0,9% leur baisse. Au quatrième trimestre de 2015, 61,5% des ménages considéraient que leurs revenus couvraient leurs dépenses, 32,1% d’entre eux déclaraient s’endetter ou puiser dans leur épargne et 6,4% affirmaient pouvoir épargner une partie de leur revenu.
Dynamique contrastée
Les nouvelles ne sont pas de bonne augure en cette année de mauvaise conjoncture pour ce qui de la croissance, au cours de laquelle se tiendront les élections législatives et l’installation d’un nouveau cabinet. De ce fait, le spleen des ménages est à prendre en compte par les autorités, particulièrement le gouvernement, qui va devoir prendre les mesures nécessaires afin de restaurer la confiance, surtout que ce ne sont pas les arguments qui manquent. La décélération de la demande intérieure en générale et particulièrement la dynamique morose de la consommation des ménages, contrastent avec la relative embellie qui caractérise certains aspects de la composante économique nationale.
Il s’agit même d’un vrai paradoxe au vu de la détente sur les marchés internationaux des matières premières qui, selon le HCP, s’appuie sur les chiffres de Bank Al-Maghrib (BAM), et témoigne «d’une maîtrise à des niveaux parmi les plus bas du monde, de l’inflation et une aisance des liquidités monétaires». Encore une fois, le gouvernement a tout intérêt à agir de toute urgence en vue de rehausser le moral des ménages, ce qui lui permettrait d’entamer la période électorale avec plus d’optimisme. À défaut, il n’y aura pas que les ménages qui déprimeront…
Les patrons ne sont guère plus optimistes
Il n y a pas que les ménages qui dépriment en raison de la conjoncture économique actuelle. Les industriels partagent cet état d’esprit, à en croire les résultats de la dernière enquête de conjoncture du secteur industriel au quatrième trimestre de l’année 2015, ainsi que les perspectives pour les premiers mois de 2016. Il est vrai que les raisons ne sont pas identiques pour les deux composantes de la croissance du PIB, mais toutes deux tiennent à la conjoncture de l’heure. Les chefs d’unités industrielles qui ont, dans une grande proportion, répondu ne pas avoir de visibilité pour les prochains mois, s’alarment de la persistance des signaux défavorables. Il s’agit notamment d’un climat des affaires défavorable, de conditions d’approvisionnement difficiles, de même que de l’état de leur trésorerie. Pour ce qui est des perspectives pour le premier trimestre de l’année, les industriels s’attendent à «une hausse des dépenses d’investissement pour l’ensemble des branches, lesquelles seront financées essentiellement par autofinancement selon les entreprises». Cette hausse attendue devrait toutefois intervenir dans un contexte incertain, marqué par une stagnation de la production et des commandes.