Maroc

Taux directeur : BAM se laisse une marge de manœuvre

En observant le statu quo du taux directeur lors de son dernier Conseil trimestriel, la Banque centrale attend le moment opportun avant d’appliquer une nouvelle baisse. Ce stand-by reflète l’important reflux de l’inflation, qui devrait d’ailleurs se tasser avant de repartir à la hausse, et ce, dans un contexte pour le moins volatil et incertain.

Le Conseil de Bank Al Maghrib n’aura pas cédé aux appels du pied des analystes et des investisseurs financiers. Il repousse de trois mois supplémentaires un nouvel abaissement du taux directeur dans le cadre de la politique monétaire accommodante engagée par la Banque centrale depuis juin 2023. Ainsi, le taux directeur se maintient à 2,75%.

Dans un environnement toujours empreint de fortes incertitudes, notamment avec une sécheresse qui persiste et le stress hydrique qui constitue un risque majeur pour la production agricole et par ricochet, pour la croissance économique, une phase d’observation s’impose.

Pour l’institut d’émission, «le Conseil a jugé approprié de maintenir l’orientation actuelle de la politique monétaire, tout en continuant de suivre de près l’évolution de la conjoncture économique et sociale, notant également le renforcement de l’ancrage des anticipations d’inflation».

Dans ce sens, il y a lieu de noter que l’inflation a évolué à des niveaux modérés depuis le début de l’année, reflétant essentiellement la baisse des prix des produits alimentaires à prix volatils et le ralentissement de sa composante sous-jacente.

Cette dernière, après s’être établie à 5,6% en 2023, oscille autour de 2%. Les projections de BAM indiquent une stagnation autour de ce taux au cours des huit prochains trimestres. Tenant compte, notamment, des changements annoncés concernant les subventions des prix des produits de base, et sous l’hypothèse d’une variation limitée à moyen terme des prix des produits alimentaires à prix volatils, l’inflation globale devrait décélérer de 6,1% en 2023 à 1,3% cette année avant de s’accélérer à 2,5% en 2025.

Une conjoncture à rude épreuve
Toutefois, ce statu quo est conditionné par une conjoncture nationale et internationale qui demeure volatile. Lors du dernier Conseil, Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, a souligné que l’activité économique a été relativement résiliente, mais devrait connaître une décélération sur l’horizon de prévision, pâtissant, notamment, des conditions monétaires restrictives. Quant à l’inflation, elle poursuit sa tendance baissière, avec toutefois une persistance de la hausse des prix des services dans les principales économies avancées.

Au niveau national, le contexte est marqué par la poursuite de la reprise des activités non agricoles. Une tendance qui devrait être soutenue à moyen terme par l’élan attendu de l’investissement tant public que privé. Quant au secteur agricole, il continue de subir les affres de la sécheresse et d’un stress hydrique sévère, ce qui se répercute sur la croissance économique.

En outre, la déclinaison des orientations du projet de Loi de finances 2025 ainsi que la poursuite des négociations dans le cadre du dialogue social pourraient se traduire par des impacts plus importants que prévu sur l’évolution de la demande et des prix.

Dans ces conditions, le régulateur bancaire s’attend à un ralentissement à 2,8% de la croissance économique pour cette année, avant de rebondir à 4,4% en 2025. De quoi réduire la valeur ajoutée agricole à 6,9% en 2024 avant une remontée à 8,6% en 2025, sous l’hypothèse d’une production céréalière moyenne estimée à 55 millions de quintaux. Ce qui implique qu’en 2024, une contraction de 6,9% de la valeur ajoutée agricole est attendue avant de progresser de 8,6% en 2025.

Cependant, la croissance non agricole, tirée principalement par les industries manufacturières et extractives ainsi que par les activités liées au tourisme, devrait continuer à s’améliorer, passant de 3,6% en 2023 à 3,9% en 2024 et en 2025.

Finances publiques
À la lumière de la transmission des dernières décisions du Conseil de BAM, force est de constater qu’au niveau des déficits jumeaux, les prévisions de la Banque centrale tablent sur un déficit budgétaire qui se situerait autour de 4,4% en 2024 avant de revenir à 3,9% du PIB en 2025. À noter que l’exécution budgétaire au titre des huit premiers mois de l’année fait ressortir une amélioration de 11,2% des recettes ordinaires, portée notamment par la performance notable des rentrées fiscales.

En parallèle, les dépenses globales se sont alourdies de 8,9% reflétant, en particulier, la progression des dépenses en biens et services et celles d’investissement. Pour ce qui est des conditions monétaires, le besoin de liquidité bancaire continuerait de se creuser passant de 111,4 milliards de dirhams (MMDH) à fin 2023 à 120,4 MMDH en 2024 et à 146,6 MMDH en 2025, tiré essentiellement par l’expansion de la monnaie fiduciaire.

Tenant compte de l’évolution attendue des activités non agricoles et des anticipations du système bancaire, la progression du crédit bancaire au secteur non financier s’accélérerait à 3,3% en 2024 et à 4,7% en 2025. S’agissant du taux de change effectif réel, il devrait enregistrer une légère appréciation de 0,7% en 2024, reflétant une augmentation en termes nominaux, partiellement compensée par une inflation domestique moins élevée que chez les principaux partenaires et concurrents commerciaux. En 2025, il devrait ainsi connaître une stabilité.

Abdellatif Jouahri
Wali de Bank Al-Maghrib

«Les projections indiquent une stagnation de l’inflation autour d’un taux de 2% au cours des huit prochains trimestres. Tenant compte, notamment, des changements annoncés concernant les subventions des prix des produits de base, et sous l’hypothèse d’une variation limitée à moyen terme des prix des produits alimentaires à prix volatils, l’inflation globale devrait décélérer de 6,1% en 2023 à 1,3% cette année avant de s’accélérer à 2,5% en 2025.»

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO



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