Maroc

Jean Pierre Elong Mbassi: « L’Oriental se révèle être l’une des têtes de pont de la construction de l’Afrique des régions »

M.  Jean Pierre Elong Mbassi
Secrétaire général de l’Organisation panafricaine cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLU Afrique)

Dans cette interview, Jean Pierre Elong Mbassi, Secrétaire général de CGLU Afrique, revient, non seulement sur la genèse de cette organisation panafricaine, mais aussi sur l’appui accordé par le Maroc au Sommet des Africités. Il nous révèle aussi l’histoire, inconnue du grand public, de l’installation du siège de CGLU Afrique à Rabat, et donne son point de vue sur le modèle marocain et la place qu’accorde l’Oriental à la coopération Sud-Sud.

Depuis plus d’une décennie et demie, CGLU Afrique prône une Afrique des régions. Comment est née cette organisation panafricaine et pourquoi avoir fixé son siège à Rabat ?
CGLU Afrique résulte de la réunification de trois regroupements de collectivités territoriales du continent, suivant la langue officielle héritée de la colonisation, anglophone (African union of local authorities, AULA), francophone (Union des villes africaines, UVA), et lusophone (Unao dos ciudades y capitales lusofono africana, UCCLA). Cette décision a été prise en 2003, lors de la 3e édition du Sommet Africités, tenue à Yaoundé, au Cameroun. Ces sommets constituent la plus importante plateforme africaine de dialogue sur la décentralisation et la gouvernance des collectivités territoriales.

Ils sont organisés tous les trois ans dans les différentes régions d’Afrique. À Yaoundé, les trois regroupements ont convenu de créer une seule organisation panafricaine des collectivités territoriales et de tenir son congrès fondateur, en mai 2005, à Tshwane, en Afrique du Sud. Les maires et élus locaux, réunis lors du Sommet Africités de Yaoundé, ont, également, décidé que la première présidence de cette nouvelle organisation panafricaine irait à l’AULA, que la vice-présidence incomberait à l’UCCLA, et que le siège reviendrait à l’UVA. Il a été recommandé, par ailleurs, d’ouvrir immédiatement des négociations avec le Maroc, dans la perspective d’accueillir le siège de l’organisation à Rabat.

Lors du congrès de 2005, et en attendant que l’accord relatif au siège soit conclu avec le gouvernement du Maroc, il a été décidé d’établir, provisoirement, le secrétariat de CGLU Afrique à Tshwane. Mais, lorsqu’en 2007, le comité exécutif de CGLU Afrique a convenu de relocaliser son secrétariat à Rabat, son président s’est opposé à l’exécution de cette décision sous prétexte que le Maroc, n’étant pas membre de l’Union Africaine, ne pouvait accueillir une organisation panafricaine. D’où une crise profonde qui a abouti à la quasi-scission de l’organisation puisque, de 2007 à 2012, CGLU Afrique s’est retrouvé avec deux secrétariats, l’un officiel, basé à Rabat, au Maroc, l’autre dissident, basé à Prétoria, en Afrique du Sud. Il a fallu attendre près de cinq ans d’intenses négociations et la mobilisation de quelques bonnes volontés pour réaliser le retour à l’unité lors du sommet qui s’est tenu en 2012, à Dakar, au Sénégal. Depuis, Rabat est unanimement reconnu comme le siège de CGLU Afrique qui jouit, au Maroc, du statut diplomatique, en tant qu’organisation internationale panafricaine.

Le royaume du Maroc a accueilli deux éditions des Africités. Quelles en furent les retombées sur la coopération Sud-Sud ?
Le Maroc a accueilli deux éditions du Sommet Africités. La première fois à Marrakech, en 2009, à l’occasion de sa cinquième édition. Marrakech bouclait alors le premier cycle de la tenue des Sommets Africités dans les différentes régions d’Afrique, après la première édition de 1998, à Abidjan, Côte d’Ivoire, en Afrique de l’Ouest. Pour rappel, la deuxième édition a eu lieu en 2000 à Windhoek, Namibie, en Afrique Australe, la troisième en 2003, à Yaoundé, Cameroun, en Afrique Centrale et la quatrième édition en 2006, à Nairobi, Kenya, en Afrique de l’Est. L’édition de Marrakech a offert l’occasion aux maires et leaders des collectivités territoriales d’Afrique de proposer au monde la vision de l’Afrique en vue de sortir de la crise mondiale. Laquelle vision est axée sur la promotion du développement local durable et de l’emploi décent. C’est lors de ce sommet que les participants ont émis trois propositions majeures qui vont changer le cours de la coopération Sud-Sud entre collectivités africaines. Il s’agit, tout d’abord, de la mise en place à Rabat, en 2009, de l’Académie africaine des collectivités territoriales (ALGA, de son acronyme anglais, African local government academy). A cela, s’ajoutent le lancement du Réseau des femmes élues locales d’Afrique (REFELA) à Tanger, au Maroc, en mars 2011 ainsi que la proposition de création d’un Fonds africain d’appui à la coopération décentralisée, qui sera mis en place par le gouvernement marocain en 2019.

En novembre 2018, le Maroc a donc accueilli à Marrakech, pour la deuxième fois, le Sommet Africités, en remplacement de Brazzaville, Congo, en Afrique centrale, où le sommet était initialement prévu. Le fait marquant de ce sommet réside dans le lancement de la campagne des villes africaines, «sans enfants vivant dans la rue», par la marraine de ladite campagne, la Princesse Lalla Meriem du Maroc. Pour la première fois, les collectivités territoriales d’Afrique étaient sollicitées pour traiter d’un problème social majeur dont le risque pour la cohésion et la dignité des sociétés africaines se devait d’être conjuré à tout prix. Plus d’une soixantaine de villes africaines ont, d’emblée, adhéré à cette campagne et commencé à mettre en œuvre des activités concrètes sur le terrain. Au cours de ce même sommet 2018, tenu à Marrakech, les leaders et élus des collectivités territoriales ont décidé de créer un Forum africain des régions regroupant les collectivités territoriales situées entre les communes et le niveau national. Le Conseil régional de l’Oriental s’est vu confier le mandat de préparer et d’organiser la réunion constitutive de ce forum, à Oujda, avant la tenue de l’assemblée générale de CGLU Afrique, prévue à Kisumu, Kenya, le 20 mai 2022.

Vous accompagnez plusieurs collectivités territoriales africaines dans des univers différents. Comment qualifiez-vous la coopération entre l’Oriental et CGLU Afrique ainsi que les acteurs régionaux ?
La Région de l’Oriental tient une place tout à fait particulière dans l’histoire des mouvements de libération africains. Ceux de vos lecteurs qui sont nés avant les indépendances africaines, intervenues au cours de la décennie 1960, se rappellent, sans doute, que nos pays étaient divisés en deux groupes quant à la trajectoire à suivre pour la libération du continent du joug colonial. Celui de Monrovia, qui était plutôt pour une évolution lente vers davantage d’autonomie, dans le cadre d’une communauté avec le pays colonisateur, et le groupe de Casablanca, qui penchait pour l’indépendance immédiate et la souveraineté pleine et entière des territoires colonisés. Les pays affiliés au second groupe militaient donc pour l’émancipation sans plus tarder, et y compris en recourant, au besoin, à la lutte armée. Dans cette logique, la ville de Berkane, dans la Région de l’Oriental, fut l’un des quartiers généraux de la plupart des mouvements de libération des pays africains encore colonisés. C’est ainsi que se sont souvent retrouvés à Berkane les leaders du PAIGC, du FRELIMO, de l’ANC ou du FLN. La Région de l’Oriental est donc chère à la mémoire des combattants de la liberté en Afrique. Ce n’est pas étonnant qu’elle ait été précurseur dans le développement de partenariats Sud-Sud, avec d’autres régions du continent, particulièrement celles des pays d’Afrique subsaharienne. Ce développement s’est fait à partir du programme du Coaching territorial.

En effet, voilà près de cinq ans que CGLU Afrique collabore avec le Conseil régional et l’Agence de développement de l’Oriental ainsi qu’avec l’ensemble des acteurs régionaux pour initier une dynamique qui consiste à s’adapter à la gestion décentralisée des affaires publiques, prônée par la Constitution du Maroc de 2011, après un demi-siècle de gestion centralisée. Une telle adaptation ne va pas de soi et a besoin d’un accompagnement, tant il est vrai qu’une chèvre habituée à être attachée à un arbre par une corde ne bouge pas de cet endroit même lorsqu’on la détache. C’est pour que les protagonistes adoptent des comportements et attitudes compatibles avec la politique de décentralisation que CGLU Afrique a travaillé avec le Conseil régional et l’Agence de développement de l’Oriental ainsi qu’avec l’Université Mohammed Premier de Oujda et l’ONG belge Échos communication afin de développer le concept de Coaching territorial.

Que peut-on tirer de cette expérience pilote ?
Le programme en question a été mis au point et testé, en vraie grandeur, dans la Région de l’Oriental. Cette expérimentation, menée avec succès, a inspiré de nombreuses autres régions du continent. En effet, la plupart des pays africains qui mettent en œuvre des politiques de décentralisation sont désireuses d’accompagnement. Il n’est donc pas étonnant que ces régions aient sollicité que leur partenariat Sud-Sud se focalise, également, sur la mise en œuvre du programme du Coaching territorial dans leurs territoires. Il en va ainsi du partenariat entre la Région de l’Oriental du Maroc et le Département de Kaolack, au Sénégal, la Région de la Boucle du Mouhoun, au Burkina Faso, celle de Nawa, en Côte d’Ivoire, et enfin celle de Kayes, au Mali. L’Oriental fait l’objet de nombreuses autres sollicitations, à cet égard, provenant des provinces de la RDC, du Cameroun ou du Togo, mais aussi des comtés du Kenya, pour ne citer que ceux-là.

De ce point de vue, elle se révèle être l’une des têtes de pont de la construction de l’Afrique des régions et l’un des chemins les plus efficaces pour consolider l’unité du continent et promouvoir son développement, au plus près des préoccupations de ses populations. C’est aussi pour cette raison que CGLU Afrique a choisi de collaborer avec la Région de l’Oriental autour du Coaching territorial parce que cette collaboration est en accord avec la vision de l’organisation, laquelle vise à construire l’unité et l’intégration de l’Afrique et à promouvoir son développement, à partir de ses territoires.

Vous n’avez cessé de dire que la décentralisation au sein des pays africains constitue une deuxième indépendance. Quel regard portez-vous sur l’expérience marocaine après l’instauration de la régionalisation avancée et la place qui lui est accordée dans le Nouveau modèle de développement du Maroc ?
L’affirmation que la décentralisation constitue une deuxième indépendance pour les pays africains renvoie à cette terrible question posée par un paysan sérère au Président Léopold Sedar Senghor du Sénégal, dans les années soixante-dix : «Monsieur le Président, quand est ce que l’indépendance va se terminer pour que nous soyons enfin libres ?». Cette simple interrogation résume la perception que la majorité des populations du continent ont eue, pour ce qui est de la première décennie des émancipations africaines. Manifestement, elles n’ont pas eu le sentiment d’être concernées par ces indépendances et, quelque part, elles ne l’étaient pas vraiment. Les colons ont été remplacés par des élites africaines, mais cela n’a substantiellement rien changé à la vie des peuples. Ces derniers ont été assujettis à des devoirs, comme avant les indépendances, sans vraiment enfin se voir reconnaître des droits.

Avec la généralisation de la politique des partis uniques et de la sacro-sainte construction de l’unité nationale, les politiques mises en œuvre ont eu tendance à nier, à la majorité des gens, toute possibilité d’expression de leur diversité, due aux contextes de vie différenciés, et justifiant des trajectoires de développement différentes. Pendant près de trois décennies, les populations africaines ont, dans leur grande majorité, considéré que les indépendances ne leur étaient pas favorables. D’où des demandes sociales pressantes en faveur de réformes politiques et institutionnelles qui confèrent des pouvoirs accrus aux populations à travers des collectivités territoriales dotées de conseils et d’exécutifs élus démocratiquement. C’est cette pression qui explique que la plupart des États africains ont été amenés à adopter des politiques de décentralisation à la fin des années 1990 et que l’Union africaine en a fait une des priorités de l’agenda politique du continent, à travers l’adoption, en juin 2014, lors du Sommet des chefs d’États et de gouvernements tenu à Malabo, en Guinée Equatoriale, de la Charte africaine des valeurs et principes de la décentralisation, de la gouvernance et du développement locaux, en tant qu’instrument de l’Union.

Désormais, l’État reconnaît que la puissance publique dispose de deux faces d’égale dignité aux yeux des populations, à savoir une face nationale, incarnée par l’État central, et une autre locale, constituée par les collectivités territoriales. C’est parce que la décentralisation donne une chance aux populations de participer effectivement à la gestion des affaires qui les concernent, dans le cadre des collectivités territoriales, que l’on peut l’assimiler à une deuxième indépendance, qui va au delà de la première, celle des élites. Une indépendance enfin authentique, ouvrant la possibilité aux gens de prendre en mains leur propre destinée. La décentralisation, à la différence de l’indépendance nationale formelle, implique un engagement des populations à élargir, toujours davantage, leur sphère d’autonomie pour gérer dans la proximité, avant tout, les affaires qui les concernent. Cela ne se fera pas sans résistance et, probablement, pas sans retours en arrière. Mais cela s’inscrit, de toutes les façons, dans le sens de l’histoire.

Qu’en est-il du Maroc ?
Le royaume a fait un choix clair en faveur de la régionalisation avancée, laquelle reconnaît aux collectivités territoriales, dotées d’organes délibérants et exécutifs élus, l’essentiel du pouvoir de gestion de la vie quotidienne de la population, de l’initiative des programmes de développement des territoires prenant en compte leurs potentialités, et de la mise en œuvre des stratégies nationales de développement au niveau régional. Cette option semble tout à fait appropriée compte tenu, par ailleurs, des contraintes écologiques de chaque milieu de vie et de leur possible exacerbation du fait des changements climatiques. En d’autres termes, la régionalisation avancée exige que la gouvernance publique soit de plus en plus proche des populations concernées et de plus en plus coopérative entre les différents échelons de la gouvernance publique, ainsi qu’avec toutes les forces vives mobilisables pour l’effort de développement, qu’il s’agisse de la société civile, du secteur privé ou de l’économie sociale et solidaire.

Les expériences d’instrumentation de la gouvernance coopérative, menées tant en Afrique qu’ailleurs dans le monde, pourraient inspirer la mise au point de démarches équivalentes au Maroc. On peut citer l’Integrated development planning (IDP), mis en œuvre en Afrique du Sud et au Kenya, qui permet de conjuguer et mettre en cohérence les actions engagées par les différents niveaux de la gouvernance publique autour de problématiques communes, ainsi que les budgets correspondants. On peut également citer le Contrat État-Région, mis en œuvre dans beaucoup de pays européens, dont l’établissement et la gestion doivent obéir à l’exigence de coordination et d’alignement des interventions, sous contrainte de la disponibilité des ressources budgétaires. Le suivi de l’exécution de ces contrats exige que soit mise en place une conférence paritaire entre État national et collectivités territoriales représentées par leurs associations nationales. Cette conférence serait organisée au moins deux fois par an, dans l’objectif d’ajuster les termes du contrat aux ressources effectivement mobilisées et de se projeter dans l’avenir proche et lointain, selon les données fiables disponibles sur les évolutions structurelles et conjoncturelles de l’économie et de l’emploi.

La mise au point d’instruments de suivi et d’évaluation des Contrats État-Région devrait être une priorité pour le Maroc s’il opte pour l’adoption de cet instrument et s’il souhaite évaluer les résultats et l’impact de la politique de régionalisation avancée. Il est de coutume, dans le royaume, d’expérimenter la mise en œuvre des politiques sur une durée allant de 15 à 20 ans. Il est, en conséquence, souhaitable que le Maroc se donne le temps de l’expérimentation, pendant au moins trois mandats électoraux, du choix stratégique de la régionalisation avancée, telle que formulée par la Constitution et organisée par les textes légaux et réglementaires, avant d’envisager d’introduire des corrections rendues, éventuellement, nécessaires, à la lumière de l’expérience acquise. Ce qui caractérise le royaume, pour un observateur extérieur, c’est l’inscription de ses politiques dans une perspective de long terme, et sa préoccupation constante d’ajuster leur mise en œuvre aux évolutions de l’environnement. Cette pratique trouve un écho tout à fait actuel dans l’initiative royale de réfléchir sur le Nouveau modèle de développement du Maroc. On remarquera que le lancement de cette réflexion prospective est intervenu avant la survenance de la pandémie de Covid-19. Cette dernière justifie, d’autant plus, l’utilité et l’urgence d’une telle vision. Il est remarquable que le rapport sur le Nouveau modèle de développement insiste sur la nécessité de prendre appui sur la régionalisation avancée pour relancer la dynamique de développement du pays. La communauté des leaders et élus des collectivités territoriales, regroupées au sein de CGLU Afrique, ne peut qu’être qu’en accord avec cette orientation stratégique.

Pour la première fois, la 9e édition du Sommet Africités va se tenir, en avril 2022, dans une ville intermédiaire, celle de Kisumu, au Kenya. Pourquoi ce choix, et selon vous, quel rôle les villes intermédiaires d’Afrique vont-elles jouer dans le développement et la transformation structurelle du continent africain ?
CGLU Afrique organise tous les trois ans le Sommet Africités, la plus importante rencontre panafricaine de dialogue sur la décentralisation et la gouvernance territoriale. La neuvième édition du Sommet Africités va se tenir, effectivement, et pour la toute première fois, dans une ville de taille intermédiaire, à Kisumu, sur les bords du Lac Victoria, au Kenya, du 17 au 21 mai 2022. Le thème retenu pour ce sommet est «La contribution des villes intermédiaires d’Afrique à la mise en œuvre de l’Agenda 2030 des Nations Unies et de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine». Il est apparu, effectivement, incongru de parler du rôle des villes intermédiaires dans la mise en œuvre de l’Agenda du développement durable (Agenda 2030) et de l’Agenda de la transformation structurelle de l’Afrique (Agenda 2063), ailleurs que dans une ville intermédiaire. D’où le choix de Kisumu, qui a fait acte de candidature pour accueillir cette neuvième édition.

Il faut savoir que les villes intermédiaires, dont la population est comprise entre 100.000 et 1 million d’habitants, représentent actuellement la majorité de la population urbaine du continent africain. On sait aussi que, d’ici la fin de la décennie 2020, la majorité des Africains vivront dans une ville, et la majorité d’entre eux habitera dans des villes de taille intermédiaires. L’Afrique compte, actuellement, quelque 1.500 villes intermédiaires qui jouent un rôle essentiel dans la structuration des marchés locaux ainsi que dans l’organisation et le développement des économies locales et régionales. Faire progresser la mise en œuvre des agendas 2030 et 2063, dans les villes intermédiaires, est la garantie qu’ils seront effectivement réalisés. Il faut toutefois être conscient que ces villes ont, jusqu’ici, fait l’objet de peu d’attention de la part de la plupart des États.

Le fait que le Sommet Africités ait choisi de focaliser l’attention sur elles doit être considéré comme la correction d’une anomalie. Par ailleurs, il apparaît clairement que c’est à partir d’une réflexion sur la place et le rôle des villes intermédiaires dans l’amélioration des conditions de vie de la majorité des Africains, et dans la transformation structurelle du continent, que ce dernier sera en mesure de tirer réellement avantage des immenses potentialités que recèlent ses territoires, tant au niveau des ressources naturelles qu’humaines.

La prise en compte de la réalité vécue par les populations de ces cités oblige à penser autrement aussi bien le contenu que les trajectoires de diversification des économies et des emplois en Afrique. De ce point de vue, le Sommet de Kisumu sera précurseur dans l’internalisation réelle et assumée de la définition d’une voie de développement authentiquement africaine, qui prend appui sur cette réalité que, pour la première fois, l’Afrique apparaît vraiment comme l’horizon du développement de l’humanité.

Reste à en convaincre les Africains eux-mêmes et, en premier lieu, les jeunes. Il appartient aux professionnels africains de l’économie, de l’histoire, de l’anthropologie, de la culture, ainsi que des arts et des médias, de proposer une nouvelle narration, plus positive, du rôle de l’Afrique dans l’histoire de l’humanité. L’objectif est de reconstruire, sur des bases nouvelles, l’estime que les Africains doivent avoir d’eux-mêmes et d’assumer la responsabilité, qui est désormais la leur, pour proposer au monde une nouvelle convivialité plus respectueuse de l’égale dignité des êtres humains et plus soucieuse de l’équilibre à établir entre l’humanité et les autres espèces, avec qui elle a la planète Terre en partage.

Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO Docs



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