Hausse des prix : le ferme rappel à l’ordre du Conseil de la concurrence aux transporteurs
Se basant sur la hausse des prix du pétrole dans le monde, les transporteurs marocains ont créé une vive polémique en annonçant récemment une hausse de leurs tarifs de 20%, avant de se raviser. Le rappel à l’ordre du Conseil de la concurrence ne s’est pas fait attendre malgré le rétropédalage des professionnels.
L’augmentation des prix du pétrole de 70 dollars en décembre à près de 100 dollars commence à inquiéter le monde entier. Les effets négatifs de cette flambée, induite notamment par les interruptions de production en Libye, au Nigéria, en Angola, en Équateur et, plus récemment, au Canada en raison du froid extrême, ainsi que les récentes tentions entre la Russie et les Occidentaux au sujet de l’Ukraine, sont déjà palpables. Et le Maroc, qui dépend du marché international, n’est pas à l’abri de cette hausse qui n’épargne personne. C’est dans ce contexte d’ailleurs que l’Association marocaine de transport et de la logistique (AMTL) a annoncé récemment une hausse de 20% des tarifs de ses membres expliquant que la flambée des prix du gasoil dépasse largement le plafond des 10 DH le litre. Une mesure mort-née puisque 24h après cette annonce, qui n’a pas manqué de provoquer une vive polémique, les transporteurs, représentés par la Fédération nationale du transport multimodal (FNTM), affiliée à la CGEM, sont revenus sur leur décision.
«Suite au communiqué du lundi 14 février 2022 déclarant une hausse du tarif du transport de marchandises de 20% due à la flambée du prix du gasoil, l’AMTL informe ses membres d’annuler ladite augmentation», explique l’association.
Avant d’ajouter que l’AMTL est actuellement en pourparlers avec les autorités gouvernementales compétentes afin de «trouver une solution optimale aux problèmes rencontrés par les transporteurs». «Nous avons reçu un appel du président de la CGEM qui nous a annoncé qu’une rencontre sera tenue avec les ministères concernés», a fait savoir le président de cette organisation, Mohammed Jaâbak.
Dans tous les cas, les transporteurs n’avaient pas le choix, semble-t-il. Les syndicats professionnels n’ont pas à se substituer à la loi du marché pour fixer les prix qui leur conviennent, rappelle le Conseil de la concurrence. «Il est interdit aux opérateurs de se mettre d’accord pour augmenter ou de baisser les prix d’un seul coup, tout comme il est strictement interdit aux structures qui les fédèrent de donner des indications d’augmentation ou de baisse des prix», explique le président du Conseil de la concurrence, Ahmed Rahhou.
Reste à savoir si cette «faute lourde» va entraîner des conséquences. Le rétropédalage des professionnels intervient dans un contexte de reprise des hausses du prix du pétrole, mercredi, après une chute des cours la veille, reflétant notamment une offre d’or noir qui reste insuffisante face à la demande croissante. Mardi, les cours avaient chuté de plus de 4%, la plus importante baisse quotidienne depuis fin novembre 2021, poussés par des signes de désescalade dans la crise ukrainienne. Si la Russie a annoncé le début d’un retrait de ses troupes massées à la frontière avec l’Ukraine, la désescalade reste encore très fragile. Les autorités ukrainiennes ont affirmé, mardi soir, qu’une cyberattaque avait visé les sites du ministère de la défense et des forces armées du pays, ainsi que les banques Privatbank et Ochtchabank. Le Centre gouvernemental pour les communications stratégiques et la sécurité de l’information a aussitôt pointé du doigt la Russie.
Dans la même foulée, les États-Unis ont annoncé que la reconnaissance par la Russie de l’indépendance des territoires séparatistes en Ukraine constituerait une «violation grossière du droit international». «Une mise en vigueur de cette résolution saperait davantage la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine», a également dénoncé le secrétaire d’État américain. En attendant la suite des négociations entre le gouvernement et les transporteurs, le Maroc, qui importe tous les produits pétroliers dont il a besoin, reste encore exposé aux fluctuations du marché mondial des hydrocarbures. À fin décembre, la facture énergétique a augmenté de 51,6%. Cette évolution est due à la hausse des approvisionnements en gasoil et fuel (+12.653 MDH) tributaire de l’accroissement des prix de 38,5% (5.193 DH/t à fin décembre 2021 contre 3.749 DH/t un an auparavant), conjugué à l’élévation des quantités importées de 11,4% (6.927 Mt à fin décembre 2021 contre 6.219 Mt à fin décembre 2020). Les importations de ce produit à fin décembre 2021 demeurent, toutefois, inférieures à celles affichées à fin 2018 et fin 2019.
Khadim Mbaye / Les Inspirations ÉCO