Souveraineté numérique : le Maroc peut y arriver, mais…
Le chemin vers une autonomie numérique n’est pas de tout repos. Pour y parvenir, l’IMIS recommande, dans son dernier Policy paper, d’identifier les domaines stratégiques permettant de poser les fondations solides d’une politique numérique souveraine et pragmatique, tenant compte des réalités du terrain et des limites auxquelles le Maroc est confronté.
Disposer d’une souveraineté numérique s’impose. L’Institut marocain d’intelligence stratégique (IMIS) s’est penché sur le sujet et a ainsi élaboré un Policy paper intitulé «Souveraineté numérique, le Maroc ne peut pas y échapper». Il y relate la manière dont le Royaume devrait progressivement construire et gérer cet outil stratégique.
L’état des lieux des actifs numériques stratégiques indique qu’au niveau des infrastructures en télécommunications, le bilan est sans conteste positif, bien que le pays accuse un certain retard dans le développement du cloud.
Pour parvenir à développer une autonomie en la matière, l’IMIS a scindé ses recommandations en cinq axes, à savoir gouverner, innover, réglementer, orienter et naviguer.
Axes de recommandations
En termes de gouvernance, l’IMIS recommande d’associer l’ensemble des acteurs pertinents à la détermination de la stratégie de souveraineté. Dans ce sens, il propose un cadre de gouvernance qui concentre les moyens au service de l’objectif commun de souveraineté numérique. Les acteurs impliqués dans cette transformation sont multiples, et ont besoin, pour chacun d’entre eux, d’une place claire pour délivrer efficacement les résultats attendus.
Devant la multiplicité des acteurs impliqués, il est nécessaire de poser clairement les rôles et les responsabilités via une méthode RACI univoque : Responsible (réalisateur), Accountable (approbateur), Consulted (consulté), Informed (informé). Il s’agit également de passer d’un modèle où on rend compte à un modèle dans lequel on collabore. L’autre axe d’amélioration réside dans l’innovation en faisant émerger les lions numériques souverains.
Pour y parvenir, il s’avère primordial de capitaliser sur les actifs numériques d’aujourd’hui et de faire émerger les startups numériques marocaines de demain. Il s’agit, in fine, de favoriser l’enrichissement des actifs numériques d’importance vitale (ANIV) futurs. Il convient donc de déterminer au préalable les secteurs présentant des intérêts clés pour le Maroc afin d’y investir prioritairement.
Au regard des avantages comparatifs du Royaume, les domaines les plus porteurs sont le développement de systèmes d’exploitation et de logiciels open source, et le numérique de demain, à savoir l’intelligence artificielle et l’informatique quantique, la cybersécurité et l’écosystème des callcenters.
Pour ce faire, il faut activer les leviers de financement, notamment privés. Une fois les cibles d’investissement identifiées, il y aura lieu de déterminer l’accompagnement public adéquat.
Renforcer l’arsenal juridique est également un impératif avec «l’adaptation du corpus réglementaire en fonction des ruptures technologiques, géopolitiques et économiques. Ces lois peuvent être issues des travaux internes du Parlement, mais peuvent également émerger sur proposition, par exemple, du responsable ministériel en charge de la gouvernance de la stratégie digitale nationale. Les besoins sont directement remontés du terrain et des praticiens du numérique», dixit l’IMIS.
Dans le même sillage, il est préconisé de mettre au point la loi organique de souveraineté numérique, une loi organique étant une loi relative à l’organisation des pouvoirs administratifs. Par ailleurs, l’autre axe clé des recommandations reste l’orientation. Le Policy paper met l’accent sur l’évaluation continue et régulière des politiques publiques qui reste un principe fondamental pour garantir la réussite de l’ensemble du dispositif. Il est aussi question d’auditer les infrastructures et les systèmes d’information critiques publics et privés. Naviguer figure en dernier lieu. Il s’agit d’analyser et mettre en cohérence les stratégies numériques nationales, tout en évaluant les bénéfices escomptés.
Autrement dit, il est nécessaire de décliner les bénéfices au travers d’une cartographie apte à apparier chaque programme de transformation à un ou plusieurs bénéfices recherchés. In fine, les experts s’accordent à dire que la conquête de la souveraineté numérique demeure atteignable pour le Maroc. Toutefois, l’orientation appropriée à définir repose sur le fait que le Royaume se doit de devenir le champion numérique souverain africain, de rester à bord du train numérique et de créer son propre chemin numérique.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO