Parti authenticité et modernité : Le congrès de tous les enjeux

Le nom de l’homme fort du parti est sur toutes les lèvres. Ilyas El Omari peut jouer les trouble-fêtes et donner un nouveau virage au congrès du PAM, dont les travaux démarrent ce vendredi. combien crucial pour l’avenir d’une formation qui veut voler de ses propres ailes. De grands changements dans l’organisation du parti sont aussi annoncés : bureau politique restreint, un bureau fédéral, un Conseil national ramassé…
C’est aujourd’hui, vendredi 22 janvier, que démarre à Bouznika le 3e congrès du Parti authenticité et modernité (PAM). Un congrès de toutes les attentes, mais aussi de tous les risques. Certains fondateurs dudit parti craignent la montée d’Ilyas El Omari en qui ils voient plus un élément de séparation que d’union. Ils le disent clairement : «C’est quelqu’un qui divise avec sa conception très sectaire de l’action politique. La logique tribale, que nous combattons, est hélas très présente chez lui», nous confie une source interne. C’est d’autant plus embarrassant pour un parti qui a toujours privilégié l’union et le consensus autour de la personne qui le dirige. D’abord, en la personne de Mohamed Cheikh Biadillah, le sage du parti et, ensuite, avec Mustapha Bakkoury dont la compétence et la courtoisie sont reconnus. La courte période où Hassan Benadi présidait ledit parti n’était que transitoire pour permettre à tous de se trouver une place à l’ombre. Toutefois, de l’avis de nombre de PAMistes, Bakkoury, actuel secrétaire général du parti, a laissé trop de champ libre à une «bête de la communication» comme El Omari. Ce dernier est de la trempe de ces hommes politiques au verbe affûté dont les médias raffolent, à l’image de Hamid Chabat (Parti de l’Istiqlal), et qui manient bien la langue que la majorité des Marocains comprennent. Nombreux le considèrent même comme l’alter ego de Benkirane.
Un pro de la com
Durant les élections locales et régionales du 4 septembre, El Omari a intelligemment sauté sur l’aubaine, depuis son poste de coordinateur électoral. L’embarras de Bakkoury était visible lorsque ce dernier répondait dans le menu détail aux questions des journalistes lors des conférences de presse pré ou post-électorales. Ainsi, El Omari, gagnant au forceps la présidence de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, s’est forgé lentement mais sûrement l’image d’un homme politique fort et jusqu’au-boutiste.Ceci étant, il est inutile de conjecturer sur les têtes d’affiches du congrès. Comme d’habitude, la présentation des candidatures ne devrait se faire qu’au deuxième ou troisième jour, mais l’on apprend que des critères de compétence et de charisme doivent être remplis pour tenter le graal. Contactée par Les Inspirations ÉCO, Milouda Hazib, présidente du groupe parlementaire du parti le confirme. «Personne au sein du parti ne s’accroche aux postes, mais tous ont le droit de se présenter candidats au poste de secrétaire général du PAM», rétorque la responsable. Pour cette ancienne militante du PND, aujourd’hui très respectée par les bases, seuls les congressistes sont en mesure de choisir la personne la plus indiquée pour prendre le gouvernail. Quant à la possibilité pour elle de se porter candidate au poste de SG, Hazib a humblement décliné expliquant qu’il serait difficile de se mettre en avant face à des personnalités politiques ayant leur poids. D’autres sons de cloches font retentir les noms d’Ahmed Akhchichine, actuel président de la région Marrakech-Safi et membre fondateur du parti, disparu des radars ou encore celui de Fatima-Zahra Mansouri, ex-maire de Marrakech. Néanmoins, les deux n’ont pas encore fait part de leur décision de se porter candidats. Le suspense restera entier, mais comme en politique rien n’est sûr, des fuites peuvent intervenir dès le premier jour du congrès.
Organisation interne : Du nouveau à tous les étages
Ce que l’on a appris par contre, c’est que la commission préparatoire présidée par Cheikh Biadillah et les sous-commissions qui en découlent, ont proposé des changements qui chambouleront l’organisation toute entière du parti une fois adoptés. Il s’agit d’un nouveau mode de gouvernance basé sur un bureau politique restreint de 7 hommes et 7 femmes. La parité serait alors le nouveau cheval de bataille de l’élite du parti. Fait marquant, une nouvelle structure devrait voir le jour, à savoir le bureau fédéral où seront logés les 12 secrétaires régionaux du parti, les présidents des organisations parallèles (femmes, jeunes, ingénieurs, etc) ainsi que 26 personnes nommées directement par le nouveau secrétaire général élu. Considérée comme une structure fourre-tout pour les plus dubitatifs, le bureau fédéral pourrait à l’avenir affaiblir les structures des femmes et des jeunes proprement dites. Point positif, cette restructuration aura la vertu d’installer une nette séparation des prérogatives entre les bureaux politiques et fédéral. Le premier se concentrera sur les questions d’ordre stratégique et sur les alliances, tandis que le second s’acquittera de la gestion organisationnelle et des élections. Ainsi, la Commission électorale devrait être dissoute dans le bureau fédéral. Quid du Conseil national ? Il devra également subir une cure d’amincissement pour passer d’environ 400 membres à 300 voire 250 avec des commissions thématiques en son sein. Le président sortant du Conseil national, Hakim Benchemasse ne se portera pas candidat étant donné qu’il préside aujourd’hui la Chambre des conseillers. L’on se dirige plutôt vers la cooptation d’une femme à la tête du Parlement du parti. Benchemasse avait également déclaré qu’il ne compte pas se porter candidat au poste de SG du parti. Voilà qui est fait !
L’épouvantail des prochaines législatives
Au-delà de l’aspect organisationnel, le parti joue aujourd’hui cartes sur table. Il n’est jamais facile pour une formation politique de tenir son congrès durant une année électorale. Le PAM ne semble pas s’en émouvoir outre mesure. Fort de ses résultats régionaux et locaux avec la présidence de 5 régions sur 12, le parti du tracteur reste imperturbable. Or, si l’on se met dans une logique électorale, deux options font écho dans les couloirs du PAM. La première consiste à maintenir Bakkoury à la tête de ce parti jusqu’aux prochaines législatives. Si le PAM arrive en tête des résultats, ce dernier devra passer le témoin à une autre personne pour se concentrer sur la première participation gouvernementale dudit parti. Le même scénario de départ de Bakkoury est envisageable en cas de perte électorale. Il faut comprendre que le coeur des bases et du Conseil national ne penche vers aucun candidat. Même Bakkoury ne fait pas consensus. Néanmoins, Abdellatif Ouahbi, ex-président du groupe parlementaire PAM, fait partie de ceux qui défendent ce passage en douceur pour maintenir le parti en un seul morceau jusqu’au prochain scrutin. Pour revenir à cette question ou plutôt phénomène de rareté des hommes disposant du plein soutien de leurs militants, il est permis aujourd’hui de s’interroger sur le leadership politique et pas uniquement au sein du PAM. Les leaders qui occupent la scène médiatique se comptent sur les doigts de la main. Le show politique à l’américaine est devenu la référence que quelques têtes d’affiches monopolisent (Benkirane, Chabat, El Omari, un peu moins Lachgar). La seconde option est un passage en force d’El Omari qui n’a pas non plus déçu aux précédentes élections locales et régionales. Dans ce cas-là, le parti s’exposera aux mauvais vents du mécontentement des bases. À un mois du 20 février, le risque d’une montée au créneau des refuzniks est grand car comme cela a été dit, le projet de démocratie sociale englobant toutes les sensibilités du pays, et constituant la pierre angulaire de la plateforme du précédent congrès, peut partir en éclats si El Omari vise les manettes du parti. En effet, si l’on regarde un peu dans le rétroviseur, le PAM créé le 7 août 2008 est le résultat de la fusion de 5 partis politiques, à savoir le Parti national-démocrate, Al Ahd, le parti de l’environnement et du développement, l’Alliance des libertés et le parti initiative citoyenne pour le développement. Ce sont autant de sensibilités politiques que Fouad Ali El Himma a su rapprocher. Pari plus ou moins réussi puisqu’en moins de 8 ans d’existence, le nom de son fondateur ne lui colle plus à la peau. Enfin, le parti rentre lentement mais sûrement dans les mœurs politico-électoraux.
Les jeunes PAMistes se cherchent une identité
Lors d’une rencontre entre jeunes du PAM, Najwa Koukouss Raji, SG de la jeunesse PAMiste, n’y est pas allée de main morte au sujet de l’identité ou du référentiel du parti. Pour elle, la question est vitale pour l’avenir du parti. «Sommes-nous un parti «d’élections» ou sommes-nous là pour apporter un plus et libérer les potentialités ? De quelle modernité et de quelle authenticité parle-t-on ?», s’est-elle interrogée. Lui emboîtant le pas, plusieurs autres jeunes avaient exprimé l’embarras qu’ils ressentent à chaque fois qu’ils sont confrontés à cette question presque existentielle que les Marocains leur posent. Installée il y a quelques mois à peine, l’organisation des jeunes du PAM veut apposer sa griffe en allant vers plus de clarté idéologique. Depuis sa création en 2008 et durant deux congrès nationaux, le bureau politique n’a pu porter le fardeau de la clarification identitaire. Certes, les racines dudit parti, depuis l’association «Mouvement pour tous les démocrates», ont toujours été sources de critiques, mais, il est aujourd’hui plus que vital pour ledit parti de profiter de son troisième congrès pour crever l’abcès identitaire.