Métaux précieux : l’or dépasse les 4.000 dollars… quand la peur commande les marchés

L’or franchit un seuil historique. Pour la première fois, le métal jaune a dépassé les 4.000 dollars l’once, porté par les tensions géopolitiques, les incertitudes économiques et le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Entre crise budgétaire américaine, inflation persistante et conflits en Ukraine et au Proche-Orient, les investisseurs se ruent vers la valeur refuge par excellence, symbole d’une époque où la peur pèse plus lourd que la confiance.
L’or vient de franchir un cap historique. Pour la première fois, le métal jaune a dépassé mercredi la barre symbolique des 4.000 dollars l’once, un seuil que peu d’analystes jugeaient atteignable il y a encore un an.
L’annonce a provoqué une onde de choc sur les marchés mondiaux, reflet d’un climat d’incertitude politique et économique inédit, entre tensions géopolitiques, retour de Donald Trump à la Maison-Blanche et crise budgétaire américaine. En effet, et depuis des siècles, l’or incarne la valeur refuge absolue. Inaltérable, il conserve sa valeur quand tout vacille. En période d’instabilité, les investisseurs délaissent les actifs risqués pour s’y réfugier.
«Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’or a déjà augmenté de plus de 40% en 2025 et se dirige vers une troisième année consécutive de gains à deux chiffres», observe Stephen Innes, stratégiste chez SPI Asset Management.
Le mouvement haussier s’est accéléré depuis 2024. Après avoir franchi les 2.000 dollars l’once au plus fort de la pandémie de Covid-19 en 2020, le métal précieux a successivement dépassé les 2.500 dollars en août 2024, les 3.000 dollars en mars 2025, puis les 3.500 dollars en septembre. Le cap des 4.000 dollars, atteint dans les échanges asiatiques, marque désormais une nouvelle ère dans la perception du risque mondial.
Trump, catalyseur d’incertitude
Si la flambée des prix trouve sa source dans un contexte géopolitique tendu, le retour de Donald Trump à la présidence américaine agit comme un catalyseur. Ses annonces protectionnistes et ses menaces de droits de douane contre la Chine et l’Union européenne ont bouleversé la stabilité du commerce mondial.
«L’imprévisibilité de la politique économique américaine renforce la volatilité des marchés», expliquent plusieurs analystes.
Le président américain multiplie également les pressions sur la Réserve fédérale (Fed) pour qu’elle abaisse ses taux d’intérêt, remettant en question son indépendance. Ces tensions alimentent les craintes d’inflation et affaiblissent le dollar, traditionnel concurrent de l’or comme valeur refuge. À cela s’ajoute le blocage budgétaire à Washington, qui paralyse une partie de l’administration fédérale et mine davantage la confiance des investisseurs.
Les guerres, toile de fond de la flambée
Il faut dire que la montée en flèche du métal jaune s’explique aussi par un contexte mondial chargé. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, et la crise persistante au Proche-Orient depuis octobre 2023, la demande d’or s’est envolée.
Les banques centrales jouent un rôle déterminant dans cette dynamique. Face aux sanctions économiques et à la volatilité des devises, elles renforcent leurs réserves d’or, symbole de stabilité financière.
«L’or est redevenu un instrument stratégique pour les États, au-delà de sa fonction monétaire», notent les économistes de Rystad Metals. En cas de crise financière ou de gel d’avoirs à l’étranger — comme ce fut le cas pour la Banque centrale de Russie —, le métal précieux demeure une garantie tangible et indépendante.
Diversification et «FOMO» sur les marchés
Contrairement aux crises précédentes, cette ruée vers l’or s’accompagne de marchés financiers globalement haussiers. Les Bourses mondiales progressent, le bitcoin enregistre de nouveaux records, et la liquidité demeure abondante.
«Il semble y avoir beaucoup d’argent disponible, et les investisseurs cherchent avant tout à diversifier leurs portefeuilles», souligne Chris Beauchamp, analyste chez IG.
Pour certains, l’or représente aujourd’hui une alternative plus fiable que la dette publique, devenue plus risquée dans un contexte de déficits croissants. Cette dynamique est aussi psychologique. Les analystes évoquent un phénomène de “FOMO”, acronyme de fear of missing out — la peur de passer à côté.
«Les investisseurs achètent non seulement par prudence, mais aussi par crainte de manquer une hausse historique», explique Ipek Ozkardeskaya, de Swissquote Bank. A 4.000 dollars l’once, l’or n’est plus seulement une valeur refuge : il est devenu un baromètre du désordre mondial.
Chaque crise, chaque déclaration politique ou chaque menace militaire alimente la flambée. Les marchés, désormais hypersensibles, réagissent à la moindre étincelle. Et tandis que les banques centrales engrangent les lingots, les investisseurs particuliers, eux, redécouvrent l’attrait intemporel du métal jaune.
S.N. avec agences / Les Inspirations ÉCO