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Revendications des enseignants stagiaires : La vérité sur un «malentendu»

Les profs manifestants refusent que les deux décrets leurs soient appliqués arguant du timing de leur publication dans le BO. El Khalfi inébranlable, affirme que le gouvernement ne fera pas marche arrière et advienne que pourra. Les CPR tourneront à plein régime et alimenteront aussi bien les écoles publiques que privées.

Abdelilah Benkirane est sur le fil du rasoir. Entamant la dernière ligne droite de son mandat, à l’orée d’élections législatives cruciales, le chef du gouvernement est tenaillé par ses décisions impopulaires, mais il a le courage politique de les assumer, advienne que pourra ! Trois sujets le taraudent et avec lui le gouvernement: la réforme des retraites des fonctionnaires, le service obligatoire des médecins et le tout dernier épisode, le plus éclaboussant, celui des enseignants-stagiaires. L’intervention musclée des forces de l’ordre face aux profs ou étudiants-stagiaires, comme le gouvernement préfère les appeler, a mis le feu à la poudrière. Pourquoi donc la moutarde est montée au nez de 10.000 enseignants-stagiaires au point de tenir tête à Benkirane et à son ministre de l’Éducation ? Ils veulent l’annulation des deux décrets adoptés durant le Conseil de gouvernement du 23 juillet 2015. Ces deux décrets (n° 2.15.588 et 2.15.589) stipulent pour le premier que la réussite au concours d’accès aux CPR (centres pédagogiques régionaux de formation des enseignants) ne donne pas automatiquement accès au poste d’enseignant dans le public. Un second concours a été établi à cette fin. Plus encore, si un enseignant ne réussit pas tous les modules du programme CPR durant ses 12 mois de formation, il est considéré comme redoublant.

Dans l’ancien décret, même si un enseignant-stagiaire ratait un module de formation, il continuait d’enseigner à l’école publique à charge pour lui de le repasser. Le second décret change l’appellation d’enseignant-stagiaire par celle d’étudiant-stagiaire. Ce dernier a aussi raboté de moitié le salaire de 2.450DH par mois, servi auparavant, en le remplaçant par une «indemnité» de 1.200DH. Dans la logique du gouvernement, il s’agit d’un traitement adéquat, voire généreux pour un étudiant dans un CPR. Pour les 10.000 enseignants-stagiaires ou étudiants ayant passé le concours d’accès aux CPR en septembre 2015, les deux décrets ne s’y appliquent guère. La raison, ils n’ont été publiés dans le Bulletin officiel qu’en octobre de la même année. C’est-à-dire que les deux décrets n’étaient pas encore entrés en vigueur à la date du concours.

Légitimité des revendications
En respect de la non rétroactivité des lois, les enseignants refusent de tomber sous la coupe des deux décrets et c’est pourquoi ils continuent de battre le pavé en défiant Benkirane. N’en déplaise aux mécontents, Mustapha El Khalfi, droit dans ses bottes, affirme aux Éco que le gouvernement ne reculera pas d’un iota sur son maintien des deux décrets. Contacté, le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, a expliqué que plus d’un mois avant ledit concours, un mémorandum a été publié expliquant les changements inscrits dans les deux décrets. De son point de vue, les enseignants-stagiaires étaient bien au fait de leur contenu et sont allés passer l’examen en connaissance de cause. Et le ministre d’enchaîner que «la légitimité de la protestation ne signifie pas automatiquement la légitimité des revendications».

Le ton est donc on ne peut plus clair. Chiffres à l’appui, El Khalfi bat en brèche les allégations selon lesquelles le gouvernement voudrait limiter l’accès à la fonction publique dans l’enseignement. «Entre 2007 et 2011, il y a eu 30.000 recrutements dans l’éducation nationale et l’enseignement supérieur. En quatre ans seulement, l’actuel gouvernement a admis 30.000 enseignants et 10.000 de plus pour cette année 2016, pour finir avec un total de plus de 40.000 postes budgétaires dans l’enseignement», ajoute le ministre. Il ne se cache point non plus de l’engagement gouvernemental à l’égard de l’enseignement privé. Un facteur parmi les plus déterminants dans l’implémentation des nouvelles mesures portées par les deux décrets. Vu le boom que les écoles privées ont connu ces dernières années, les profs qualifiés sont devenus une denrée rare.

À plus forte raison, le ministère de tutelle a serré la vis quant à la disponibilité des enseignants du public pour le privé. Aujourd’hui, les CPR vont pouvoir alimenter aussi bien les écoles publiques que privées car ledit concours d’accès ne garantit pas l’admission dans la fonction publique. Les deux décrets feront des heureux dans un privé en expansion face à une école publique en perte de vitesse, mais ils mettent aussi fin à l’âge d’or de l’enseignant, sûr de couler des jours heureux dans la fonction publique avec tout ce qu’elle offre de stabilité et d’avantages sociaux.


 

Les CPR à plein régime

Parmi les avantages, si l’on peut oser s’exprimer ainsi, des deux nouveaux décrets se trouve le fait que les stagiaires qui réussiront le concours d’accès aux CPR seront obligés de travailler dur pour décrocher le diplôme. Le risque d’échec est aujourd’hui plus imminent que par le passé. Une telle situation, certainement contraignante, permettra de séparer le bon grain de l’ivraie. Des profs plus compétents sortiront des CPR pour alimenter aussi bien les écoles publiques que privées. La réforme des CPR suivra puisqu’ils s’ouvriront désormais à plus de stagiaires que par le passé. En effet, seul le nombre de profs équivalent aux postes budgétaires disponibles avaient accès aux CPR. Chose qui constituait une défaillance pour ces centres qui ne tournaient pas à plein régime. L’offre sera donc abondante pour le public comme pour le privé.



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