Réforme institutionnelle : l’Office des changes brise les chaînes de la technocratie

À la croisée des mutations économiques mondiales et des impératifs de modernisation de l’action publique, l’Office des changes dévoile une stratégie 2025-2029 ambitieuse. Refondation réglementaire, digitalisation, intelligence artificielle et relation usager repensée, l’institution amorce une transformation en profondeur pour s’ériger en acteur stratégique, agile et résolument tourné vers l’avenir du développement économique marocain.
À l’heure où les économies du monde entier repensent leurs équilibres face à la globalisation des flux et aux injonctions de résilience, l’Office des changes engage une refonte en profondeur de son action publique. La stratégie 2025-2029, tout juste dévoilée, s’inscrit dans une dynamique volontariste de transformation institutionnelle.
Derrière le langage sobre des documents officiels, elle dessine une vision ambitieuse : faire de l’office un acteur agile, un régulateur éclairé des flux financiers et un partenaire stratégique du développement économique national.
Vers un schéma dématérialisé
Au cœur de la nouvelle stratégie, la simplification de la réglementation des changes apparaît comme un impératif. Face à la complexité croissante des opérations financières internationales, l’office entend refondre ses textes pour les rendre plus lisibles, plus accessibles et plus en phase avec les pratiques internationales. La révision de l’Instruction générale des opérations de change, prévue en 2026, s’annonce comme un tournant majeur.
Cette réforme, accompagnée d’une adaptation des règles applicables aux Marocains résidant à l’étranger, vise à bâtir un cadre réglementaire fluide, intelligible et évolutif. Plus encore, elle ambitionne de soutenir l’attractivité du territoire marocain auprès des investisseurs, tout en assurant aux opérateurs nationaux des conditions propices à leur compétitivité.
En parallèle, l’office engage une évolution de son modèle de supervision. Loin de se cantonner à une logique punitive, le contrôle se veut désormais intelligent, sélectif, orienté vers la prévention des risques systémiques. Cette transformation repose sur une exploitation accrue des données, l’intégration de technologies avancées, intelligence artificielle en tête, et le déploiement d’une approche différenciée en fonction des zones de vulnérabilité.
Les crypto-actifs, les nouveaux métiers liés à la finance digitale et le blanchiment de capitaux figurent parmi les priorités de cette refonte, qui intègre également un effort substantiel de modernisation du traitement du contentieux. Mais une régulation pertinente ne saurait se passer d’un socle statistique robuste.
L’Office des changes fait ainsi du renforcement de sa fonction statistique un axe stratégique majeur. En revendiquant une souveraineté informationnelle accrue, il entend repositionner la donnée comme un actif stratégique, au service des décideurs publics comme privés. L’évolution vers des formats dématérialisés, la révision des méthodes d’enquête et l’adoption progressive des normes internationales s’inscrivent dans cet effort de modernisation. Par cette démarche, l’institution aspire à devenir une référence régionale en matière de production statistique fiable, pertinente et accessible.
Au-delà des logiques de régulation et de données, la stratégie 2025-2029 consacre une place centrale à la qualité de la relation usager. Dans un monde où la transparence et la réactivité sont devenues la norme, l’office entend moderniser ses services pour offrir une expérience simplifiée, fluide et personnalisée. L’accent est mis sur la dématérialisation des démarches, la refonte des interfaces numériques et le développement de services dédiés aux MRE. L’intégration progressive de l’intelligence artificielle, notamment à travers une FAQ évolutive, vise à instaurer une relation proactive et pédagogique avec les usagers, tout en renforçant la proximité institutionnelle.
Une gouvernance responsable et durable
Cette volonté de transformation ne saurait se concrétiser sans un chantier transversal de digitalisation. La stratégie dévoile une ambition claire : faire du numérique un levier d’efficience interne et de résilience organisationnelle. Cela passe par l’unification des systèmes d’information, l’ouverture maîtrisée au cloud pour les services non sensibles et l’intégration de nouveaux outils dédiés à la gestion des achats, des ressources humaines et de la comptabilité.
La cybersécurité est, dans ce cadre, érigée en priorité stratégique, avec la mise en place d’un système de management conforme aux standards internationaux et le déploiement d’un plan de continuité d’activité en cas de crise.
Enfin, l’office place la gouvernance au cœur de sa mue. Une architecture décisionnelle renouvelée, fondée sur la coordination interservice, la responsabilité et la performance collective. La valorisation du capital humain constitue ici un levier essentiel. Une nouvelle politique statutaire, couplée à un effort massif de formation et à l’amélioration des conditions de travail, doit permettre de faire émerger une culture d’excellence durable.
L’institution entend également intégrer les principes de durabilité dans ses processus internes, en promouvant une consommation sobre des ressources et en inscrivant ses achats publics dans une logique responsable. À travers cette stratégie quinquennale, l’Office des changes affiche une volonté claire de rupture avec les logiques administratives du passé.
Loin de se limiter à une mise à jour technocratique, le texte engage une redéfinition du rôle de l’institution dans l’écosystème économique marocain. En s’appuyant sur les leviers de la data, de la proximité et de la gouvernance, il s’agit de bâtir un office à la fois régulateur efficace, partenaire des entreprises et garant de la stabilité macroéconomique. Un cap ambitieux, dont la réussite dépendra de la constance dans l’exécution et de l’adhésion des parties prenantes à cette transformation.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO