Agriculture : un ciel enfin clément ravive les espoirs des agriculteurs

Les pluies enregistrées depuis début mars ont redonné espoir aux agriculteurs et soulagé une économie sous tension. Après des mois de sécheresse, cette manne hydrique augure d’une meilleure saison pour les cultures d’hiver, des céréales aux betteraves sucrières.
Des torrents d’eau se sont déversés sur de nombreuses régions du Royaume le week-end dernier, apportant une bouffée d’oxygène aux réserves hydriques du pays. Les barrages ont vu une augmentation notable de leurs réserves, avec des taux de remplissage qui sont passés de 25,6% en mars 2024 à 29,1% un an plus tard, selon les données du ministère de l’Équipement et de l’Eau.
En termes de volume, les réserves d’eau affichent 4,896 milliards de mètres cubes au 10 mars 2025, contre 4,132 milliards à la même date l’année précédente, soit une hausse de 764,39 millions de mètres cubes (Mm3). Certaines infrastructures ont particulièrement bénéficié de ces précipitations.
Le barrage Sidi Mohammed Ben Abdellah, par exemple, a vu son taux de remplissage passer de 23,33% en mars 2024 à 42,32% en 2025, augmentant son volume de 227,38 à 412,55 Mm3.
De même, le barrage Mansour Eddahbi affiche désormais un taux de remplissage de 43,91%, contre 15% l’année précédente, avec des réserves passant de 66,85 à 195,63 Mm3. Le barrage Hassan Addakhil a également connu une progression notable, son taux de remplissage passant de 26,10% à 65,27%, avec un volume de réserves augmentant de 81,63 à 204,14 Mm3.
Impact positif
Les précipitations enregistrées au Maroc ont révélé de fortes disparités selon les régions. Al Hoceima, par exemple, a reçu entre le 1er septembre 2024 et le 8 mars 2025, plus de 1.000 mm de pluies, contre seulement 87,6 mm l’année précédente.
Ce retour des précipitations est dû à une évolution de la circulation atmosphérique, favorisant l’arrivée des perturbations atlantiques, selon la direction générale de la Météorologie. Ces pluies ont eu un impact positif sur les réserves hydriques du pays. Les agriculteurs, notamment ceux du bassin du Loukkos, ont accueilli ces pluies avec soulagement. Elles ont permis de renforcer les ressources en eau destinées au secteur agricole, stabilisant le volume des principaux barrages de la région. Le barrage Oued El Makhazine, par exemple, affiche un taux de remplissage de 68,8%, contre 62,3% l’année précédente.
«Cette amélioration des ressources hydriques est essentielle pour les cultures d’hiver, notamment les betteraves sucrières, les céréales et les légumineuses», nous explique un agronome.
Les agriculteurs ont ainsi entrepris l’entretien de leurs plantations, l’application d’engrais et l’élimination des mauvaises herbes, nourrissant l’espoir d’une récolte abondante en fin de saison. Cependant, malgré ces pluies salvatrices, le déficit hydrique demeure préoccupant.
Depuis septembre 2024, les précipitations enregistrées au Maroc ont été inférieures de 36% à la moyenne, traduisant un déficit structurel en ressources en eau. Les bassins hydrauliques ont été affectés de manière inégale.
En effet, celui de Drâa-Oued Noun a connu une augmentation de 20% par rapport à la moyenne annuelle, tandis que le bassin de Sakia El Hamra-Oued Eddahab a enregistré une baisse considérable, de l’ordre de 78%.
«Gouverner, c’est pleuvoir»
Le secteur agricole, qui représente environ 15% du PIB et emploie près de 35% de la population active, est un pilier de l’économie. Et comme disait le Maréchal Lyautey, «gouverner, c’est pleuvoir». L’adage n’a rien perdu de sa pertinence tant l’agriculture demeure tributaire des caprices du ciel. Une bonne saison agricole stimule la demande intérieure, renforce la sécurité alimentaire et réduit la dépendance aux importations.
De plus, elle améliore le moral des citoyens, la pluie étant souvent perçue comme un signe de prospérité et de confiance en l’avenir. Mais l’accalmie ne doit pas masquer la réalité. Les épisodes de sécheresse récurrents rappellent que le Maroc demeure sous la contrainte du climat, et que seule une politique hydrique résolue, conciliant efficience et résilience, pourra desserrer l’étau.
Si ces précipitations offrent un sursis au secteur agricole et, par extension, à l’économie, elles ne suffiront pas à inverser la tendance.
Le stress hydrique est une donnée structurelle qu’aucune pluie passagère ne saurait effacer. Une gestion avisée et durable des ressources en eau demeure essentielle pour assurer la résilience du secteur face au changement climatique.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO