Taxe sur les produits contenant du sucre : un effet contre-productif ?
Alors que le gouvernement se penche sur l’application de la Taxe intérieure de consommation (TIC) sur les produits industrialisés contenant du sucre, la FENAGRI a estimé que cette mesure aura un impact contre-productif, En effet, cette mesure, qui porte sur un quart de la quantité de sucre consommée de manière directe sur le plan national, profitera surtout au secteur informel. Détails.
Au cours des cinq dernières années, la subvention moyenne de sucre à la consommation s’est établie à 3,4 MMDH pour une consommation moyenne annuelle de l’ordre de 1,2 million de tonnes. En pourcentage, 25% de cette quantité est destinée, selon le ministère de l’Économie et des finances, aux industries agroalimentaires.
Il va sans dire que la totalité de cette subvention est comptabilisée sans prendre en considération l’appui forfaitaire à l’importation de sucre brut lors de l’augmentation des prix à l’international. A cela s’ajoute la croissance exponentielle de l’importation de certains produits contenant du sucre qui ont bénéficié de la libération totale des taxes d’importation dans le cadre des différents accords commerciaux avec le Maroc. C’est dire les facteurs qui ont motivé l’application de la Taxe intérieure de consommation (TIC) sur les produits alimentaires contenant du sucre.
Le but de cette taxe, qui a fait l’objet de discussions, mercredi dernier, à Rabat, conjointement par la Commission des finances et du développement économique à la Chambre des représentants et la Commission des finances, de la planification et du développement économique à la Chambre des conseillers, vise la récupération de la subvention précitée en faveur des catégories vulnérables et pauvres, mais aussi le souci de préserver la santé des citoyens.
Du côté du gouvernement, cette mesure s’inscrit dans le cadre de l’engagement pris devant les deux commissions du Parlement lors de l’examen du projet de loi de Finances 2022 et l’élargissement de l’assiette d’application de la TIC sur les produits industrialisés contenant du sucre. Pour la profession, notamment la Fédération nationale de l’agroalimentaire, par abréviation «FENAGRI», cette TIC générera, au cas où elle sera appliquée, un effet contre-productif surtout au bénéfice de l’informel au détriment du secteur formel.
Les arguments de la FENAGRI
Selon la FENAGRI qui a été présente à cette rencontre, cette mesure préconisée freinera le développement du secteur de l’IAA sans qu’elle permette les résultats escomptés. Il s’agit aussi de l’augmentation des prix de vente des produits industrialisés contenant du sucre tout en sachant que les prix de ces produits marqués par une élasticité des prix n’ont pas n’a connu de changement depuis plus d’une décennie.
En chiffres, seulement 25% de la consommation nationale de sucre est utilisée dans la fabrication de produits industriels, alors que 75 % représentent le sucre de bouche. Il est directement consommé via le thé, le café ainsi que les pâtisseries. De ce fait, selon la FENAGRI, la TIC proposée cible un quart de la quantité de sucre consommée au niveau national à travers les produits industrialisés contenant du sucre. De surcroît, la taxe risque aussi de pousser les industriels à s’orienter vers des matières chimiques, à la place du sucre, chose qui impactera davantage la santé des consommateurs.
Pour la FENAGRI, l’obésité au Maroc n’est pas seulement liée à la consommation de sucre, mais elle est attribuable aussi à de nombreux facteurs liés au système alimentaire adopté, à la sédentarité et à l’inactivité physique. Partant de ce constat, les professionnels ont présenté plusieurs propositions, notamment le plafonnement du pourcentage de sucre selon le produit alimentaire fabriqué via l’instauration d’une norme obligatoire qui permettra de contenir l’utilisation du sucre dans les produits alimentaires transformés.
Il s’agit aussi de la réduction du taux de sucre utilisé dans les produits fabriqués au cours des cinq prochaines années en poursuivant la recherche et l’innovation pour mettre sur le marché des produits alimentaires locaux. Il est question aussi de procéder à la création d’un fonds public-privé pour sensibiliser les consommateurs à l’adoption d’un mode de vie sain et équilibré en lançant des campagnes de sensibilisation sur l’éducation nutritionnelle et la promotion de l’activité physique.
Le manque à gagner en termes de recettes
Par ailleurs, après avoir abandonné la récupération de la subvention forfaitaire dédiée au sucre raffiné des IAA non destinées à l’export, exception faite des boissons gazeuses et non gazeuses en 2007, les redevances générées, selon le ministère de l’Économie et des finances, sont passées d’une moyenne de 400 MDH/ an entre 1999 et 2006 à 70 MDH/an entre 2019 et 2021.
En effet, suite à l’augmentation de la TIC à hauteur de 50% sur les boissons non alcoolisées en 2019, cette taxe a enregistré une augmentation pour se situer actuellement à 497,5 MDH contre 292 MDH en 2016. Pour rappel, l’instauration d’une taxation graduelle sur les boissons non alcoolisées a été instaurée conformément aux dispositions de l’article 5 de la loi de Finances n° 80-18 pour l’année budgétaire 2019. La quotité de la taxe intérieure de consommation appliquée aux boissons contenant du sucre a été augmentée de 50%, afin de limiter la consommation des boissons sucrées et inciter les producteurs de ce type de boissons à réduire la teneur en sucre dans leurs produits.
Dans le même objectif, la mesure instaurée par la loi de Finances pour l’année budgétaire 2020 avait pour objectif de mettre en place un système de taxation progressive au titre de la Taxe intérieure de consommation applicable aux boissons non alcoolisées sucrées selon leur teneur en sucre.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO