Matières premières : L’embellie se poursuit pour le Maroc

L’année 2016 démarre sous le signe d’une certaine accalmie pour ce qui est des cours des matières premières sur les principaux marchés internationaux. Il s’agit d’une bonne nouvelle pour le Maroc qui paie une lourde facture en matière d’importation de certains produits, notamment énergétiques. Le marché reste toutefois assez volatil, ce qui devrait encourager les autorités à accélérer le chantier des réformes des subventions publiques.
Au jeu de «qui perd gagne» appliqué sur l’évolution des cours des matières premières sur les marchés internationaux, l’année 2016 s’annonce sous de bons auspices pour le Maroc. La morosité économique qui continue à caractériser l’économie mondiale et l’impact du ralentissement de la Chine ont engendré un certain repli des cours pour les principaux produits dont le Maroc est gros importateur. L’autre bonne nouvelle, c’est aussi le bon comportement des cours des phosphates et produits dérivés dont le royaume est un des premiers exportateurs. Dans l’ensemble donc, la facture sera moins lourde pour les Caisses de l’État si les conditions actuelles se maintiennent.
Il est vrai que le marché des matières premières est volatil par excellence et que les facteurs à risque ne manquent pas. Cependant, le repli déjà constaté sur la facture énergétique, lequel est appelé à se poursuivre durant les prochains mois, illustre à lui seul la marge que tire le Maroc du contexte actuel. L’impact se fait déjà sentir sur les comptes publics avec un meilleur cru pour les échanges extérieurs du Maroc. À fin novembre dernier, l’amélioration du solde commercial s’est hissé à 34,36MMDH, soit un allégement du déficit commercial de 19,7% par rapport à la même période de l’année précédente. Parallèlement, avec plus de 7 mois de réserves d’importation, la situation macroéconomique du pays se refait une santé à l’heure où le gouvernement accélère la mise en œuvre de la réforme des subventions à travers la Caisse de compensation. À l’entame de la nouvelle année, le panorama des perspectives d’évolution des cours des principaux produits, qui impactent le budget de l’État, fait miroiter une certaine embellie pour la facture marocaine des matières premières.
Pétrole :
Des économies encore à l’horizon
Le baril à 20 USD en 2016 ? Le Maroc, grand importateur de l’or noir, ne peut que pavoiser sur cette hypothèse que vient d’anticiper la banque d’investissement américaine Morgan Stanley selon qui le prix du baril pourrait tomber à 20 dollars en raison de l’appréciation prévisible du dollar américain. Il est vrai que depuis plus d’une année, le cours du pétrole ne cesse de dégringoler sur les principaux marchés internationaux. Après avoir perdu plus des 2/3 de sa valeur entre 2014 et 2015, le baril est même descendu, en ce début d’année, à un peu plus de 30USD, son plus bas niveau depuis 2004.
La période où le baril flirtait avec les 120USD est loin derrière et c’est un fait que confirment toutes les analyses ; la reprise des cours n’est pas pour demain. Au mieux selon le FMI, un cours autour des 80USD n’est envisageable qu’à l’horizon 2020. À la surabondance de l’offre mondiale vient s’ajouter à court terme, l’impact de l’appréciation du dollar. Selon les estimations d’Euler Hermès, une baisse moyenne sur l’année de -15% du prix du baril de pétrole par rapport à 2015, est le scénario le plus plausible en 2016, ce qui équivaudrait à une moyenne annuelle de 46 dollars le baril. Dans un cas comme dans l’autre, les prévisions d’évolution du cours du baril cette année constituent une aubaine pour l’économie marocaine qui continuera à engranger un bonus assez consistant. Les économies réalisées sont déjà assez sensibles puisque sur les dix premiers mois de l’année 2015, la facture pétrolière du Maroc a enregistré un recul de 29% pour se situer à 61,69 MMDH contre 86,94MMDH à la même période de l’année 2014.
Cette baisse a été particulièrement le fait du fléchissement de plus de 58% des importations d’huile brute de pétrole, un retrait de 22% des acquisitions de «gasoils et fuel oils» ainsi qu’une baisse des achats de 30% dans la catégorie : «gaz de pétrole et autres hydrocarbures». En ces temps de mise en œuvre progressive de la réforme des subventions, notamment pour les produits pétroliers, c’est une réelle opportunité pour le gouvernement surtout que cette baisse se fait déjà sentir auprès des consommateurs, c’est-à-dire à la pompe. Pendant ce temps, les caisses du Trésor peuvent continuer à trinquer au vu de l’allègement notable que connaît la facture énergétique du Maroc, qui avait atteint en 2012, tout particulièrement, des niveaux inquiétants et alarmants.
Phosphates et produits dérivés :
Rebond des prix en 2016
Les perspectives s’annoncent prometteuses en 2016 sur le marché mondial des phosphates et produits dérivés. C’est d’ailleurs l’une des matières premières dont l’évolution des cours, ces derniers mois, contraste avec le repli constaté pour les autres produits et dont certains connaissent des niveaux historiquement bas. Après quelques périodes d’incertitude en 2014, les prix ont commencé à afficher une bonne mine en 2015, ce qui a permis à l’OCP, un des plus gros exportateurs mondiaux, de profiter du contexte. D’après les chiffres de l’Office des changes, les ventes de phosphates et dérivés ont enregistré une performance de 20,6% sur les dix premiers mois de l’année qui vient de s’écouler. Pour 2016, les estimations anticipent un rebond des cours porté principalement par la hausse de la demande mondiale d’engrais.
D’après la dernière note de l’Association internationale de l’industrie des engrais (IFA), la demande mondiale d’engrais devrait augmenter de 1,9% cette année pour 186,6 millions de tonnes, «en ne supposant aucun changement majeur aux fondamentaux du marché agricole». Dans les détails, la demande en urée devrait progresser de 3% sur un an à 173 millions de tonnes grâce à une hausse de la demande qu’entraîne le raffermissement de l’utilisation de l’urée à la fois pour la production des engrais et les applications industrielles. La capacité de production de l’ammoniac devrait aussi également augmenter de 5% sur un an à 242 millions de tonnes à la suite de l’entrée en service de nouvelles usines aux États-Unis, en Arabie saoudite, en Indonésie, au Nigeria et en Russie. Selon le cabinet français spécialisé dans l’évolution des cours des fertilisants, IFC, la plus grande partie de ce volume d’ammoniac attendu sera utilisée comme matière première pour l’urée où l’offre devrait passer à 187 millions de tonnes en 2016 contre 179 millions de tonnes en 2015. «De lourds investissements au Maroc et en Chine vont rehausser la capacité de production des phosphates traités, laquelle devrait croître de 3% par rapport à 2015, à 97 millions de tonnes de produits cette année.
«En 2016, il y a des attentes du marché pour un rebondissement des prix, d’autant plus que lesdits prix ont baissé sur certains marchés de 100$/tonne depuis décembre 2014», estiment les analystes d’IFA. Le Maroc, à travers le géant OCP, jouera un important rôle dans cette dynamique que connaît le marché des phosphates et produits dérivés et le marché est dans l’attente de la production nationale d’acide phosphorique. Toutefois, selon les mêmes sources, les principaux producteurs de phosphate, au premier rang desquels l’OCP, auront à surveiller l’évolution de leur production, qui pourrait être revue à la baisse en cas de persistance de la faible demande émanant des États-Unis et du Brésil, gros acheteurs de soufre.
Céréales :
Stabilité en vue
Avec l’excellente moisson de la campagne agricole 2014/2015, les importations marocaines de céréales connaissent une relative accalmie. Le dernier bulletin de la FAO qui analyse l’évolution du marché et des cours des produits alimentaires s’attend à une baisse du commerce mondial pour la campagne 2015-2016, en raison principalement «d’une diminution sensible des importations du Maroc, de la République islamique d’Iran et de la Turquie».
Le commerce mondial du maïs devrait lui aussi se tasser, de 0,9% par rapport au record atteint lors de la campagne précédente, pour s’établir à 127,5 millions de tonnes, sous l’effet d’une diminution des importations de l’Iran et du Mexique. Cette accalmie sur les principaux marchés des céréales s’explique par la production mondiale assez consistante de 2015, dont les dernières prévisions tablent sur un volume de 2,527 milliards de tonnes, en retrait de 2,6 millions de tonnes par rapport aux dernières prévisions et 33,9 millions de tonnes (1,3%) de moins que le niveau record enregistré en 2014. Selon la FAO, ces dernières révisions reflètent en grande partie «une rectification à la baisse des prévisions concernant la production de maïs et de blé». Par ailleurs, les perspectives pour la production de maïs se sont améliorées pour le Brésil, les États-Unis et le Mexique et la production mondiale d’orge a elle aussi été revue à la hausse d’1,4 million de tonnes depuis novembre, presque exclusivement grâce à l’UE.
Selon les dernières évaluations de la FAO, la contraction des stocks mondiaux de céréales devrait être moins prononcée que ce qui avait été prévu il y a quelques mois, en raison d’un ajustement à la hausse des prévisions relatives aux réserves de céréales secondaires, essentiellement le maïs et le riz. Dans ce contexte et même si le Maroc continue d’importer massivement, un certain repli de la facture alimentaire est attendu à court terme. Il sera toutefois de courte durée au vu des conditions avec lesquelles démarre la nouvelle campagne.