Notation Fitch : le poids de la dette mieux maîtrisé

Après Standard & Poor’s, c’est au tour de Fitch Ratings de livrer son verdict sur le Maroc. L’agence confirme la note souveraine à BB+ et maintient une perspective stable. Elle salue des politiques macroéconomiques jugées solides, tout en rappelant la persistance de vulnérabilités structurelles et sociales.
La décision de Fitch Ratings ne surprend pas les marchés mais elle éclaire sur le chemin que le Maroc doit encore parcourir. Dans son dernier rapport, l’agence de notation insiste sur la robustesse de la politique budgétaire et monétaire, mais pointe également les défis liés à la dette publique, à la dépendance climatique et aux tensions sociales. Un équilibre fragile que la notation BB+ avec perspective stable traduit fidèlement.
Des atouts macroéconomiques solides
Fitch souligne que la note repose sur «des politiques macroéconomiques saines, un fort soutien officiel des créanciers, un profil d’endettement favorable et des coussins de liquidité internationaux confortables».
Les réserves de change illustrent cette solidité, atteignant 45 milliards de dollars en août 2025, contre 37 milliards un an plus tôt. L’agence estime que le Maroc dispose désormais de 5,3 mois de couverture des paiements externes, ce qui représente un niveau supérieur à la médiane des pays classés BB. La consolidation budgétaire figure parmi les points positifs.
Fitch prévoit que le déficit public restera contenu à 3,8% du PIB en 2025 et se réduira à une moyenne de 3,1% en 2026-2027. Les recettes fiscales devraient se maintenir autour de 18,7% du PIB grâce aux réformes engagées, notamment la rationalisation de l’impôt et la baisse des taux effectifs sur les revenus des particuliers dès 2025.
Une dette élevée mais mieux structurée
La dette publique demeure un point de fragilité. Fitch anticipe un ratio de 67% du PIB en 2025 et 65,3% en 2027, bien au-dessus de la médiane BB qui s’établit à 52%. L’agence nuance toutefois ce constat en mettant en avant une structure jugée favorable.
«À la fin de 2024, la dette était composée à 88% d’instruments à moyen et long terme, à 89% de taux fixes et à 75% en dirhams», détaille l’agence.
La prépondérance des financements concessionnels, notamment multilatéraux, réduit aussi le risque de refinancement. La trajectoire budgétaire s’appuie sur une réduction des investissements publics après l’achèvement de plusieurs grands chantiers. Les dépenses totales devraient passer à 25,8% du PIB sur la période 2025-2027, contre 27,1% en 2024.
Cette baisse masque toutefois une progression des charges courantes, qui atteindront 20,2% du PIB, portée par l’augmentation des dépenses sociales en santé et en éducation. Fitch note que cette orientation reflète les réformes sociales lancées ces dernières années, mais qu’elle limite les marges de manœuvre pour l’investissement.
L’agence avertit également que les manifestations sociales, motivées par des revendications en matière de protection sociale et d’amélioration des services publics, pourraient entraîner des dépenses supplémentaires.
«Nous ne considérons pas les manifestations comme une menace plausible pour la stabilité politique, mais nous voyons des risques d’effets budgétaires potentiels», indique Fitch.
L’impact des grands projets et de la Coupe du monde
L’un des principaux risques concerne le vaste programme d’infrastructures lié à la Coupe du monde 2030. Les investissements dans les stades, les aéroports, les chemins de fer et les réseaux d’eau et d’énergie représenteraient 18% du PIB selon les estimations de Fitch.
L’agence suppose que ces projets seront en grande partie financés par des partenariats public-privé, mais elle souligne que «des risques importants pour les finances publiques subsistent» si l’État devait apporter des garanties ou accroître sa contribution budgétaire. La croissance du PIB a atteint 3,8% en 2024, freinée par une contraction agricole qui a contrebalancé la bonne performance du secteur non agricole.
Fitch prévoit une accélération à 4,4% en 2025 et une moyenne de 3,9% jusqu’en 2027. Le rebond anticipé de l’agriculture, grâce à des précipitations plus abondantes, devrait soutenir cette dynamique, mais l’agence rappelle que la dépendance climatique reste un facteur de vulnérabilité. Les secteurs exportateurs et les dépenses d’infrastructures continueront d’animer la croissance hors agriculture.
Fitch note que la diversification de l’économie marocaine demeure un impératif pour réduire l’écart avec les pairs en termes de PIB par habitant. Le déficit du compte courant devrait se creuser à 1,4% du PIB en 2025, puis 2,4% en moyenne en 2026-2027, en raison d’une détérioration du déficit commercial liée aux importations de projets d’infrastructures. L’excédent des services, notamment grâce au tourisme, viendra compenser partiellement ce déséquilibre. Fitch estime qu’il se stabilisera autour de 8,3% du PIB.
Le soutien international reste un facteur clé. En avril dernier, le Maroc a obtenu un deuxième accord de deux ans avec le FMI dans le cadre de la ligne de crédit flexible pour un montant de 4,5 milliards de dollars. Cet appui renforce la confiance dans la capacité du pays à affronter d’éventuels chocs extérieurs.
Perspectives de notation
Au registre de la gouvernance, Fitch attribue au Maroc un score de pertinence ESG de 5 pour la stabilité politique, l’état de droit et le contrôle de la corruption. Ce résultat reflète un classement moyen de 41,1 selon les indicateurs de la Banque mondiale, un niveau qui traduit des progrès institutionnels mais aussi des limites persistantes.
Pour l’avenir, l’agence indique que la note pourrait être relevée en cas de réduction significative et durable de la dette publique, ou si la croissance économique s’affermissait grâce à une diversification accrue. À l’inverse, une augmentation du ratio dette/PIB, une détérioration macroéconomique ou une baisse des réserves internationales pourraient justifier une révision à la baisse.
La décision de Fitch conforte le Maroc dans son statut d’émetteur BB+, déjà confirmé récemment par Standard & Poor’s. Le Royaume bénéficie d’un cadre politique solide et d’un soutien multilatéral qui rassure les investisseurs, mais il reste exposé à des défis structurels, sociaux et climatiques. La stabilité de la note traduit à la fois la confiance dans les fondamentaux économiques et la vigilance face aux incertitudes de la décennie à venir.
Deux agences de notation… Deux visions
Standard & Poor’s a choisi de hisser le Maroc au rang BBB- avec perspective stable. L’agence met en avant la solidité du policy mix, un élan réformateur structurant et une croissance attendue autour de 4% entre 2025 et 2028. Elle estime que le déficit se rapprochera de 3% du PIB en 2026 et que la dette nette retombera sous 60% en 2028, le tout soutenu par des réserves de change équivalentes à 5,5 mois d’importations.
Fitch adopte une approche plus prudente en maintenant la note à BB+, toujours avec perspective stable. Elle salue «des politiques macroéconomiques saines» et des «coussins de liquidité internationaux confortables», mais insiste sur une dette à 67% du PIB en 2025, des risques liés aux grands projets d’infrastructures évalués à 18% du PIB et la persistance de tensions sociales et climatiques.
Le déficit resterait proche de 3,8% en 2025 avant de refluer légèrement. Au final, S&P franchit le seuil de l’investissement, tandis que Fitch reste dans la catégorie spéculative. La première table sur un scénario de réformes réussies et de diversification accrue, la seconde garde en ligne de mire les vulnérabilités structurelles et la soutenabilité budgétaire.
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO