Maroc

Transport routier : les coûts de la discorde

Le report de deux ans de l’entrée en vigueur de la norme Euro 6 pour la catégorie des véhicules lourds n’aura aucune incidence sur le secteur. C’est ce qu’affirment les professionnels du transport routier, lesquels qualifient, par ailleurs, cette décision de contradictoire. Ces derniers comptent monter au créneau pour dénoncer le coût logistique qui impacterait lourdement leurs charges.

La voie vers la réduction des émissions nocives par les véhicules utilitaires s’avère longue et semée d’embûches. Et cela, alors que le Maroc s’est engagé sur la voie d’une transition énergétique dans tous les domaines, y compris le transport professionnel et de marchandises, à travers l’adoption de la norme Euro 6.

Il s’agit d’un ensemble de réglementations établies par l’Union Européenne pour limiter les émissions de gaz polluants, tels que les oxydes d’azote (NOx), les particules fines, le monoxyde de carbone (CO), et les hydrocarbures non méthaniques (HC). Cette norme, qui s’applique principalement aux véhicules à moteur thermique, qu’ils soient à essence ou diesel, vise à réduire leur impact néfaste sur la qualité de l’air.

Report de deux ans
C’est ainsi que le Royaume s’est aligné progressivement sur les standards internationaux antipollution. Pour rappel, l’homologation des véhicules neufs commercialisés sur le marché est entrée en vigueur le 1er janvier 2023. Les importateurs avaient bénéficié d’un délai d’un an pour liquider leurs stocks. Un délai qui a été rallongé de six mois, à la demande des importateurs.

Ainsi, la norme a été adoptée officiellement le 1er juillet 2024. Toutefois, cette disposition ne s’applique que pour les véhicules particuliers et utilitaires légers. Les autres types de véhicules ont, en effet, bénéficié d’une dérogation jusqu’au 1er janvier 2025.

Or, dans une note introductive, le ministère du Transport indique que l’application de la norme pour les véhicules de catégorie M2, M3, N1, N2, N3, sera repoussée de deux ans, en raison d’une conjoncture instable et volatile. Une mesure qui se justifie d’autant plus que l’inflation continue de sévir, et que l’introduction de cette norme implique un coût plus important, de 5 à 12%, en fonction du constructeur. Une dérogation qui semble émaner des transporteurs.

Ainsi, le programme «Safe Autocar» de renouvellement du parc est décalé. En effet, ce programme incite les professionnels du transport routier et de marchandises à se procurer des véhicules conformes aux nouvelles normes. Cette décision entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2027 pour ces catégories de véhicules.

À partir du 1er janvier 2028, aucune immatriculation ne pourra être enregistrée si elle ne ne répond pas à la norme exigée. Du côté des importateurs, l’introduction de cette norme nécessite une préparation. Certains ont d’ores et déjà pris des dispositions pour s’inscrire dans cette tendance. Selon un importateur, des véhicules utilitaires lourds conformes à l’Euro 6 se vendent déjà sur le marché marocain, mais à un flux qui demeure timide.

Les transporteurs haussent le ton
Pour leur part, les transporteurs routiers affirment n’avoir rien réclamé dans ce sens. Amer Zghinou, président de l’Association marocaine des transporteurs routiers intercontinentaux (AMTRI), atteste que les raisons évoquées sont dénouées de tout fondement.

«C’est simple, ce report est une manière déguisée de dire que des stocks des normes Euro 5 et 4 existent toujours auprès des constructeurs, et qu’il faudra les liquider. Pour s’engager dans des changements, on est fort, mais sur le terrain, c’est une autre paire de manches. Ce paradoxe n’a juste pas de sens. D’un côté, on veut réduire les émissions de carburants, et de l’autre, les véhicules ne répondant pas aux normes sont toujours commercialisés», s’indigne le président de l’AMTRI.

De plus, les transporteurs sont dans l’obligation de se plier aux standards internationaux. Le professionnel souligne qu’au niveau du transport international, pour disposer d’une autorisation pour entrer sur le territoire européen, les transporteurs sont dans l’obligation de se conformer aux normes exigées, dont l’Euro 6. Mieux, ils doivent signaler aux clients, les autres prestataires auxquels le transporteur a fait appel. Cependant, le professionnel a fait allusion aux difficultés rencontrées.

«Parmi les entraves les plus pesantes pour notre profession, il y a la réduction du coût du transport qui demeure un défi difficile à surmonter surtout face au mutisme et au manque d’implication de la tutelle. L’accès à la profession et l’application de l’indexation sont les principales revendications que nous avons formulées à plusieurs reprises. Mais les pouvoirs publics font fi de ces difficultés qui impactent lourdement le métier», reproche Zghinou.

Pour se faire entendre, les transporteurs routiers envisagent d’entreprendre un mouvement de protestation le 28 septembre prochain. Des grèves sont également prévues. Car il se trouve que le coût de la logistique pèse lourd sur les charges des transporteurs et leurs coûts de revient. Résultats des courses, les frais engagés dépassent largement le prix facturé. Les professionnels du secteur s’accordent à dire qu’il s’agit d’un problème structurel et non conjoncturel. Pour eux, l’absence de garde-fous et de protectionnisme aggrave davantage la situation.

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO

 


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