Table ronde. Épargne : même peu : épargner, c’est préserver l’avenir
![](https://leseco.ma/wp-content/uploads/2025/02/Epargne.jpg)
Sujet d’une grande acuité et engageant le présent comme l’avenir, l’épargne a été au cœur des débats lors de la dernière table ronde du cycle de débats, organisée par le groupe Horizon Press. Contraintes, opportunités, méthodes et astuces : le point.
Pour Salim, salarié dans une PME et jeune père de famille, la vie suivait paisiblement son cours jusqu’à ce qu’il perde son emploi. Sans ressources et sans perspectives de reconversion, il a accumulé impayés et dettes pendant près d’une année avant de retrouver un travail. Depuis, il jongle entre nécessités de la vie et apurement de son passif. Mais il en sort avec une leçon qu’il a bien retenue. Il n’en serait pas là s’il avait su mettre de l’argent de côté.
Jeune cheffe d’entreprise, Halima, elle, nourrissait le rêve de voir sa fille réussir et projetait de lui offrir la meilleure des universités européennes. Mais déjà sollicitée de toutes parts, cherté de la vie et inflation galopante aidant, elle se limitait à gérer le quotidien sans penser aux moyens de bien préparer l’après. L’année du baccalauréat de sa fille, elle se rend compte que, finalement, des études universitaires à l’étranger pour sa fille relevaient de l’impossible. À l’arrivée, frustration et désarroi.
Mustapha, lui, menait grand train du temps où il était cadre supérieur dans un groupe industriel. Jusqu’au jour de son départ à la retraite. Du jour au lendemain, il se retrouve avec une maigre pension, à peine suffisante aux besoins les plus élémentaires.
À la retraite dorée dont il rêvait, il a dû aligner de petites et bien précaires missions pour rester à flot. Des exemples comme ceux de Saïd, Halima et Mustapha, nous en connaissons tous. Le vécu diffère, mais le constat est le même : faute d’avoir anticipé des chocs de la vie ou des projets futurs, tous se sont retrouvés à un moment ou un autre face à un véritable constat d’échec. Il aurait cependant suffi d’un réflexe : épargner, même peu. Et d’un bon conseil : celui de son banquier ou de son assureur.
D’une grande acuité dans un environnement où l’incertitude est la seule certitude, le sujet était au cœur des débats lors de la table ronde «Épargne : sécuriser demain, aujourd’hui», organisée par le groupe Horizon Press. Dans un contexte d’inflation et de resserrement du pouvoir d’achat, le sujet s’impose de lui-même.
Gérer efficacement et de manière optimale son budget, pouvoir se projeter par rapport à ses finances et préparer son lendemain deviennent plus que jamais des impératifs. Tout est de savoir comment. Mais, en fait, c’est quoi l’épargne ? La question est bien moins évidente qu’il ne paraît. S’agit-il de disposer ou de cumuler une somme d’argent pour pallier les aléas de la vie quotidienne ou de placements pour des projets futurs. Les réponses des experts ayant pris part au débat sont unanimes : les deux. La panoplie des produits et services est des plus large.
«Cela va du très court terme, pour disposer d’un coussin de sécurité, d’un filet social, au moyen et long terme, pour financer, à travers des placements, des projets futurs. Il s’agit là d’une épargne plus structurée, mieux planifiée», résume Mehdi El Fakir, économiste et expert-comptable.
«L’épargne va du compte à vue au compte sur carnet qui présente un rendement. Elle peut aussi consister en un dépôt à terme, soit le fait de bloquer son argent pendant une durée, ou un placement, qu’il s’agisse d’OPCVM ou de produits participatifs. Il y a aussi la bancassurance. Autant de produits que de besoins et sur des maturités qui vont du moyen terme à du long terme. Notre rôle est d’encourager nos clients et de les conseiller en fonction de leurs besoins», a expliqué Saïd Jabrani, membre du directoire de Crédit du Maroc (CDM).
À cette nuance près, et Mohamed Bel Baraka, directeur général adjoint d’AtlantaSanad Assurance, l’a apportée d’emblée.
«Il y a plusieurs sortes d’épargnes. La première est celle qu’on décide contre l’incertitude, en cas de maladie, de perte d’emploi, etc. Normalement, on peut répondre à cette incertitude par l’assurance. Malheureusement, cette culture manque dans notre pays. L’autre définition de l’épargne, et je dirais la vraie, c’est de l’épargne d’investissement. C’est là qu’on peut parler de mobiliser l’épargne parce qu’il s’agit d’une logique de projets : éducation des enfants, retraite… Nous sommes sur des échéances longues, de 10, 20 ans. Au lieu de craindre l’avenir, on l’anticipe», a-t-il expliqué. Dans les deux cas, l’épargne est érigée, ou au moins devrait l’être, en réflexe.
«Au Maroc, c’est une donne culturelle, mais qui se perd à l’aune de la société de consommation et des nombreuses sollicitations dont nous faisons l’objet au quotidien», a précisé Saïd Jabrani.
Une difficulté à laquelle tout un chacun peut néanmoins pallier, a abondé Bouchra Bennani, directrice des Marchés retail banking au sein de CDM. Pour elle, les maîtres-mots ne sont autres que la prise de conscience et l’anticipation.
Saïd Jabrani
Membre du directoire de CDM
«Même quand le déclic opère, ils sont nombreux à se dire qu’il est trop tard pour épargner. Il est évident que plus tôt on démarre un plan épargne, que ce soit pour nos enfants, notre famille, pour nous, pour un choc de vie, mieux c’est. S’il n’est jamais trop tôt, il n’est jamais trop tard non plus pour se lancer. Ce qui change, c’est l’effort d’épargne. C’est toujours le bon moment pour bien faire, même avec 100 dirhams par mois».
Bouchra Bennani
Directrice des marchés retail banking au sein de CDM
«L’épargne peut être un excellent moyen de gérer sa succession. Elle peut être aussi un moyen d’orienter la succession quand on n’a pas de garçon par exemple. L’épargne capitalisation permet en cela un rendement qui non seulement absorbe l’inflation, mais offre des revenus confortables, tout en restant sécurisés».
Épargne : quelles garanties ?
La sécurité de l’épargne est 100% garantie au Maroc. «La protection de l’épargne est exemplaire au Maroc. Les secteurs de la banque et de l’assurance évoluent sur des bases saines et il y a encore une marge extraordinaire pour conquérir et convaincre plus de Marocains. Nous obéissons à une double-régulation, celle de Bank Al-Maghrib et celle de l’ACAPS.
Le tout, avec des cadres législatifs, des standards et des reportings dont la seule finalité est de préserver et sécuriser l’épargne du citoyen. Derrière tout dirham qu’on met au niveau de la banque ou au niveau de la bancassurance, se trouvent des garde-fous faits pour le protéger et pour le faire fructifier dans le respect de normes très strictes. Nous sommes à des années-lumière de la démarche, populaire mais risquée, des tontines, ou encore des initiatives relevant, elles, de la fraude pyramidale. «N’empêche que nous pouvons légitimement nous demander pourquoi de telles pratiques ont encore du succès au Maroc. C’est certainement une question de communication et il y a lieu de creuser ce sujet.»
Ilyas Bellarbi / Les Inspirations ÉCO