Enseignement supérieur: le pari de l’innovation
À peine les résultats de la session normale de juin du baccalauréat connus, universités et écoles de formation anticipent déjà la prochaine rentrée universitaire. Une rentrée pas comme les autres, ouverte sur le monde pédagogique, après la crise sanitaire de la Covid-19.
C’est une rentrée pas comme les autres qui s’annonce ! Le moment est donc propice pour procéder à un état des lieux des méthodes et outils pédagogiques nécessaires, tant dans l’enseignement théorique que la formation professionnelle de demain. Quid des nouvelles offres et dynamiques de l’innovation dans les établissements marocains ? Une question à laquelle on ne saurait répondre sans rappeler au préalable que la pandémie de COVID-19 a fait subir au secteur un choc inédit, bouleversant la vie de près de 1,6 milliard d’apprenants dans plus de 190 pays à travers le monde. Le retour massif en présentiel s’annonce, de ce fait, particulièrement complexe à organiser, tant sur les plans logistique que psychologique, du fait de l’incertitude qui subsiste, concernant l’évolution de la pandémie, avec, en parallèle, l’impérieuse nécessité d’une reprise rapide et durable pour pallier la perte de temps d’enseignement en classe, consécutive à la pandémie.
Pourtant, le plus difficile reste à faire, même si on peut raisonnablement affirmer que le secteur a fait preuve d’une résilience certaine face à la crise de la COVID-19. Cette expérience inédite a offert aux étudiants l’opportunité de s’approprier de nouveaux outils pour relever les défis imposés par la crise sanitaire. Les efforts à déployer ont trait, désormais, aux choix pédagogiques que les établissements devront opérer afin de proposer à leurs étudiants des cursus de formation adaptés aux défis futurs. En effet, les nombreux problèmes auxquels le secteur a du faire face, ces deux dernières années, imposent une nouvelle vision et de nouvelles façons de procéder. Partout, il n’est question que d’amélioration, avec une rupture affirmée avec les anciennes méthodes, définitivement cataloguées en tant que «has been» ! Le monde a beaucoup appris de la covid-19, du fait de l’adoption de nouvelles pratiques pédagogiques mieux adaptées aux réalités du monde de demain et les attentes des apprenants ne sont plus les mêmes. Les Marocains attendent du secteur qu’il soit créateur de davantage de valeur ajoutée, en permettant des débouchés de qualité, à travers l’ensemble des régions.
«La nécessaire montée en gamme de la production nationale doit pouvoir s’appuyer sur la recherche et l’innovation, grâce à des passerelles opérationnelles établies entre le secteur industriel et celui de la recherche scientifique, ainsi qu’à l’amélioration des compétences, y compris par le biais de la formation continue au sein de l’entreprise», constate la Commission spéciale pour le nouveau modèle de développement économique.
Dès lors, l’université doit devenir un établissement ouvert sur son environnement et une locomotive de développement, dans chaque région du pays. En d’autre termes, «l’université, qui constitue un observatoire des avancées universelles scientifiques et techniques et un lieu de convergence des chercheurs compétents, venus de toutes parts, doit s’imposer en tant que laboratoire pour la découverte et la création, et atelier d’apprentissage des métiers auquel tout citoyen devrait pouvoir accéder, chaque fois qu’il satisfait aux conditions requises et détient les compétences nécessaires», prône-t-on dans la Charte nationale d’éducation et de formation. Pour ce document de référence, l’université, en tant que locomotive de développement, doit également mener des recherches fondamentales et appliquées utiles, dans tous les domaines, et pourvoir l’ensemble des secteurs en cadres compétents, à même non seulement de s’intégrer professionnellement, mais aussi d’améliorer leurs niveaux de productivité, de compétitivité et de qualité, afin de pouvoir rivaliser avec ceux des pays développés.
Pour ce faire, plusieurs solutions sont proposées. Dans la loi-cadre n° 51-17, relative au système d’éducation, l’article 33 exige le renforcement de l’intégration des technologies de l’information et de la communication, dans la promotion de la qualité des apprentissages et l’amélioration de leur rendement, ainsi que l’intégration progressive de l’enseignement électronique, en perspective de sa généralisation. De son côté, la CSMD préconise d’opérer une réelle modernisation des établissements d’enseignement supérieur publics et privés, et d’œuvrer en faveur du relèvement de leurs performances, ainsi qu’en faveur d’une plus forte valorisation des filières de formation professionnelle et des modes d’apprentissage hybrides et par alternance, avec pour objectif premier d’offrir aux jeunes Marocains les outils pour l’acquisition de compétences élevées et l’amélioration de leurs perspectives d’employabilité. Il est ainsi question d’affirmer le caractère autonome des établissements d’enseignement supérieur, mettre l’étudiant au centre des réformes et des mesures de performance de l’enseignement supérieur et professionnel, renforcer la valorisation de la formation professionnelle, et enfin impulser la recherche scientifique à travers un mécanisme de financement et d’évaluation indépendant.
L’objectif pour le Maroc est de devenir un pôle de formation supérieure et de recherche, attractif pour les étudiants marocains, de la région et du continent, à travers la montée en puissance d’établissements de renom. Cela passera par l’émergence d’une nouvelle génération d’universités, opérant selon les critères d’excellence, avec des modes de gouvernance rénovés, assortis de moyens adéquats pour accomplir leurs missions. Ces universités incluraient les établissements publics, profondément reformés et autonomisés, ainsi que des établissements nouveaux, portés par des fondations à but non lucratif, comme certaines grandes universités de renommée mondiale. A la fois ancrés dans leurs régions, et ouverts sur le monde, ces établissements seront par ailleurs orientés aussi bien vers des formations académiques théoriques que des formations professionnelles pratiques. Ces universités seront autonomes et fortement centrées sur l’étudiant, de manière à renforcer sa capacitation et son épanouissement scientifique et culturel, pour faciliter son insertion dans le marché du travail. En plaçant l’université au cœur de l’écosystème territorial, le Maroc ambitionne de développer ainsi une nouvelle approche de la formation supérieure, dont les thèmes de recherche sont indexés sur les enjeux de développement national et local, en collaboration avec le secteur privé. La réussite de ce pari devrait permettre un saut qualitatif dans le domaine de la formation, la recherche scientifique et l’innovation, en les installant durablement dans une dynamique continue de progrès.
Le Maroc ne saurait franchir un pas décisif dans son processus de développement que si sa politique de formation est portée par un souci d’excellence prévalant au sein de ses universités. Cela devra passer par la structuration du système de recherche scientifique, à travers la mise en place d’un mécanisme d’évaluation rigoureux, permettant d’assurer les fonctions de contre-pouvoir, de surveillance déontologique et de labellisation de l’excellence, équilibrant ainsi l’autonomie conférée aux organes de gouvernance des établissements universitaires. On le voit bien, l’enseignement à distance, imposé par la crise sanitaire liée à la Covid-19, ne sera pas l’unique révolution de ces deux dernières années dans les universités marocaines. Pour la rentrée 2021, il y aura donc forcément du nouveau dans le «menu» des universités et écoles supérieures marocaines !
L’excellence avant tout
Tout porte à croire que les établissements marocains ont parfaitement intégré l’importance de ces enjeux, et rivalisent désormais d’offres visant à stimuler et encourager la mobilisation des synergies entre les universités et les entreprises. Toujours dans le même cadre, la commission défend la mise en place d’un dispositif incitatif, par le biais de l’impôt-recherche, avec l’ambition de faire des universités l’instrument d’innovation majeur à disposition des entreprises. Le développement de la recherche nécessite enfin d’étoffer les effectifs de doctorants, dans un contexte de départs massifs à la retraite dans le corps professoral, et de renforcer l’ouverture sur l’international, en coopération avec les grandes universités internationales et, le cas échéant, en s’appuyant sur la diaspora marocaine. Enfin, la nouvelle génération de doctorants doit comporter en son sein les meilleurs étudiants, lesquels, outre leurs compétences scientifiques, se doivent d’être formés aux métiers et outils pédagogiques ainsi qu’aux langues étrangères, et particulièrement l’anglais.
Khadim Mbaye / Les Inspirations Éco Docs