Faculté de droit : un système à accès régulé s’impose
Mohammed Bouzlafa, doyen de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de l’USMBA de Fès partage sa vision sur les défis liés à la massification des facultés à accès ouvert et aux prérequis nécessaires pour s’adapter aux orientations du Nouveau modèle de développement.
La Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales (FSJES) est l’une des entités les plus sollicitées de l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah (USMBA) de Fès. Ceci s’explique, essentiellement, par le fait que les formations qu’elle propose permettent aux étudiants d’envisager de nombreuses perspectives professionnelles, que ce soit en droit, économie ou gestion.
Par ailleurs, il faut noter que la majorité des étudiants optent pour la licence fondamentale en droit, dispensée en langue arabe, du fait de leurs lacunes linguistiques en français ou en anglais. Des raisons qui engendrent une augmentation considérable du nombre des étudiants au sein de la FSJES, cette dernière étant d’accès ouvert.
«Cette massification cristallise davantage le problème de la non-qualité et nous interpelle pour élaborer une stratégie d’ajustement afin de réguler l’accès aux facultés de droit», estime Mohammed Bouzlafa, doyen de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Fès.
Équation complexe
Une gestion de cette massification (enseignement, travaux dirigés, encadrement, examens, etc.) nécessite une logistique appropriée. «C’est pourquoi nous essayons, malgré l’insuffisance des ressources, de mettre en place un système de gestion intégré fondé sur une approche systématique, et focalisé sur des technologies de l’information en vue de réduire la présence des étudiants sur le campus de la faculté», précise Bouzlafa.
Soulignons que la pandémie de Covid-19 a accéléré la mise en place d’un environnement numérique au sein de la faculté. Des services en ligne dédiés aux étudiants, aux professeurs-chercheurs et à la gestion des ressources humaines sont déjà opérationnels, sans oublier les plateformes d’enseignement en ligne qui constituent un recours par excellence pour les étudiants afin de consulter les notes de cours, les documents et les enregistrements déposés par leurs professeurs. Ce sont des efforts soutenus qui ont été entrepris au niveau de la pédagogie numérique.
«Présentement, notre faculté offre des formations hybrides. Nous avons établi des procédures de validation des cours ou des contenus pédagogiques à travers un service à cet effet que l’établissement offre à ses étudiants», explique le doyen. L’objectif principal est de concevoir un nouveau mode d’adaptation entre le cours en présentiel ou en ligne et le travail personnel de l’étudiant. De cette façon, ce dernier devient plus autonome et en mesure de créer une nouvelle configuration innovante de formation.
De plus, pour faire face aux défis liés à la densification, le fait de disposer d’une infrastructure physique suffisante, adaptée et optimisée est primordial. Dans ce cadre, depuis sa nomination au poste de doyen, en avril 2019, Bouzlafa a lancé, dans le cadre de la nouvelle vision structurelle que connait le campus de l’Université, pour la première fois depuis sa création il y a 40 ans, une opération de réaménagement.
Opération qui vise à renforcer et à moderniser les infrastructures de la faculté, à améliorer les services de proximité et à créer de nouveaux espaces de formation et d’appui social aux étudiants. Les travaux entrepris ont porté, d’abord, sur la réfection de certains amphithéâtres bâtis depuis la création de la FSJES en 1975 et la construction de trois nouveaux amphithéâtres ainsi que d’une annexe comportant huit salles d’études. Ils ont également concerné le réaménagement et la création d’espaces visant à répondre aux enjeux pédagogiques et professionnels.
Il s’agit ici des espaces alloués au soft skills, à la clinique juridique, au tribunal pédagogique et au centre étudiant-entrepreneur. De telles réalisations permettent à la faculté de s’adapter aux besoins et aux spécificités des étudiants, de soutenir leur implication et leur autonomisation. Elle permettent aussi de rattacher la faculté à son milieu social et son environnement, ce qui favorise la coopération et le partenariat sur le plan local, régional, national, voire international. Par ailleurs, la faculté a connu aussi la rénovation des bureaux dédiés à l’administration avec une nouvelle architecture adaptée aux normes et aux besoins du décanat.
«C’est un espace qui reflète la visibilité de l’administration et même, au-delà, montre le dynamisme et renforce l’approche communicative et la bonne gouvernance pour gérer un établissement dont le nombre d’étudiants dépasse les 38.000». D’autres travaux ont porté sur l’amélioration des services informatiques, le renforcement de l’éclairage public, la création de zones de verdure, l’aménagement des parkings et l’implantation des panneaux d’indication.
S’adapter aux orientations du Nouveau modèle de développement
Partant de son expérience académique en tant que professeur de droit privé, coordonnateur de filières, chef de département et doyen de la FSJES de l’USMBA, Bouzlafa estime que les prérequis nécessaires pour s’adapter aux orientations du NMD reposent d’abord sur la stimulation de l’élément humain en encourageant, financièrement et de manière significative, les ressources humaines dans les établissements universitaires.
À titre d’exemple, cette stimulation doit se manifester par l’augmentation conséquente des salaires des enseignants-chercheurs -qui stagnent depuis plus de vingt ans- et par l’adoption rapide du projet de statut de leur corporation. Il serait également important de penser à une délimitation des établissements universitaires à accès ouvert, surtout au niveau des facultés de droit, lesquelles connaissent une augmentation remarquable des étudiants inscrits chaque année.
Dans ce cadre, Bouzlafa estime pertinent de réaliser une évaluation sectorielle et globale du système universitaire à accès ouvert. Cette dernière permettrait de repérer l’impact de la surpopulation dans certains établissements de ce type sur la formation académique, la recherche scientifique, la gouvernance et l’innovation.
L’adoption d’un système à accès régulé, principalement pour accéder aux facultés de droit, permettrait ainsi de lutter contre la déperdition universitaire et d’assurer un enseignement supérieur de qualité, véritable moteur du développement de notre pays. En effet, cette surpopulation, aggravée par le faible budget alloué au système à accès ouvert, engendre une dégradation de la capacité d’accueil des universités et un sous-encadrement. Et, partant, cette situation financière insuffisante conduit à une inefficience des formations et, in fine, au décrochage.
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO Suppléments