Transport et logistique : les grands chantiers d’Abdessamad Kayouh
Doter le transport routier d’une véritable feuille route qui se fait attendre depuis des années, accélérer la réalisation des grands chantiers d’infrastructures autoroutières et ferroviaires pour le Mondial 2030 tout en réussissant à doter le Royaume d’un pavillon maritime national, tels sont les grands chantiers du nouveau ministre du Transport et de la Logistique, tout en accompagnant l’agrandissement de la compagnie nationale, Royal Air Maroc.
C’était un changement attendu par de nombreux professionnels des différents secteurs du transport, et il a finalement eu lieu. L’arrivée d’Abdessamad Kayouh, nommé ministre du Transport et de la Logistique lors du dernier remaniement ministériel, en remplacement de Mohamed Abdeljalil, est très scrutée par les acteurs de ce secteur névralgique et déterminant de l’économie nationale.
Cela, à l’heure les grands chantiers, à court et moyen terme, en fait un département au cœur de la réussite attendue par le Maroc, dans des engagements tels que la co-organisation du Mondial 2030. Mais avant cela, l’urgence porte sur le secteur du transport routier, où l’on attend une feuille de route au point mort.
Feuille de route du transport routier
En parlant de la feuille de route du transport routier, il faut rappeler qu’elle s’articule principalement autour de trois axes majeurs : l’accès à la profession, l’indexation et l’accompagnement à la mise à niveau des entreprises. Sur presque l’ensemble de ces trois volets, certains ont timidement commencé à bouger, mais il y a aujourd’hui un besoin urgent d’appuyer sur l’accélérateur afin que les choses se concrétisent sur le terrain.
Il faut avoir le courage de le rappeler, depuis le covid, et bien même avant, presque rien n’a bougé dans ce secteur, ou du moins, rien de structurel et de durable ne s’est concrétisé sur le terrain, hormis la fameuse stratégie de subventions en soutien aux transporteurs routiers, pour faire face à la hausse des prix du carburant.
En effet, cette dépendance aux subventions et aides directes s’avère n’être qu’un «effet doliprane» et son arrêt risque de réveiller les vieux démons chez ces transporteurs, qui n’hésiteront sûrement pas à se faire entendre. D’ailleurs, ces derniers ne cessent de monter au créneau ces derniers temps, en demandant au gouvernement le versement de nouvelles tranches de subventions.
Subventions
Il est vrai qu’avec ces subventions, l’État a réussi à empêcher une hausse notoire des prix du transport routier, avec une enveloppe de pas moins de 7 MMDH versés dans le cadre de ces opérations de soutien direct aux transporteurs.
«On a l’impression que ce calmant est devenu la règle, alors qu’on peine à mettre en œuvre la feuille de route du transport routier, qui est censé faire gagner le secteur en maturité», s’indignait récemment un professionnel du transport, qui a requis l’anonymat.
Pour le nouveau ministre, il est attendu de faire sortir le transport routier de son enlisement et, surtout, lui redonner plus de visibilité et de l’assainir, à moins de six ans de l’arrivée d’un grand événement, à savoir le Mondial 2030.
1.000 km d’autoroutes supplémentaires
D’ailleurs, cet événement, comme souligné plus haut, met le département du Transport et de la logistique au cœur des chantiers qui sont et seront lancés au cours des prochaines années. On pense notamment à la réussite de la concrétisation des infrastructures majeures que sont, entre autres, la réalisation à temps, de 1.000 km d’autoroutes en 7 ans.
L’annonce en avait été faite l’année dernière lors du Forum africain sur les investissements (FAI) qui s’est tenu début novembre 2023 à Marrakech.
«Le réseau des autoroutes a atteint actuellement 2.000 km, permettant ainsi de relier toutes les villes de plus de 400.000 habitants. Ce réseau devrait atteindre 3.000 km à l’horizon 2030», avait indiqué le Roi Mohammed VI dans un message adressé aux participants de cette rencontre d’envergure abrité par le Maroc.
D’ailleurs, il faut rappeler que le Royaume figure ainsi parmi les 20 meilleurs pays en matière de réseau routier et de qualité des routes. C’est ce qu’indique la plateforme spécialisée Insider Monkey dans un classement établi suivant les données de 2022 du Rapport sur la qualité des routes et le score de vitesse moyenne du Fonds monétaire international (FMI).
Relance de la flotte maritime nationale
Last but not least, il y a le fameux secteur du transport maritime. Et là, on peut dire aussi que les défis sont énormes. Et curieusement, malgré l’annonce par le Roi Mohammed VI de la relance d’une flotte maritime nationale stratégique l’année dernière lors de son discours à l’occasion de la célébration du 48e anniversaire de la Marche Verte, aucun résultat concret n’a été constaté sur le terrain.
Le ministre du transport sortant, Mohamed Abdeljalil, avait préféré lancer à nouveau une nouvelle étude, comme cela est d’ailleurs de coutume pour ce secteur si stratégique, mais sur lequel le Maroc a perdu toute emprise depuis plus d’une décennie. Les professionnels avaient pourtant dénoncé «cette perte de temps à travers le lancement d’une nouvelle étude».
À moins que les jours suivant ne soient l’occasion d’annoncer des décisions concrètes, c’est encore l’attentisme qui prévaut dans ce secteur. Le nouveau ministre trouvera-t-il l’inspiration et aura-t-il la diligence de permettre enfin au Royaume de retrouver un pavillon maritime ? Abdessamad Kayouh est très attendu sur le sujet.
En tout cas, pour les professionnels du secteur, il n’y aucun doute, le Maroc a une belle carte à jouer avec le Mondial, notamment en anticipant la création de compagnies maritimes compétitives, qui se chargeront de se positionner sur le trafic sur la Méditerranée.
D’ailleurs, il faut rappeler qu’à ce jour, les compagnies maritimes espagnoles sont majoritairement celles qui se partagent le gâteau lors des Opérations «Marhaba», avec le retour annuel, chaque été, d’au moins un million de MRE, lors des grandes vacances.
200 avions pour RAM
Dans l’aérien également, on se prépare à voler à très haute altitude durant les prochaines années, avec la compagnie nationale qui a, elle aussi, annoncé une véritable montée en gamme, afin d’être au rendez-vous du Mondial 2030, mais, surtout, de garder son rang d’acteur important du transport aérien en Afrique et dans le monde.
En effet, dès juillet 2023, Royal Air Maroc concluait un contrat-programme 2023-2037 avec le gouvernement. Cette feuille de route s’est matérialisée par un nouvel appui financier de l’État à la compagnie nationale, qui va ainsi quadrupler sa flotte pour la porter de 50 appareils actuellement, à 200 appareils au cours des 15 prochaines années.
D’ailleurs, ce plan de vol semble déjà activé puisque RAM a passé commande de 2 nouveaux appareils Dreamliner 787-9. Avec le développement de cette flotte, RAM pourra ainsi se positionner pour assurer une part importante du transport des supporters à destination du Maroc lors de la Coupe du Monde 2030 et augmenter ainsi son trafic passagers. D’ailleurs, en parlant de ce trafic, il tourne désormais autour de 8 millions par an pour la compagnie nationale.
Le tgv à Marrakech… à grande vitesse
Dans le ferroviaire, l’extension de la ligne de TGV sur l’axe Kénitra-Marrakech est l’un des plus grands chantiers attendus dans les prochaines années. Désormais, le défi est d’éviter le retard accusé lors de la première expérience de réalisation du TGV sur l’axe Tanger-Kénitra.
À ce propos, il faut rappeler que l’Office national des chemins de fer (ONCF) avait annoncé, l’année dernière à pareille période également, un investissement d’environ 16 MMDH, pour l’acquisition de 168 trains. Un projet ventilé entre 150 trains pour les services inter-villes, trains navettes rapides et métropolitains, ainsi que 18 Trains à grande vitesse (TGV) pour les extensions des lignes Grande vitesse.
L’objectif est double : répondre à la croissance du trafic voyageurs et renouveler une flotte vieillissante. Ce projet vise également à lancer un écosystème industriel ferroviaire au Maroc.
Partenariat ONCF-ALSTOM
Le champ est donc largement ouvert pour la réalisation de belles infrastructures et de relancer certains segments des transports longtemps laissés en rade. Il reste à savoir si les ambitions tracées sur le papier pourront être concrétisées sur le terrain, selon les délais impartis. Car la course pour la préparation du Mondial 2030 a déjà commencé.
Au nouveau ministre d’en assurer le suivi, et surtout d’aider à accélérer le rythme. Dans ce sens, lors de la récente visite d’État au Maroc du président français Emmanuel Macron, des contrats de fourniture de rames et d’assistance technique ont été signés avec les français ALSTOM et Société SYSTRA/EGIS.
Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO