NJ Ayuk : «La transformation du gaz en électricité est l’avenir économique et industriel de l’Afrique.»
À l’occasion du sommet pour un nouveau pacte mondial de financement, qui vient de se tenir à Paris, NJ Ayuk, président exécutif de la Chambre africaine de l’énergie, a plaidé afin que le gaz naturel fasse partie des discussions. Pour les professionnels africains du secteur, le développement du continent est intimement lié à la transformation en électricité de ses ressources énergétiques, à l’instar du gaz.
Des dizaines de nations africaines dépendent des hydrocarbures pour financer à peu près tous les services qu’elles fournissent
Quelque part à l’intersection de l’argent et du climat, se trouvent plus de 600 millions d’Africains qui n’ont pas accès à l’électricité. 890 millions de personnes qui ne disposent pas de méthodes de cuisson propres, des dizaines de nations africaines qui dépendent des hydrocarbures pour financer à peu près tous les services qu’elles fournissent. Tout cela, alors que le développement industriel du continent ne peut pas avancer s’il n’est pas alimenté par des combustibles fossiles. Pourtant, cette semaine, les hommes politiques, les experts bancaires, les dirigeants de groupes de la société civile et d’autres personnes qui se réunissent à cette intersection – lors d’un événement de deux jours organisé par le président français Emmanuel Macron et intitulé «Sommet pour un nouveau pacte mondial de financement» – proposent un ordre du jour qui semble mettre en veilleuse le financement des projets de gaz naturel en Afrique. C’était pourtant la solution présumée à de nombreux problèmes de pauvreté du continent, sans mauvais jeu de mots.
Pour un pays pauvre, dont la solvabilité est risquée, le chiffre se situe plutôt autour de 14%
La vérité est que nous avons besoin d’un nouveau système financier mondial. Ce n’est un secret pour personne que les pays pauvres ont plus de difficultés que les pays riches à obtenir des financements pour des projets de développement qui soutiennent la croissance économique et sociale, et quand ils y parviennent, le coût de l’argent est considérablement plus élevé, voire stupéfiant dans certains cas. Il n’est pas rare que les pays riches empruntent des capitaux à des taux d’intérêt aussi bas que 1% ; pour un pays pauvre dont la solvabilité est risquée, le chiffre se situe plutôt autour de 14%.
Depuis le début de la pandémie, la situation s’est encore aggravée. La dette mondiale a fortement augmenté et, du fait de ces emprunts supplémentaires, les pays en développement et les pays à faible revenu ont de plus en plus de mal à rembourser leurs dettes. En conséquence, ces pays sont entrés dans un cercle vicieux de vulnérabilité, incapables de développer leurs économies ou, comme l’ont souligné les Nations unies et les participants au sommet, d’atteindre leurs Objectifs de développement durable (ODD). Être en mesure d’uniformiser les règles du jeu et de créer de nouvelles sources de financement est un objectif honorable et peut-être trop tardif.
Les pays en développement ont besoin d’investissements dans les infrastructures vertes
Par ailleurs, les pays en développement ont besoin d’investissements dans les infrastructures vertes. Les pays africains en ont besoin, et l’accueillent favorablement. C’est la formulation manquante de ces piliers qui me préoccupe, car je crains une fois de plus que la voie mondiale vers le zéro net ne fasse fi des projets de gaz naturel africains. Des préoccupations financières valables, jusqu’à un certain point. (…). Pour soutenir véritablement les pays en développement, les pays riches doivent accepter cette réalité. Malheureusement, ce n’est pas ce que nous constatons. Au cours de la période précédant le sommet, les appels se sont multipliés pour que les prêteurs de tous types réévaluent et reconfigurent leurs portefeuilles. Les grandes banques nationales africaines ne sont pas en reste (…).
Ce n’est pas le moment de tourner le dos au gaz
Une fois de plus, le problème est que l’agenda vert ignore l’importance du gaz naturel pour apporter au continent une prospérité qui change la vie, sous la forme d’emplois, d’opportunités commerciales, de renforcement des capacités et, oui, d’électricité. La transformation du gaz en électricité n’est rien de moins que centrale pour l’avenir économique et industriel de l’Afrique. Alignée sur l’Objectif de développement durable 7.1 des Nations unies, l’initiative pour une transition énergétique juste et abordable en Afrique (AJAETI) espère tirer parti du gaz naturel pour fournir une énergie abordable à 300 millions d’Africains au cours des quatre prochaines années et pour les faire passer à des combustibles de cuisson propres. En outre, elle espère augmenter de 25% l’accès à l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables au cours de la même période. Quant à l’industrialisation dont l’Afrique a tant besoin, nous savons tous qu’elle n’est pas possible uniquement grâce à l’énergie éolienne ou solaire, du moins avec les technologies disponibles aujourd’hui.
Donner la priorité au financement de projets verts ne fonctionnera pas pour l’Afrique si cela laisse dans le sol des ressources qui pourraient être utilisées pour sortir les gens de la pauvreté
Comme je l’ai écrit à maintes reprises, nous ne pouvons pas laisser l’agenda vert d’autres nations ignorer ou rejeter nos besoins et priorités uniques. Donner la priorité au financement de projets verts ne fonctionnera pas pour l’Afrique si cela laisse dans le sol des ressources qui pourraient être utilisées pour sortir les gens de la pauvreté. Nous ne pouvons espérer atteindre les Objectifs de développement durable des Nations Unies sans accès à l’énergie, et nous devons exploiter le pétrole et le gaz naturel pour y parvenir.
En outre, comme l’a rappelé Maggy Shino, commissaire namibienne chargée du pétrole, lors de la COP27, les promesses antérieures des pays riches de travailler aux côtés de l’Afrique pour financer les énergies propres n’ont pas été tenues. «Si vous nous dites de laisser nos ressources dans le sol, vous devez être prêts à offrir une compensation suffisante, mais je ne pense pas que quelqu’un se soit encore manifesté pour faire une telle offre», a-t-elle déclaré. Le fait est que les ressources africaines offrent une voie vers un avenir plus vert et plus prospère, et pas seulement pour l’Afrique. C’est là que l’intersection de l’argent et du climat représente le meilleur des mondes.
Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO