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Prime de risque en hausse : les investisseurs demandent plus de rendement

Attijari global research (AGR) rehausse la prime de risque actions du marché à 6,7%, contre 6,4% un an plus tôt. Un ajustement discret mais révélateur d’un climat de confiance mesuré. Malgré la détente des taux souverains et la solidité des profits attendus, les investisseurs exigent une rémunération légèrement supérieure pour compenser un environnement jugé plus incertain.

La Bourse de Casablanca retrouve un équilibre fragile entre optimisme et vigilance. Selon la dernière édition de la note trimestrielle d’Attijari global research (AGR), la prime de risque actions du marché s’établit désormais à 6,7%, contre 6,4% un an plus tôt.

Cette progression de 30 points de base témoigne d’une évolution subtile. Les investisseurs exigent un rendement légèrement supérieur pour compenser un environnement de marché jugé plus incertain, malgré la détente des taux souverains et la solidité des perspectives bénéficiaires.

Une hausse technique portée par la baisse des taux
AGR explique que ce mouvement résulte d’un facteur essentiellement technique. Le rendement moyen des bons du Trésor à 10 ans a reculé de 3,24% en novembre 2024 à 2,81% en octobre 2025, alors que les exigences de rentabilité des investisseurs pour les actions demeurent stables, autour de 9,5%.

Autrement dit, si le taux sans risque baisse, la différence entre le rendement espéré sur les actions et celui des obligations (la prime de risque ) s’élargit mécaniquement. Ce différentiel traduit la rémunération du risque que les investisseurs acceptent pour détenir des titres plus volatils que la dette souveraine.

Dans cette configuration, la prime de risque par sondage, principale référence retenue par AGR, ressort à 6,7%, soit le niveau le plus élevé depuis deux ans. Les deux autres méthodes, historique et prospective, convergent vers des valeurs proches de 4,5% et 6,6%, respectivement. Cette cohérence témoigne, selon AGR, d’un marché plus rationnel, où la perception du risque s’ajuste progressivement à la nouvelle donne économique.

Trois approches pour mesurer le risque
La prime de risque historique, calculée à partir d’un écart de rentabilité sur vingt ans entre le MASI et les obligations souveraines, s’est légèrement contractée. Elle passe de 4,9% à 4,5%, conséquence d’un ajustement baissier du rendement moyen du MASI, passé de 10,8% à 10,5%.

AGR souligne toutefois les limites de cet indicateur dans un marché jeune, une série statistique de 30 ans étant nécessaire pour lisser les cycles extrêmes. Le marché boursier, encore marqué par des périodes de forte volatilité, ne dispose pas encore d’un historique assez long pour normaliser ses performances.

La prime de risque prospective, pour sa part, repose sur une actualisation des bénéfices futurs des sociétés cotées. AGR retient un taux de croissance annuel moyen (TCAM) des profits de +10% sur la période prévisionnelles 2025-2027, puis de +4% entre 2028 et 2035, avec une croissance terminale fixée à 3%. En intégrant un taux sans risque de 2,81% et un bêta de 1, la prime de risque prospective ressort à 6,6%. Ce résultat reflète une vision confiante à court terme, mais prudente à long terme, les analystes d’AGR rappelant que les projections à horizon lointain reposent davantage sur des convictions que sur des certitudes statistiques.

Enfin, la méthode du sondage, jugée la plus représentative pour le marché, repose sur une enquête auprès de quatre grandes catégories d’investisseurs, institutionnels, OPCVM et banques (55% de l’échantillon), acteurs de référence (20%), investisseurs particuliers (20%), et investisseurs étrangers (5%).

Les rentabilités exigées par ces catégories varient entre 9,2% et 10,4%, pour une moyenne de 9,5%. Après déduction du taux sans risque, AGR retient ainsi une prime de risque agrégée de 6,7%.

Cette approche intègre plusieurs facteurs qualitatifs souvent ignorés des modèles théoriques : le contexte local et international, les anticipations de courbe des taux, la concentration sectorielle du marché marocain et les arbitrages entre placements domestiques.

Un marché plus exigeant, mais toujours attractif
L’analyse d’AGR confirme un ajustement haussier mesuré, lié à une réévaluation rationnelle du risque. La baisse du rendement des obligations a mécaniquement élargi la prime exigée sur les actions, tandis que les investisseurs restent attentifs aux fondamentaux, à savoir une croissance bénéficiaire à deux chiffres à court terme, une stabilité macroéconomique et des perspectives favorables à long terme.

En somme, le marché entre dans une phase de maturité prudente. Les investisseurs ne fuient pas le risque, mais l’évaluent mieux. AGR considère que la méthode du sondage «reflète au mieux les exigences de rentabilité des investisseurs en bourse», car elle capture à la fois la perception du risque et le sentiment de marché.

Dans un environnement marqué par la détente monétaire, la reclassification du Maroc en Investment Grade et la normalisation de la liquidité, cette prime de 6,7% s’impose comme un point d’équilibre entre attractivité et vigilance.

Un baromètre clé pour la valorisation future
Au-delà du chiffre, la prime de risque constitue un instrument de pilotage pour les analystes et les gérants. Une hausse de cet indicateur réduit mécaniquement les valorisations dans les modèles d’actualisation (DCF), rendant les anticipations plus prudentes. Dans le contexte actuel, AGR privilégie une approche pragmatique basée sur la consolidation de la confiance, sans ignorer les risques exogènes qui pourraient peser sur la rentabilité réelle des entreprises.

Le Maroc, avec une prime de risque modérée comparée à celle de nombreux marchés émergents, conserve ainsi une position compétitive dans l’univers d’investissement africain. La Bourse de Casablanca, tout en affichant une volatilité contenue, continue d’offrir un couple rendement/risque attractif, à condition de maîtriser les fondamentaux.

Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO



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