Prêts de la Banque mondiale : Du jamais vu depuis 1964…

La Banque mondiale (BM) est le premier créancier multilatéral du Maroc. Ces deux dernières années, les volumes de prêts ont atteint des niveaux records. Décryptage.
Entre le gouvernement actuel et la BM, c’est la lune de miel. En 2015 et 2014, les prêts accordés par l’institution de Washington ont atteint des records historiques. Le gouvernement a reçu plus d’un milliard de dollars en 2015. L’année d’avant, l’Exécutif a reçu sous forme de prêts, 1,095 milliard de dollars, soit les plus importants volumes depuis 1964, année du démarrage de l’activité de l’institution au Maroc (voir graphique p.5).
Vitesse de croisière
Pour les responsables du Groupe de la Banque mondiale (GBM) au Maroc, ce niveau de décaissement correspond à l’arrivée du Cadre de partenariat stratégique (CSP) 2014-2017 et à sa vitesse de croisière (voir interview ci-contre). En nombre de projets, la BM en a soutenu six en 2015 et sept l’année d’avant. Pour retrouver un niveau d’engagement similaire, il faut remonter à la période du Programme d’ajustement structurel (PAS). La période 1982-84 avait connu un «engouement» semblable pour le financement venu de la Banque mondiale. Concernant les projets en cours, l’institution finance ou assiste techniquement 13 projets répartis sur 99 localités (voir carte).
À titre d’exemple, la BM est aujourd’hui le premier bailleur de fonds du Plan Maroc vert. De côté du gouvernement, on se félicite de cette confiance : «Notre excellente coopération avec la BM a permis au Maroc d’être cité en modèle», se targue Mohamed El Ouafa, ministre délégué aux Affaires générales et à la gouvernance, chargé de coordonner la relation avec cette institution. Cette confiance a un coût. La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), filiale de la BM, est devenue depuis 2014 le 2e créancier extérieur du Trésor avec 13,3% de l’encours de la dette extérieure publique, juste après la France (13,5%), note le dernier rapport sur la dette publique. Parmi les créanciers multilatéraux, la BM occupe la première place avec un encours de 37MMDH, soit 29% du total de la dette multilatérale du Trésor.
Le CSP sous la loupe
Précisons d’abord que le GBM se compose de cinq institutions, chacune avec des métiers différents. La BIRD et l’Association internationale de développement (AID) forment la BM. La Société financière internationale (SFI) est spécialisée dans le financement du secteur privé. L’Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI) offre une assurance dans les pays en développement. Enfin, le Centre international pour le règlement des différends (CIRDI) est la Cour de conciliation et d’arbitrage des différends liés aux investissements. Du fait de ces multiples métiers, le spectre d’intervention du GBM est très large au Maroc.
L’institution est présente dans le soutien à l’irrigation, l’amélioration des réseaux d’alimentation en eau potable et d’assainissement ou les routes rurales. Le GBM est présent dans plusieurs projets d’investissements, le soutien aux réformes de croissance verte (Noor 1), de gouvernance, de compétitivité et des marchés de capitaux pour les injections budgétaires. Dans les secteurs sociaux, la BM appuie l’INDH, la santé primaire en milieu rural et l’amélioration des transports urbains à travers des prêts-programmes pour résultats. La BM ne se limite pas au soutien financier au Maroc. Elle apporte une assistance technique dans les domaines de la gouvernance, de la protection sociale et de travaux analytiques. Pour réguler l’ensemble de ses interventions, le CSP joue le rôle de tableau de bord. «Ce plan d’actions nous permet de travailler ensemble sur le moyen terme. C’est fini le temps du court terme», tranche El Ouafa. Cette feuille de route est en cours d’évaluation.
«Le CPS est un cadre flexible qui s’adapte aux priorités de développement du gouvernement d’où sa révision à mi-parcours, actuellement en cours pour d’une part évaluer les résultats réalisés jusque-là dans le cadre des différents programmes et projets que nous appuyons, d’autre part pour revoir les objectifs et priorités assignés pour la seconde phase de ce partenariat», précise Michael Hamaide, chargé des opérations principales pour le Maroc. Une équipe de la BM a rencontré les responsables du gouvernement en décembre pour lancer cette évaluation. D’ores et déjà, le gouvernement affiche son optimisme. «Le résultat de l’évaluation nous dira précisément l’état d’avancement de notre partenariat. Maintenant, l’application du CSP est sur la bonne voie», prévoit El Ouafa.
El Ouafa : «La Banque mondiale ne nous dicte rien»
Le ministre délégué aux Affaires générales et à la gouvernance balaie d’un revers de main toute «prétendue» perte de souveraineté du gouvernement dans sa relation avec la Banque mondiale. «La Banque mondiale ne nous dicte rien», lance-t-il. Et d’ajouter : «Le gouvernement actuel a engagé ses propres réformes». El Ouafa estime que l’actuel gouvernement se garde une marge de manœuvre. «Nous avons réfléchi à nos propres réformes. A contrario avec les anciens gouvernements, nous avons mis de côté le diagnostic réalisé par cette institution pour appliquer notre vision de la réforme. C’est le cas du secteur de l’électricité, de l’eau et de la compensation».