Accord d’Agadir, Un conseil d’affaires pour relancer les échanges

Mieux vaut tard que jamais! Les représentants des 4 pays membres de l’Accord d’Agadir ont procédé, hier à Casablanca, à la création d’un Conseil d’affaires de l’accord pour relancer les échanges dans l’espace euro-méditerranéen. Une attention particulière est accordée aux règles de cumul de l’origine dans le cadre du système paneuromed.
9 ans après son entrée en vigueur… qu’advient-il de l’Accord d’Agadir ? Pas grand chose, à en croire les chiffres de l’Office des changes concernant le commerce extérieur avec les 3 autres pays signataires, à savoir la Jordanie, l’Égypte et la Tunisie. À fin 2014, le total des échanges ne dépassait pas 5,4 MMDH, soit à peine 1% de l’ensemble du commerce extérieur marocain. La situation est d’autant plus décevante que la balance commerciale avec ces 3 pays est déficitaire. Alors que les importations se situent à plus de 4,3 MMDH, les expéditions dépassent, pour leur part, à peine 1 MMDH. La présidence marocaine de l’unité technique de l’accord, organe chargé d’accompagner la libéralisation des échanges entre les parties à l’accord, était censée redonner du punch aux échanges entre les parties. C’était en tout cas la volonté de l’ex-secrétaire général du Commerce extérieur, El Aïd Mahsoussi, nommé fin 2013 à la tête de l’unité. La situation semble être plus compliquée qu’il n’y paraît, au vu des chiffres du commerce extérieur à ce niveau. L’Accord de libre-échange d’Agadir, dit aussi accord Quadra ou Quadripartite, est sans doute l’un des accords les moins performants que le Maroc ait signé à ce jour.
Nouveau souffle
Aujourd’hui, l’unité technique veut donner un nouveau souffle aux échanges entre les parties. Un accord a été signé hier à Casablanca entre les différents représentants des États-membres de l’accord pour la création d’un Conseil d’affaires des pays membres. Un projet destiné à rapprocher les opérateurs économiques, notamment les PME des pays membres pour permettre l’échange d’information en matière de produits de base ou semi-finis et de promouvoir le partenariat entre les acteurs du secteur privé. Le projet de convention a été paraphé hier par les différentes parties prenantes, à savoir le Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA), l’Union égyptienne des industries et la Chambre d’Industrie de Jordanie (avec statut d’observateur).
Ce nouveau Conseil d’affaires s’est fixé des objectifs précis en vue de dynamiser les échanges commerciaux à la fois entre les pays signataires, mais aussi avec l’Union européenne (voir encadré). Les efforts seront d’abord consentis en termes de communication. Le Conseil devra assurer des actions de sensibilisation à destination des opérateurs concernant le contenu et les avantages que l’ALE présente. Des actions en vue d’améliorer et de développer davantage les accords de coopération et d’investissement bilatéraux avec les pays de l’UE devront également être menées. Plus concrètement, et dans le but d’améliorer les balances commerciales des 4 pays entre eux ou avec les pays de l’UE, des actions devront être assurées, sans oublier le développement d’une banque de données relative aux secteurs économiques porteurs (production, exportation, importation, commercialisation, investissement) et qui pourront faire l’objet d’échanges commerciaux entre les quatre pays.
Soutien technique
Par ailleurs, cet accord vise à améliorer le niveau des investissements des différents pays signataires entre eux dans l’optique de dynamiser les économies respectives en vue d’en faire des espaces attractifs pour les IDE. C’est dans ce sens que s’inscrit le rôle moteur du secteur privé des quatre pays signataires qui devra servir de locomotive pour les échanges commerciaux respectifs. Le Conseil d’affaires devrait également s’attaquer à l’épineuse question des règles d’origine. Le caractère hautement technique de ces règles imposant une origine aux produits circulant dans l’espace euro-méditerranéen suppose de nombreuses difficultés pour les entreprises marocaines, surtout les PME.
Le Conseil d’affaires devrait offrir un soutien technique aux PME des pays signataires afin que ces dernières puissent bénéficier pleinement des avantages qu’offre cet accord, notamment en termes de cumul de l’origine dans l’ensemble de l’espace euro-méditerranéen. Ce soutien se matérialisera notamment par une amélioration des instruments de cumul de l’origine. Toujours dans une optique d’appui aux PME, cette catégorie d’entreprises devra bénéficier d’instruments à même d’améliorer leur compétitivité sur les marchés à l’export. L’accord signé hier fixe également les mécanismes d’adhésion et de gestion dudit conseil. Cette entité sera donc dotée d’une présidence tournante, et le secrétariat sera assuré par l’unité technique basée à Amman, en Jordanie. Les dispositions sur la gouvernance de l’accord prévoient des réunions semestrielles et fixent les mécanismes d’adhésion des confédérations patronales de l’ensemble des pays membres. Il est à noter qu’un règlement intérieur devrait venir fixer le fonctionnement de cet organisme.
Il sera élaboré et validé lors de la première réunion. Le Conseil d’affaires est tenu en outre de soumettre de recommandations au comité mixte de l’Accord d’Agadir, qui permet de réunir les représentants des ministères du Commerce extérieur des pays membres concernant les questions de gestion de l’accord. L’unité technique sera d’ailleurs chargée du suivi de ces recommandations dans le cadre de ses missions. Ces mesures constituent un premier pas vers une meilleure intégration d’un marché de 120 millions de consommateurs réalisant un PIB cumulé de près de 150 milliards d’euros. Avec un tel potentiel, l’accord d’Agadir devait permettre de dynamiser les échanges commerciaux entre les pays signataires et soutenir l’attractivité de la région pour les investissements internationaux et ce, en favorisant la levée d’une partie des obstacles structurels à l’élargissement de ce nouveau marché commun.
Mohamed Abbou Ministre du Commerce extérieur
La réunion que nous avons tenue ce mercredi 20 janvier à Casablanca a permis l’installation du Conseil d’hommes d’affaires des pays de l’accord d’Agadir. L’objectif étant d’opérationnaliser cette entité en vue d’améliorer le business entre les pays membres. Le but est d’abord de travailler sur le renforcement des relations entre les pays et de booster les échanges commerciaux, ainsi que l’intégration régionale. La réunion a également permis de tenir l’agenda du conseil qui devrait se réunir tous les 3 mois pour examiner l’état d’avancement du processus. Il est à noter que le règlement intérieur sera établi durant la prochaine réunion. Nous en sommes aujourd’hui à un total de 9 MMDH d’échanges. Il est vrai que ce n’est pas énorme, mais il s’agit d’une bonne performance lorsqu’on compare avec d’autres accords, comme celui de la Ligue arabe ou encore de l’UMA. Les échanges ont connu un certain décollage depuis 2007. Nous avons d’ailleurs constaté que le volume des échanges a pratiquement doublé en huit ans. Les exportations ont connu un taux annuel de progression de l’ordre de 11%, et les importations ont accéléré de 6%.
Supervision européenne
À l’instar de l’accord avec la Turquie, cet accord entre dans le cadre du Processus de Barcelone et vise à accélérer l’intégration régionale dans le Sud de la Méditerranée. L’objectif est de rompre avec le caractère vertical des échanges que mènent ces pays dans l’espace méditerranéen. En effet, le gros des échanges commerciaux des quatre pays restent centré sur le partenaire européen. Dans cette optique, l’initiative de mettre en place une zone de libre-échange entre les quatre pays signataires de la Déclaration d’Agadir constitue une contribution aux efforts déployés pour l’établissement d’un Marché arabe commun et un pas dans la perspective d’une réalisation d’une zone de libre-échange euro-méditerranéenne. L’Union européenne accorde à ce titre son soutien financier aux pays membres de l’accord et prend en charge le budget de fonctionnement de l’unité technique de l’accord avec près de 4 millions d’euros pour chaque mandat. Le mandat actuel est mené depuis 2013 par le Maroc, ce qui ne laisse plus qu’une année, à l’équipe marocaine, pour relever le défi. Une situation qui relève de plus en plus de la mission impossible.