Levées de fonds des startups : le Maroc dans le top 4 de la région MENA

Le Maroc s’impose comme acteur clé de l’écosystème entrepreneurial régional. Il consolide sa position parmi les marchés les plus attractifs pour les investisseurs et confirme la montée en puissance de ses startups dans la région.
Au cœur de la dynamique de financement des startups dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) en 2025, le Maroc se distingue particulièrement. Selon les données que vient de publier Wamda, une plateforme qui soutient l’écosystème entrepreneurial dans cette région, le Royaume figure aujourd’hui parmi les quatre premiers marchés les plus actifs en matière d’investissement dans les jeunes pousses.
Six startups marocaines ont ainsi levé 6,8 millions de dollars (MUSD) en septembre, un record. L’Arabie saoudite domine le classement, avec 2,7 milliards de dollars (MMUSD) mobilisés alors que la deuxième place reste occupée par les Émirats arabes unis (704,3 MUSD levés). Le rapport souligne aussi le rôle émergent du Maroc.
Au cours du mois dernier, le financement des startups dans la région MENA a bondi à 3,5 MMUSD avec 74 transactions. Sur le plan du cumul annuel, la région MENA atteint 6,6 MMUSD répartis sur 514 tours de table en 2025, dépassant déjà les performances de la plupart des années précédentes.
Dans ce jeu d’échelle, le Maroc, avec ses 14,5 millions de dollars cumulés, se positionne loin derrière les pays majeurs, ce qui le place, malgré tout, dans le top 4 régional, aux côtés de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et d’un autre pays (l’Égypte, qui malgré un affaiblissement macroéconomique reste cité parmi les acteurs notables).
Cette progression n’est pas anodine : elle traduit une évolution vers la maturité de l’écosystème marocain, un intérêt croissant des investisseurs pour les startups locales, et une reconnaissance que le Maroc ne veut plus jouer les seconds rôles dans l’innovation africaine ou régionale. Par secteur, il est utile de souligner une domination des secteurs fintech et proptech : la fintech capte l’essentiel des flux (2,8 milliards sur 25 deals en septembre), tandis que la proptech profite d’un gros round — celui de Property Finder (525 millions) — pour alimenter les classements.
Autre fait marquant, la croissance des modèles hybrides B2B2C : pour la première fois, les modèles B2B2C ont surclassé les autres, obtenant 2,4 milliards répartis sur 15 deals. Les modèles “purs” B2C et B2B, bien que toujours présents, enregistrent une moindre part relative.
À souligner aussi la prépondérance de l’équité et le rôle du financement par dette : bien que l’endettement domine certains grands tours (comme celui de Tamara avec 2,4 milliards), l’équité maintient une croissance soutenue : +147% MoM et +194% YoY pour septembre, une fois les dettes retirées.
Par ailleurs, les auteurs du classement soulignent la concentration des montants sur quelques deals : malgré la diversité des transactions, ce sont les rounds majeurs (notamment en Arabie saoudite) qui tirent les totaux vers le haut. Enfin, font-ils remarquer, le déséquilibre de genre est toujours persistant : les fondateurs masculins captent 3,3 milliards, tandis que les femmes n’obtiennent que 1,1 million au total.
Le défi devant le Maroc : passer à l’échelle
Figurer dans le top 4 régional est un succès, mais le vrai défi pour le Maroc est d’y rester, voire de monter encore. Plusieurs pistes s’imposent. Premièrement, encourager les méga-deals. En effet, jusqu’à présent, les levées marocaines sont modestes (quelques millions). Pour rivaliser, il faut attirer ou générer des rounds de plus grande envergure — capital à l’expansion accélérée des scale-ups. Deuxièmement, il faut renforcer le capital local & les fonds de croissance. Dans ce sens, un écosystème mature repose sur des fonds d’amorçage, mais aussi sur des fonds de croissance prêts à prendre des risques plus importants. Le Maroc doit poursuivre le développement de structures à même de suivre ses champions nationaux à l’international. Troisièmement, il est important de favoriser la collaboration régionale & panafricaine. Le Royaume, du fait de sa position géographique et de ses ouvertures sur l’Afrique, peut jouer un rôle de hub entre le Maghreb, l’Afrique de l’Ouest et l’Europe. Miser sur des synergies régionales est stratégique. Quatrièmement, il s’agit de lutter contre les freins structurels : régulation, fiscalité, barrières administratives, accès aux marchés publics…
Beaucoup reste à peaufiner pour lever les obstacles à la croissance rapide des startups. Cinquièmement, il est nécessaire de promouvoir la diversité et l’inclusion. Le fossé de genre observé est un signal fort : investir dans des programmes de féminisation de l’entrepreneuriat et lever les verrous culturels donnera une assise plus large à l’écosystème. Quoi qu’il en soit, le Maroc vient de franchir un seuil : il est désormais compté parmi les quatre leaders de l’innovation dans la région MENA.
Ce n’est bien évidemment pas une fin en soi, mais un point de départ. Pour rester dans la course, le Royaume devra transformer ce positionnement en un avantage durable, par des politiques structurantes, un capital plus ambitieux, et une ouverture aux plus grandes ambitions. Si l’écosystème continue sur cette trajectoire, le Royaume pourrait bien décrocher le leadership régional.
Abdelhafid Marzak / Les Inspirations ÉCO