Fès-Meknès/Artisanat : un plan pour former la relève et préserver le savoir-faire
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Face à la crise de la main-d’œuvre artisanale, la région Fès-Meknès lance un projet pilote pour ressusciter le secteur. Doté de 46 millions de dirhams, ce plan vise à redynamiser la formation et à préserver les métiers d’art en péril. Deux conventions, l’une pour l’apprentissage, l’autre pour la formation continue et la VAE, constituent l’épine dorsale de cette initiative.
Et si les métiers d’art qui font la renommée de Fès-Meknès n’étaient bientôt plus qu’un lointain souvenir ? C’est le spectre qui hante aujourd’hui la région, confrontée à une crise sans précédent de la main-d’œuvre artisanale. Pour conjurer ce sort, la Chambre d’artisanat de la région lance un projet pilote national, une véritable course contre la montre pour encourager la formation de la relève et préserver des savoir-faire uniques.
Ce projet, qui a été au cœur des débats lors de la dernière assemblée générale ordinaire de la chambre, se décline en deux conventions majeures, validées lors de cette assemblée. Elles s’inscrivent dans une vision globale de préservation et de développement de ce secteur vital pour l’économie et l’identité culturelle de la région.
Un projet pour faire face à la crise de la main-d’œuvre artisanale
Le constat est sans appel, les ateliers d’artisanat de Fès-Meknès peinent à recruter des apprentis. Les jeunes générations, attirées par d’autres horizons professionnels, se détournent des métiers traditionnels, jugés parfois trop pénibles ou insuffisamment rémunérateurs.
Cette désaffection met en danger l’avenir de nombreux métiers, dont certains sont déjà en voie de disparition. Comme l’a souligné le président de la Chambre d’artisanat, Naji Fakhari, lors de la dernière assemblée générale, «ce projet vise à répondre à la problématique de la main-d’œuvre qui se fait de plus en plus rare sur le marché, mettant en péril l’avenir de plusieurs métiers».
Il est donc crucial de redynamiser l’attrait pour ces professions et de garantir la transmission des savoir-faire aux générations futures. Le projet pilote initié par la Chambre d’artisanat s’attaque donc à la racine du problème en mettant l’accent sur la formation et l’accompagnement des apprentis.
Deux conventions pour un soutien ciblé et efficace
Pour concrétiser cette vision, deux conventions distinctes, dotées de budgets conséquents, ont été élaborées. La première, intitulée «Convention spéciale relative au Programme régional d’appui aux apprentis dans le secteur de l’artisanat», est dotée d’un budget de 38 millions de dirhams (MDH).
Elle vise à soutenir financièrement les apprentis inscrits dans les établissements de formation professionnelle de la région, ainsi que ceux du Centre de formation et de qualification dans les métiers de l’artisanat de Fès, géré par la Fondation Mohammed V pour la solidarité.
Abderrahim Belkhayat, directeur régional de l’artisanat à Fès, a mis en avant l’importance de cette convention qui «vient répondre aux attentes des artisans en matière de formation continue dont la loi date de plus d’un quart de siècle, ainsi que la révision des bourses octroyées aux apprentis».
Une bourse mensuelle de 300 dirhams sera ainsi allouée aux apprentis, avec une attention particulière portée aux métiers menacés de disparition, qui bénéficieront d’une bourse spéciale. La deuxième convention, quant à elle, se concentre sur la formation continue et la Validation des acquis de l’expérience (VAE), avec un budget alloué de 8 MDH. Elle vise à permettre aux artisans en exercice d’actualiser leurs compétences et de faire reconnaître officiellement leur expertise acquise sur le terrain, ouvrant la voie à une meilleure valorisation de leur savoir-faire.
Pour Belkhayat, ces formations vont mettre l’accent sur la nécessité d’opter pour la transition digitale dans la commercialisation et la modernisation des techniques de production, encourageant la création de plateformes de commerce en ligne pour les artisans. Il a cité l’exemple de la filière de la dinanderie à Fès, qui mène un projet pilote national en matière de digitalisation.
En outre, la convention prévoit un accompagnement pour la création d’un espace dédié aux métiers en voie de disparition au sein du complexe de l’artisanat, afin de les encourager à poursuivre leur activité et à transmettre leur savoir-faire.
La tannerie traditionnelle : un exemple des défis à relever
Bennasser, qui est un artisan tanneur à l’ancienne médina de Fès, a illustré de manière concrète les difficultés rencontrées par certaines filières. Il a souligné que «les jeunes refusent de pratiquer le métier de la tannerie dans son état actuel», notamment en raison des conditions de travail difficiles liées au travail de bassin et des fosses.
La survie de ce métier ancestral, emblématique de la ville de Fès, est donc directement menacée. Bennasser a plaidé pour adopter une «vision globale pour le secteur», appelant à des réformes en profondeur pour améliorer les conditions de travail des artisans concernés et redonner de l’attrait à ce métier.
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO