Marchés financiers : Touimi Benjelloun appelle à une “alliance des expertises” pour booster la liquidité
Lors du deuxième jour de l’African financial summit, la Bourse de Casablanca a présenté une vision ambitieuse dans le but de renforcer la liquidité des marchés financiers africains. En insistant sur l’innovation, la structuration des infrastructures et une collaboration panafricaine accrue, le président de la bourse a plaidé pour un marché des capitaux moderne, transparent et capable de relever les défis de demain.
Le deuxième jour de l’African financial summit (AFIS), un événement phare pour les acteurs des marchés financiers africains, a été marqué par l’intervention de Brahim Touimi Benjelloun, président de la Bourse de Casablanca depuis le 14 novembre.
Lors du Side event dédié à la liquidité des marchés et aux nouveaux produits financiers à offrir aux investisseurs, Touimi Benjelloun a partagé une vision ambitieuse et structurée dans le but de renforcer le rôle de la place boursière marocaine dans la dynamique continentale.
Une transformation en cours des marchés africains
Le marché financier africain connaît une croissance significative, avec une capitalisation boursière globale atteignant quelque 1.000 milliards de dollars en 2023. Cette progression, estimée de 5% à 10% par an dans certaines régions, s’accompagne d’une montée en puissance des émissions obligataires, notamment en Afrique subsaharienne, où celles-ci ont dépassé 30 milliards de dollars en 2022.
Ces chiffres traduisent l’intérêt croissant pour la finance de marché comme levier de développement économique. Cependant, les défis liés à la liquidité, à l’accès et à la transparence restent nombreux. C’est dans ce contexte que Touimi Benjelloun a articulé sa réflexion autour de trois convictions majeures : la structuration des infrastructures, la diversification des produits et la nécessité d’une vision africaine commune en la matière.
Une structuration ambitieuse des marchés marocains
Le président de la Bourse de Casablanca a d’abord souligné le rôle pionnier joué par le Maroc, grâce aux choix stratégiques des autorités publiques. Le cadre institutionnel marocain, avec la Bourse de Casablanca en tant que holding, incarne un modèle structurant. Celle-ci regroupe un marché au comptant actif depuis 1929, un marché à terme en cours de lancement, une chambre de compensation et un dépositaire central. Cette organisation repose sur des technologies avancées, notamment celles développées en collaboration avec le London stock exchange.
Selon le Touimi Benjelloun, cette modernisation des infrastructures est un prérequis pour faire de Casablanca un hub financier régional. Il a également salué les efforts des régulateurs marocains, tels que l’Autorité marocaine des marchés de capitaux (AMMC), pour leur approche proactive et participative, qui renforce la confiance des investisseurs nationaux et internationaux.
Des initiatives pour accroître la liquidité
Pour le président de la bourse casablancaise, il est important d’améliorer la liquidité des marchés. Il a évoqué plusieurs initiatives déployées dans le Royaume, qui pourraient servir de modèle à d’autres places africaines. La première est le développement du marché à terme, prévu pour un lancement opérationnel au premier trimestre 2025.
Ce marché introduira des contrats à terme sur l’indice MASI20, apportant de nouvelles opportunités aux investisseurs pour gérer les risques et stabiliser les marchés. Il s’agit aussi de la création d’un marché alternatif pour les PME, qui a été mis en place en 2019. Ce segment propose des règles simplifiées, favorisant ainsi l’accès des petites et moyennes entreprises au financement par le marché. Une autre initiative marocaine concerne les campagnes de sensibilisation et d’éducation financière.
En effet, à travers l’École de la bourse et des collaborations avec les universités, des efforts importants ont été réalisés pour vulgariser la culture boursière au Maroc. Ceci sans oublier le programme Elite, l’outil d’accompagnement qui aide les entreprises à structurer leurs financements et à se préparer à entrer en bourse. Touimi Benjelloun a également insisté sur le rôle central du marché à terme en tant qu’outil de couverture des risques et générateur de liquidité.
«Le marché à terme est une formidable innovation pour améliorer l’efficience des marchés, grâce aux arbitrages qu’il permet», a-t-il déclaré, ajoutant que ce mécanisme pourrait également contribuer à stabiliser la volatilité des marchés au comptant.
Une ambition africaine partagée
Au-delà des frontières nationales, Touimi Benjelloun a appelé à une vision africaine collective pour les marchés de capitaux.
«L’Afrique doit être notre bien commun, notre destinée commune», a-t-il affirmé, en invitant chaque acteur économique et financier à inscrire le continent dans sa stratégie.
Cette ambition s’articule autour de plusieurs axes complémentaires, tels que la multiplication des partenariats stratégiques entre les places boursières africaines pour partager les expériences et promouvoir des standards communs ; le renforcement de la connectivité régionale grâce à des initiatives comme l’African exchange linkage project, qui facilite les transactions transfrontalières et favorise la libre circulation des investissements ; le soutien à des projets panafricains innovants, notamment l’harmonisation des réglementations, le développement de systèmes de paiement transfrontaliers tels que le PAPSS ; et enfin l’adoption de standards internationaux pour améliorer la transparence et la gouvernance des marchés.
L’innovation, un levier clé pour l’avenir
Enfin, le président de la Bourse de Casablanca a mis en avant le rôle de l’innovation financière comme catalyseur de transformation. Il a cité l’importance des émissions de dette durable («green bonds» et «sustainable bonds») et la nécessité d’adopter des solutions technologiques avancées pour renforcer l’efficacité des marchés. Dans cette optique, Casablanca se positionne comme un acteur engagé, prêt à partager son expérience avec d’autres places africaines et à contribuer à l’approfondissement des marchés de capitaux à l’échelle continentale.
Une alliance des expertises pour un avenir commun
Au final, Touimi Benjelloun a lancé un appel à la collaboration, évoquant une «Alliance des expertises» à l’image de l’Alliance des civilisations. «Nous avons plusieurs infrastructures, plusieurs cultures, mais une aspiration commune : bâtir un marché africain des capitaux robuste, moderne et efficient», a-t-il déclaré.
Cet appel résonne comme une invitation à dépasser les frontières nationales pour construire un avenir financier partagé, au service de la prospérité économique de tout le continent africain. Une vision ambitieuse, mais nécessaire, pour positionner l’Afrique comme acteur incontournable du nouvel ordre financier mondial.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO