Tourisme : l’Espagne peut-elle inspirer le Maroc ?
Avec plus de 94 millions de touristes en 2024, l’Espagne confirme, encore une fois, son rang parmi les leaders mondiaux du tourisme. Avec également un record d’arrivées touristiques sur la même année, le Maroc, leader en Afrique, se renforce sur la carte mondiale du tourisme. Mais, le chemin est encore long comparé au voisin espagnol. D’ailleurs, ce dernier peut-il inspirer le Maroc ?
À l’heure où le Maroc vient de battre un record historique avec 17,4 millions de touristes accueillis en 2024, l’Espagne, l’une des premières destinations touristiques mondiales, confirme, elle, son rang de leader, avec elle aussi, un record de plus de 94 millions de touristiques au cours de la même année.
En un mot, les deux pays voisins de la Méditerranée, et qui partagent l’une des rares particularités de disposer également d’une façade sur l’Atlantique, se portent à merveille dans le secteur touristique, surtout que, pour le Maroc, le bond est de 20% en une année, et de 10% pour le voisin ibérique.
Les deux destinations performent, mais en valeur absolue, il n’y a pas photo entre les 94 millions de visiteurs espagnols et les 17,4 millions de touristes enregistrées au Maroc, dont près de la moitié sont des Marocains résidant à l’étranger (MRE). Se posent alors plusieurs questions, dont l’une est de savoir si l’Espagne peut inspirer le Maroc, ou, pour faire simple, qu’est-ce que le Maroc doit apprendre de l’Espagne ?
Investissements amortis
Chez les opérateurs nationaux du tourisme, c’est une question que l’on se pose fréquemment, et, pour leur patron, à savoir le président de la Confédération nationale du tourisme (CNT), «oui, le Maroc peut et doit s’inspirer de l’Espagne, comme il s’inspire de tous ceux qui sont devant lui dans le domaine du tourisme», répond humblement Hamid Bentahar.
Mais attention, renchérit un autre grand acteur du tourisme national qui a requis l’anonymat, «les deux destinations ne sont pas dans la même logique. L’Espagne est dans le tourisme de masse, ce qui n’est pas forcément le cas du Maroc».
Selon l’ensemble des acteurs nationaux, il y a lieu de reconnaître que les deux pays n’ont pas décollé au même moment.
«Pour l’Espagne, le tourisme a commencé à émerger depuis les années 60 et 70, et ce secteur est depuis longtemps une source sur laquelle repose l’économie espagnole. Quant à nous, les choses sont beaucoup plus récentes», poursuit notre deuxième interlocuteur. Cela est en effet une différence de taille, car, confirme le président de la CNT, «l’industrie touristique espagnole est bien installée et déjà bien amortie».
300.000 touristes marocains
Autre différence, l’Espagne dispose d’un avantage de taille, puisque ses marchés émetteurs sont d’abord ses plus proches voisins européens. Il s’agit d’Allemand, de Français et membres de l’Union Européenne.
«En plus d’être une destination bien desservie et bien connectée sur le plan aérien, il faut noter que la plupart des visiteurs européens en Espagne viennent en voiture. C’est un avantage certain qui n’est pas le nôtre avec tous nos principaux marchés émetteurs», selon Hamid Bentahar.
«A cela, il faut noter que l’Espagne est une destination qui attire une clientèle festive, qui part pour s’amuser à Ibiza, Costa Brava, etc., alors que le Maroc n’est pas forcément dans ce segment», ajoute un voyagiste marocain.
Malgré tout, un constat général s’impose et nos interlocuteurs dans le secteur du tourisme national le reconnaissent : la qualité et les prix, moins chers en Espagne, sont un facteur décisif.
«Je comprends ceux qui le disent. Et cela s’explique par l’amortissement des investissements dans le secteur touristique espagnol depuis belle lurette», répond le président de la CNT.
D’ailleurs, ils sont désormais au moins 300.000 touristes marocains à visiter l’Espagne (chiffres de 2023 du ministère espagnol du tourisme), au détriment des destinations méditerranéennes marocaines. Et, pour beaucoup, c’est parce que l’offre est plus qualitative et moins chère chez le voisin nord méditerranéen du Maroc. Là aussi, le Royaume a de quoi s’inspirer…
Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO