Achats publics durables : une transition ambitieuse en marche

Dans une région où le temps presse face à l’urgence climatique, la commande publique verte s’impose désormais non comme une option, mais comme une obligation collective. Entre ambitions affichées et défis concrets, la Climate Smart Public Procurement Conference pose les bases d’une feuille de route régionale pour inscrire les achats durables au cœur des stratégies de développement et de résilience. Il s’agit de tracer les contours d’une révolution qui pourrait transformer l’économie verte à l’échelle régionale.
C’est dans une atmosphère de détermination et d’urgence que Rabat a abrité lundi la Climate Smart Public Procurement Conference (CSPPC), organisée par la Banque mondiale. Il s’agit d’un sommet régional décisif réunissant les pays de la région MENA, ainsi que les institutions financières internationales, autour d’une ambition commune : celle de faire des finances publiques un levier majeur de la transition écologique.
Une réforme de fond
Loin d’être un simple ajustement cosmétique, le verdissement des marchés publics engage une transformation profonde des pratiques. Une transition qui s’impose d’autant plus que, chaque année, les marchés publics mobilisent des ressources considérables, soit environ 20% du PIB national.
«Orienter ces ressources financières importantes vers des biens et services durables est, pour nous, un choix stratégique. En intégrant des critères écologiques et sociaux dans nos appels d’offres, nous serons à même de stimuler l’innovation verte, d’encourager le tissu entrepreneurial local à s’adapter et de créer un effet d’entraînement sur l’ensemble du marché. Nous sommes déterminés à faire de l’État un modèle de durabilité et d’exemplarité dans le domaine», déclare Fouzi Lekjaâ, ministre délégué en charge du Budget.
Certes le Maroc ne part pas d’une page blanche en matière de durabilité, mais il est loin d’avoir bouclé le chapitre. Cette ambition se traduit par la réforme du cadre réglementaire des marchés publics, opérée en 2023. Désormais, les appels d’offres intègrent systématiquement des critères de durabilité.
Or, en dépit de l’intégration de critères environnementaux dans les documents-types, de nombreux acheteurs publics sont toujours confrontés à la difficulté de définir le produit ou service répondant aux soucis environnementaux et de développement durable, et d’être en mesure de procéder à son évaluation précise. C’est pour répondre à cet enjeu qu’un guide de la commande publique verte est en cours de finalisation.
«Ce document vise à apporter des outils méthodologiques pour intégrer les considérations environnementales tout au long du cycle de vie des marchés. Il est également prévu de mettre en place, sur le portail des marchés publics, un système de fléchage des appels d’offres comportant des clauses de développement durable. Ce dispositif vise à identifier les pratiques vertes au niveau des marchés publics et à en assurer un suivi régulier», annonce Noureddine Bensouda, Trésorier général du Royaume.
Dans le même élan, un rapport sur les achats verts sera préparé par l’Observatoire marocain de la commande publique. L’objectif étant de produire des données chiffrées sur le niveau d’intégration de la dimension verte dans les marchés publics et de nourrir la réflexion stratégique à l’échelle nationale.
Cette dynamique sera accompagnée par le lancement de formations et de cycles de sensibilisation à l’échelle nationale, destinés aux acheteurs publics, et ce, pour garantir la montée en compétence et l’appropriation effective des bonnes pratiques.
Défis structurels
Au-delà des ambitions affichées, la mise en œuvre de la commande publique durable se heurte à plusieurs défis majeurs dont, notamment, la structuration des filières vertes (pour répondre aux nouvelles exigences, garantir un équilibre économique afin de ne pas pénaliser les PME, lutter contre le greenwashing…), ou encore la mise en place de systèmes de données fiables pour mesurer les progrès et ajuster les politiques.
La passation de marchés publics durables apparaît comme une solution judicieuse, promouvant des achats responsables sur le plan environnemental afin d’atténuer les impacts environnementaux tout en favorisant le développement économique. Dans ce sens, la conférence se veut un espace d’échange, où experts, institutions publiques et partenaires techniques confrontent leurs expériences et mutualisent leurs outils.
«Cette conférence permettra un échange des expériences. Il s’agit d’un début, et nous espérons continuer sur cette lancée, surtout que cela fait déjà plusieurs années que nous travaillons sur ces sujets, notamment au Maroc. Le pays a enregistré plusieurs progrès dans le domaine et c’est une opportunité pour lui de partager son expérience avec l’ensemble des pays présents», souligne Ahmadou Moustapha Ndiaye, directeur de division de la Banque mondiale au Maroc.
La CSPPC s’impose ainsi comme un levier stratégique pour relever les défis et saisir pleinement les opportunités qu’offrent les achats publics durables. En rassemblant décideurs, experts et partenaires de la région MENA, elle réunit décideurs, experts et partenaires de la région MENA pour partager les connaissances, renforcer les capacités des acteurs publics et stimuler la coopération autour de stratégies climato-intelligentes.
Extension des pratiques durables, amélioration des cadres réglementaires, intégrité, innovations technologiques et mobilisation régionale, autant d’axes au cœur des discussions. Plus qu’une simple rencontre, la conférence trace une feuille de route ambitieuse pour inscrire les achats publics au cœur de la transition écologique et du développement économique de la région.
Fouzi Lekjaâ
Ministre délégué au Budget
«Augmenter ces ressources financières importantes vers des biens et services durables est, pour nous, un choix stratégique. En intégrant des critères écologiques et sociaux dans nos appels d’offres, nous serons à même de stimuler l’innovation verte, d’encourager le tissu entrepreneurial local à s’adapter et de créer un effet d’entraînement sur l’ensemble du marché. Nous sommes déterminés à faire de l’État un modèle de durabilité et d’exemplarité dans le domaine.»
Noureddine Bensouda
Trésorier général du Royaume
«Ce document vise à apporter des outils méthodologiques pour intégrer les considérations environnementales tout au long du cycle de vie des marchés. Il est également prévu de mettre en place, sur le portail des marchés publics, un système de fléchage des appels d’offres comportant des clauses de développement durable. Ce dispositif vise à identifier les pratiques vertes au niveau des marchés publics et à en assurer un suivi régulier.»
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO