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Échange des données bancaires : le Maroc négocie une “deuxième voie”

L’application du traité OCDE/G20 sur l’échange automatique des données bancaires à des fins fiscales aurait fait voler en éclats le secret bancaire sur les actifs financiers des MRE. Une perspective qui avait effrayé cette catégorie de la population au point d’obtenir le rejet de la ratification de cet accord de lutte contre l’évasion fiscale. Rabat négocie actuellement avec l’UE afin de décrocher un «aménagement» gagnant-gagnant pour toutes les parties. Ce n’est pas gagné ! 

Le Maroc s’était engagé à mettre en œuvre le traité sur l’échange automatique des données bancaires et financières à des fins fiscales en septembre 2025 avant de faire machine arrière, suite au rejet de la ratification du texte par le Parlement. En effet, les autorités se trouvaient face à un choix cornélien : soit appliquer la convention OCDE, auquel cas le secret sur les actifs bancaires des MRE, qui représentent près de 40% des dépôts à terme, serait levé ; soit passer outre, et risquer de voir le Royaume placé sur la liste dite des «territoires non-coopératifs», la liste noire des paradis fiscaux.

Pour échapper à ce scénario sombre, il ne reste plus à espérer que les tractations en cours avec Bruxelles débouchent sur un schéma «satisfaisant». Concrètement, figurer sur la liste noire des paradis fiscaux implique un renchérissement des coûts de conformité pour les banques marocaines et une disqualification d’un certain nombre de programmes de financement de l’Union européenne.

L’OCDE a été informée des difficultés rencontrées pour faire ratifier l’accord, et qu’il s’agissait désormais d’un problème «politique», confie une source proche du dossier. Le ministre du Budget s’est engagé à reprendre les négociations avec les pays de l’OCDE en vue de réviser les dispositions de cet accord. A contrario, la loi américaine Fatca, encore plus contraignante, n’avait pas soulevé les mêmes difficultés. Comme à leur habitude, les États-Unis – qui soit dit en passant, ne sont pas signataires de l’accord OCDE – avaient menacé de couper le «tuyau» du dollar à tous les pays qui n’appliqueraient pas la convention Fatca. Celle-ci oblige tous les établissements financiers et les sociétés de gestion d’actifs à déclarer au fisc américain les avoirs des personnes ayant qualité de contribuable aux États-Unis. Par exemple, le fait de détenir une green-card tout en vivant au Maroc vous assimile à un contribuable américain.

Le Maroc entre donc dans le dur : il va falloir qu’il déploie des trésors de diplomatie pour obtenir un dispositif à la carte. Selon nos informations, c’est une équipe multidisciplinaire qui conduit les négociations avec Bruxelles sur ce sujet sensible. Les six millions de MRE, qui redoutaient que les informations qu’aurait transmises l’administration fiscale ne soient pas recoupées avec leurs déclarations d’impôt dans leurs pays de résidence, avaient obtenu l’unanimité du vote contre l’accord OCDE à la Chambre des représentants.

Que prévoit le traité d’échange automatique des données bancaire à des fins fiscales ?
L’administration fiscale marocaine peut recevoir, sans le demander, un rapport sur les avoirs «planqués» dans un État contractant à l’accord OCDE/G20. Plus un détail ne pouvait échapper aux radars du fisc.

Dans l’autre sens, le Maroc devrait communiquer les données (soldes) des comptes bancaires et les détails sur les actifs financiers détenus par les non-résidents aux pays étrangers qui les lui demanderaient. Très discrètement, l’article 8 de la Loi de finances 2018 avait inséré une disposition (article 214-5 du CGI) prévoyant que banques et compagnies d’assurance sont tenues de mettre en place les diligences pour l’identification des personnes concernées et la communication des informations relatives à leurs comptes et aux flux financiers les concernant dans le cadre de l’échange automatique d’informations.

Sont en première en ligne dans l’offensive contre l’évasion fiscale internationale, les banques, les sociétés de gestion de l’épargne, les OPCVM, les compagnies d’assurance, les sociétés et leurs bénéficiaires effectifs (ndlr : la loi impose à toutes les entreprises de déclarer leurs bénéficiaires effectifs dans un registre centralisé au ministère des Finances).

Des verrous partout

Si votre banque à l’étranger vous soupçonne d’avoir une résidence de complaisance, elle peut transmettre les informations sur votre compte au pays dont vous détenez le passeport. Par exemple, vous avez un passeport marocain mais une résidence (fiscale) en Côte d’Ivoire, la banque étrangère, dont vous êtes client, peut estimer que votre résidence n’est pas «réelle» et transmettre les données à la Côte d’Ivoire et au Maroc.

Dans l’autre sens, la banque peut également remettre en cause votre deuxième passeport et remonter vos données à votre nationalité d’origine. Quelles informations seront communiquées ? L’identité des titulaires non-résidents et bénéficiaires de comptes bancaires : nom, prénom, numéro de passeport et coordonnées du détenteur, numéro de compte, soldes du compte, intérêts perçus, produits de cession de valeurs mobilières, etc.

Les données transmises incluent les références des comptes, les revenus, les plus-values, ou encore les soldes. S’abriter derrière une société-écran est devenu aujourd’hui très compliqué.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO



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