France : une fronde inédite après l’adoption de la réforme sur l’immigration
Des organisations de défense des étrangers vont saisir le Conseil constitutionnel pour tenter de faire invalider certaines mesures du projet de loi sur l’immigration adopté mardi, a annoncé mercredi la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), qui regroupe plus de 900 associations. Le collectif «engage dès maintenant les démarches nécessaires à l’examen par le Conseil constitutionnel des mesures contraires aux principes fondamentaux de solidarité et de fraternité indissociables de notre République», indique un communiqué.
Le projet de loi adopté définitivement mardi soir à l’issue d’un parcours chaotique d’un an et demi, «n’apporte aucun élément de maîtrise de l’immigration », mais au contraire « un déchainement de mesures qui vont déstabiliser radicalement la vie des personnes étrangères», estime Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS).
Les associations représentées par sa fédération (plus de 900) penchent sur une saisine des Sages concernant plusieurs mesures du texte introduites par la droite, notamment celles concernant l’hébergement d’urgence, dont
«l’inconditionnalité de l’accueil a été remis en cause et pourrait pousser de nombreuses personnes à la rue», a expliqué le diplomate, ancien patron de l’OFPRA, l’agence du ministère de l’Intérieur chargée d’attribuer le statut de réfugié.
L’attribution des prestations sociales comme l’APL (aide personnalisée pour le logement) ou les allocations familiales, dont les conditions ont été largement durcies, «semblent relever de la préférence nationale», a-t-il encore illustré.
«Résistance constructive»
Le gouvernement, par la voix de la Première ministre Elisabeth Borne, a reconnu mercredi que certaines dispositions pouvaient être contraires à la Constitution. C’est pourquoi le texte sera transmis dès mercredi au Conseil constitutionnel, a indiqué le porte-parole du gouvernement Olivier Véran. Face à une loi qui entérine le rétablissement du délit de séjour irrégulier, remet en cause l’automaticité du droit du sol pour les enfants nés en France ou encore conditionne l’accès à certaines prestations sociales, les associations entrent en «résistance constructive», a annoncé le président de la FAS. Plusieurs dizaines d’acteurs de la société civile, associations, syndicats (CGT, CFDT…) et ONG doivent se réunir mercredi soir à la Bourse du travail, à Paris, « pour travailler et réfléchir ensemble à la suite de la mobilisation», a confirmé Delphine Rouilleault, directrice générale de France terre d’asile, une association opératrice de l’État. Dans un entretien à Ouest-France, la N.1 de la CGT Sophie Binet a appelé «à la résistance contre cette loi, et faire en sorte qu’elle ne s’applique jamais». «La majorité s’est compromise en reprenant les propositions de l’extrême droite», a dénoncé dans un communiqué la présidente de l’association, l’ancienne ministre socialiste Najat Vallaud-Belkacem.
Indignation collective
Le texte «bafoue plusieurs des principes sur lesquels est fondée notre République : égalité, respect de l’état de droit, solidarité et humanité…», a réagi dans un communiqué la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH). «Avant même que le Conseil Constitutionnel fasse un utile rappel à l’ordre de ces principes (…), la CNCDH, dans sa mission de conseil indépendant des pouvoirs publics, élève à l’encontre de la loi votée le 19 décembre une grave alerte», souligne-t-elle. «Résistons !», ont également appelé dans un communiqué les quelque 700 chercheurs spécialisés de l’Institut convergences migrations.
Pour eux, le texte adopté mardi est «le plus répressif jamais voté en France depuis la Seconde guerre mondiale sur l’immigration». Même indignation à la Fondation Abbé Pierre qui dénonce, avec une quarantaine d’associations des secteurs du logement et de l’hébergement d’urgence, «une atteinte sans précédent à un principe de solidarité, consistant à héberger toutes personnes en détresse». «La loi risque de précipiter des dizaines de milliers de personnes supplémentaires dans des bidonvilles, vers les marchands de sommeil, l’habitat indigne et d’alimenter le nombre de personnes à la rue faisant appel au 115, en vain», alerte un communiqué.
S.N / Les Inspirations ÉCO