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Droits de douane US : Bruxelles muscle son jeu face à Washington

L’Union européenne se prépare à riposter à une hausse tarifaire américaine prévue au 1er août. Si aucun accord n’est trouvé d’ici là, des droits de douane sur 93 milliards d’euros de produits américains s’appliqueront dès le 7 août. Derrière cette pression se joue un bras de fer commercial aux conséquences économiques majeures, notamment pour l’industrie européenne.

À quelques jours de l’entrée en vigueur de nouvelles barrières douanières américaines, l’Europe brandit une contre-of- fensive d’envergure. Le 1er août, Washington menace d’imposer des droits de douane de 30% sur les importations européennes, ciblant principalement les secteurs sensibles tels que l’automobile, l’aéronautique ou encore l’agroalimentaire.

Pour éviter le précédent du conflit Airbus-Boeing ou de la guerre de l’acier de 2018, les Européens tentent de sauver la voie du dialogue, tout en préparant une riposte robuste. Jeudi, les Vingt-sept ont validé le principe de représailles douanières équivalentes à 93 milliards d’euros, applicables dès le 7 août en cas d’échec des négociations en cours.

Cette décision entérine la fusion de deux listes de produits américains visés, l’une déjà prête à hauteur de 21 milliards, l’autre ajoutée pour 72 milliards incluant des biens emblématiques comme le soja, les voitures ou les avions.

ENTRE BRAS DE FER COMMERCIAL ET LOGIQUE DE DISSUASION
En apparence, il s’agit d’un mécanisme de représailles commerciales. Mais dans les faits, Bruxelles joue la carte de la dissuasion. L’UE espère encore arracher un compromis de dernière minute.

À ce stade, les discussions porteraient sur une baisse des droits américains à 15% au lieu de 30%, avec des exemptions ciblées sur les segments aéronautique et pharmaceutique. Pour autant, les Européens veulent éviter le piège de la concession unilatérale.

«Nous ne pouvons pas tolérer une mesure qui violerait les règles de l’OMC et porterait gravement atteinte à l’industrie européenne», confie un diplomate européen.

La logique du rapport de force s’impose donc, à l’image de ce que Bruxelles a déjà expérimenté avec Pékin.

L’INSTRUMENT ANTI- COERCITION, LEVIER STRATÉGIQUE
Au-delà de la simple riposte douanière, l’UE s’arme d’un outil plus structurant : l’«instrument anti-coercition». Initialement pensé pour répondre aux pressions économiques de la Chine, cet instrument permet de suspendre l’accès au marché public européen ou de bloquer des investissements étrangers jugés coercitifs. C’est un changement de paradigme dans la doctrine commerciale européenne : il ne s’agit plus seulement de réagir mais aussi d’anticiper et de décourager l’escalade.

L’entrée en vigueur de cet instrument pourrait renforcer la capacité de l’UE à préserver ses intérêts stratégiques, sans dépendre uniquement de l’OMC, dont le mécanisme d’arbitrage reste paralysé depuis des années. Selon Bruxelles, il s’agit là d’un «filet de sécurité» pour éviter que l’unilatéralisme américain ne se transforme en jurisprudence.

IMPACT ÉCONOMIQUE : UN JEU À SOMME NÉGATIVE
Les effets d’une telle guerre commerciale ne seraient pas neutres. Une taxation croisée de biens industriels et agricoles affecterait les chaînes de valeur transatlantiques. L’industrie automobile allemande, déjà fragilisée, pourrait voir ses exportations vers les États-Unis lourdement pénalisées.

Côté américain, les agriculteurs – base électorale clé pour Donald Trump – seraient directement touchés par les droits de douane européens sur le soja ou les produits transformés.

Selon un rapport du Centre for Economic Policy Research, une guerre commerciale d’envergure entre l’UE et les États-Unis pourrait entraîner une contraction du commerce bilatéral de plus de 15% et réduire le PIB européen de 0,3 point.

UNE STRATÉGIE DE FERMETÉ PRUDENTE
Ce positionnement européen mêle dissuasion et pragmatisme. Tout en affirmant sa souveraineté commerciale, Bruxelles reste consciente des risques systémiques. L’objectif n’est pas l’affrontement, mais l’équilibre. La fenêtre de négociation reste ouverte jusqu’au 7 août. Passée cette date, c’est une nouvelle phase d’incertitude qui pourrait s’ouvrir pour l’économie mondiale, déjà fragilisée par des tensions géopolitiques persistantes.

J.G. avec agences / Les Inspirations ÉCO



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