Médias : dur d’être une femme journaliste !
Les femmes journalistes au Maroc sont victimes d’une discrimination qui ne dit pas son nom. C’est ce que révèle une étude accablante réalisée par l’Union de la presse francophone Maroc.
Un métier de «rêve» qui permet de militer pour des droits et des causes dont notamment la cause féminine, la justice, l’accès à l’information, de dépasser ses limites…de manière générale, tel est vu le journalisme au Maroc par les femmes qui le pratiquent. Une profession noble certes, mais où les consœurs sont encore victimes d’une discrimination qui ne dit pas son nom. C’est ce que révèle une étude accablante qualitative et quantitative sur la place des femmes journalistes, réalisée par le cabinet VQ, pour le compte de l’Union de la presse francophone Maroc (UPF Maroc).
En effet, si les discriminations liées à l’embauche, aux salaires, aux promotions, aux primes,…semblent, de prime abord, ne pas exister dans les institutions et médias étatiques, comme la SNRT, la SOREAD ou encore la MAP, certains stéréotypes solidement ancrés dans la mémoire collective constituent un frein à la pratique du métier, dans le privé, notamment à la radio où une journaliste présentatrice s’est vue retirer son émission du fait que la cible de la radio où elle officiait était constituée en majorité d’hommes, et que sa voix n’était pas du goût de ses auditeurs, détaille le rapport.
«J’ai toujours pensé que les différences de traitement entre les hommes et les femmes se situaient au niveau des salaires, du statut, mais pas dans la pratique du métier», regrette une journaliste citée dans le rapport de 48 pages.
Les inégalités de traitement concernent également les salaires. Selon les enquêteurs, lors des négociations, les hommes s’en sortent mieux, car ils savent surenchérir sur leurs profils et compétences, contrairement aux femmes qui font preuve d’une grande honnêteté. Cette qualité est d’ailleurs relevée par les recruteurs. Plus grave encore, dans une même rédaction, les hommes n’apprécient généralement pas qu’une collègue gagne mieux qu’eux, et la situation risque, dans de tels cas, de s’envenimer au détriment de la journaliste.
Ironie du sort, constate-t-on, si les hommes rechignent à ce que les femmes gagnent plus qu’eux, ils sont plutôt enclins à laisser leurs consœurs bosser plus qu’eux. Résultat, les femmes journalistes se sentent obligées de faire du zèle et de travailler plus pour être reconnues à leur juste valeur. L’exercice du métier se heurte aussi à des attitudes paternalistes à l’égard de la femme journaliste.
«Ces discriminations se constatent lorsqu’il s’agit des déplacements dans des régions éloignées ou encore le traitement de sujets réputés chasse-gardée de l’homme, comme le sport», soulignent les rédacteurs du rapport.
Le constat est le même s’agissant des promotions de carrière où «très peu de femmes journalistes arrivent à briser le fameux plafond de verre. «Une sorte de fatalité les confine dans un rôle d’acceptation de leurs conditions. Elles se contentent de percevoir à la fin du mois un salaire correct sans perspective de promotion en ces temps incertains», expliquent les enquêteurs du cabinet VQ avant d’ajouter que les autres plus aguerries ne semblent pas (plus?) intéressées par ce type de promotions qui prend parfois des effets de mode, tout en dépouillant la fonction de toutes ses prérogatives.
Femme journaliste, une espèce en voie de disparition ?
Au Maroc, la dernière investigation sur le sujet de la place des femmes journalistes, leur statut et leurs conditions de travail par rapport à leurs confrères hommes remonte à 2015. II s’agit d’une étude réalisée par Le Global Media Monitoring Project (GMMP) et la Haute autorité de la communication audio-visuelle dont le rapport national intitulé «Qui fait l’info», a été publié en 2017.
Selon ce rapport, elles étaient en 2015, 688 femmes journalistes sur un total de 2.279 cartes de presse. Soit 30% de l’ensemble des membres de la profession. En 2020, la part des femmes journalistes n’est plus que de 28,4% selon les derniers chiffres du Conseil national de la presse qui a distribué 2.928 cartes professionnelles, dont 831 à des femmes. Si le nombre de femmes journalistes a augmenté en effectifs, leur part a baissé dans la profession. Ce recul s’explique par l’effondrement de la presse écrite en général et de celles des magazines féminins en particulier. La presse digitale, qui a connu un essor considérable depuis, ne fait pas encore la part belle aux femmes en 2020.
Khadim Mbaye / Les Inspirations Éco