Audit : la déflation tarifaire fait rage sur le marché
La directive «Budget-temps» émise l’an dernier par l’Ordre des experts-comptables, et censée contenir la course au moins-disant sur le marché de l’audit, n’a pas réussi à endiguer la pression à la baisse des tarifs appliqués. Désormais, la guerre des prix est totale, atténuée par l’extension du marché de conseil.
Une année après l’entrée en vigueur (ndlr : le 10 novembre2023) de la directive du «budget-temps» émise par l’Ordre des experts-comptables afin de contenir la déflation des tarifs dans les missions d’audit et de commissariat aux comptes, les professionnels sont aux abois.
«Rien n’a changé, le dumping continue de faire des ravages», constate amèrement un expert-comptable, associé dans un grand cabinet d’audit et de conseil à Casablanca.
Cet auditeur, qui a plus de 25 ans de métier, s’alarme des niveaux de tarifs relevés chez certains de ses confrères, parfois 25-30 dirhams l’heure ! On est très loin de la grille des honoraires qu’avait démantelée l’an dernier le Conseil de la concurrence, la jugeant contraire à la liberté commerciale. Cette pression à la baisse des prix des missions d’audit tient, pour partie, à une concurrence plus intensive que par le passé. Si le marché-cible des entités soumises à l’audit s’est élargi, l’offre de services s’est, elle aussi, étoffée.
Parmi les 700.000 sociétés inscrites au fisc, il y aurait quelques dizaines de milliers à capter. Aux sociétés anonymes assujetties de droit au commissariat aux comptes, il faut ajouter les SARL réalisant plus de 50 millions de dirhams (MDH) de chiffre d’affaires et les «entités d’intérêt public». Ce lot regroupe toute entité, publique ou privée qui lève un financement sur le marché obligataire, par exemple.
L’autre facteur qui entretient la déflation tarifaire est l’arrivée massive des jeunes experts-comptables sur le marché. Le tableau de l’Ordre des experts-comptables compte désormais un peu plus d’un millier d’inscrits, dont de nombreux jeunes praticiens. Quitte à faire des «sacrifices» sur les honoraires, beaucoup d’entre eux pensent à juste titre, à se constituer des références-clients, une base qui peut s’avérer déterminante plus tard dans la compétition.
Au sens de la directive du Conseil national de l’Ordre, le budget-temps correspond au nombre d’heures de travail nécessaire à l’accomplissement des diligences à déployer au cours de la mission. Ce seuil est déterminé, pour chaque exercice, en fonction du total du bilan de l’entreprise, augmenté du montant des redevances restant dues sur contrats de leasing, du montant des produits d’exploitation et des produits financiers, hors TVA, comme suit : pour les entreprises dont le montant du bilan hors TVA est supérieur à 900 MDH, le budget-temps est fixé d’un commun accord entre l’expert-comptable et son client eu égard à l’importance des travaux nécessaires à l’accomplissement de la mission, sans qu’il puisse être inférieur à 750 heures de travail. Les travaux correspondant au budget-temps doivent être réalisés conformément à la norme «budget-temps» par une équipe de professionnels composée d’un expert-comptable et de ses collaborateurs.
Cependant, l’expert-comptable signataire du rapport (de la mission) doit accomplir lui-même, selon la complexité, la récurrence de la mission et la composition de l’équipe qui lui est affectée, au moins 10% à 15% de ce budget-temps. La fixation de ce minimum est une façon de responsabiliser les cabinets dont les équipes comprennent de nombreux jeunes stagiaires.
Bataille sur le marché des grands comptes
Pour les entreprises dont le montant du bilan, excède 900 MDH, où se trouvent le millier des sociétés qui réalisent plus de 100 millions de chiffre d’affaires et les 150 qui dégagent au moins 1 milliard de dirhams de revenu, le Budget Temps est fixé d’un commun accord entre l’expert-comptable et son client «eu égard à l’importance des travaux nécessaires à l’accomplissement de la mission, sans qu’il puisse être inférieur à 750 heures de travail».
Dans la directive de l’Ordre mise en service en novembre 2023, l’obligation de déclaration de mandats est réaffirmée. Les experts-comptables, investis des mandats de commissariat aux comptes ou d’audit contractuel, sont tenus de les déclarer au Conseil régional de leur circonscription avant le 31 juillet de chaque année. Il s’agit de mandats en cours ainsi que des nominations décrochées lors des assemblées générales des sociétés qui se tiennent en général avant fin juin.
La déclaration du mandat doit préciser le secteur d’activité de la société auditée, l’exercice ou les exercices concernés, la base de calcul du budget-temps par exercice et enfin, le budget-temps retenu par exercice ainsi que les motivations aux dérogations éventuelles à l’application de la norme «budget-temps». Autant dire étaler des éléments sensibles sur lesquels se joue la concurrence entre les cabinets. C’est pour cette raison que certaines voix se sont souvent montrées réservées sur ce point, exigeant des garanties de confidentialité absolue.
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO