Salaire minimum : les revalorisations, pas toujours efficaces
Le salaire minimum sera revalorisé de 5% le mois prochain suite au dialogue social. Une autre augmentation de 5% interviendra en septembre 2023. Ces revalorisations vont octroyer du pouvoir d’achat aux ménages qui doivent composer avec une inflation élevée. Cependant, la hausse du SMIG n’a pas que des effets positifs. Elle est susceptible de pénaliser l’investissement privé et l’emploi, surtout des jeunes.
Face à une inflation bien trop vigoureuse, les revendications salariales se font, elles aussi, plus fortes. Economiquement, l’évolution de la rémunération doit refléter celle de la productivité et de l’inflation. Mais, dans la réalité, elle est souvent l’aboutissement de négociations dont les résultats, souvent en décalage par rapport aux déterminants fondamentaux, sont, entre autres, déterminés par les rapports de force.
Après une contraction de près de 5% en 2020, la productivité apparente du travail dans les secteurs non agricoles s’est redressée de 4,2%. Par contre, les salaires ont suivi des trajectoires différentes. Dans le secteur privé, ils ont augmenté de 3,2% en 2020, malgré le choc pandémique, avant de reculer de 1,2% en termes nominaux et de 2,5% en termes réels l’année dernière. En revanche, les salaires ont progressé de 1,8% et 0,4%, respectivement, dans la fonction publique.
Hausse de 5% en septembre 2022
En réponse à la cherté du coût de la vie, une revalorisation de 5% du SMIG et du SMAG interviendra en septembre prochain. Une deuxième hausse de 5% est programmée en septembre 2023. Le salaire minimum dans la fonction publique passera de 3.000 DH à 3.500 DH. Si ces revalorisations permettent d’octroyer du pouvoir d’achat aux ménages, les effets sur l’économie ne sont pas que positifs. En tenant compte des ajustements opérés entre 1999 et 2019, le gain de pouvoir d’achat lié à une augmentation de 5% du SMIG entraîne une hausse de 0,2% de la consommation, selon les résultats d’une étude des économistes de Bank Al-Maghrib.
Cela dit, pour les entreprises, la hausse des coûts salariaux n’est que partiellement résorbée par les gains de productivité, ce qui entraîne une contraction de l’investissement dans des proportions semblables à la réaction de la consommation.
Par ailleurs, «une hausse du SMIG nominal de 5% entraîne une augmentation cumulée de 1,24% du salaire réel non agricole au bout de cinq trimestres et une hausse du chômage national de moins de 0,1%», relèvent les auteurs de l’étude.
Les effets sur le chômage des jeunes sont plus marqués. Cela s’explique par la faible qualification des jeunes Marocains et leur manque d’expérience, ce qui réduit leur capacité à stimuler leur productivité suite à une hausse du salaire minimum. Pour les décideurs, le vrai défi est de définir le seuil approprié du SMIG. En outre, ils devraient considérer d’autres leviers complémentaires tels que la qualité des prestations sociales accordées aux employés, les incitations fiscales et le climat des affaires dont bénéficient les employeurs.
Franck Fagnon / Les Inspirations ÉCO