Élections : le sprint est lancé
Les élections législatives constituent le principal enjeu pour les partis politiques dont certains espèrent retrouver leur éclat d’antan. À la veille du rendez-vous électoral, les enjeux sont multiples. On ne s’attend pas à de grands changements même si le quotient électoral, en limitant le score des grands partis, permettra aux petites formations de gagner une place sur la carte électorale.
Le compte à rebours est enclenché pour les différentes échéances électorales. Des informations ont en effet filtré, au cours du week-end dernier, sur les dates des élections législatives, régionales et communales et celles relatives à la Chambre des conseillers. En gros, il reste moins de quatre mois aux élections législatives qui constituent le principal enjeu pour les partis politiques. Elles se dérouleront, cette fois-ci, le même jour que les élections régionales et communales, en septembre prochain. Aujourd’hui, les principales formations partisanes, qui se livrent à une bataille acharnée depuis quelques mois, finalisent les préparatifs pour l’ensemble des échéances, tout en portant un intérêt particulier aux législatives qui façonnent la carte politique. Celle-ci connaîtra-t-elle un grand changement en septembre prochain ? Rien n’est moins sûr, d’après plusieurs observateurs et politiciens, même si le nouveau quotient électoral permettra à de nouvelles petites formations de décrocher le précieux sésame pour accéder à la Chambre basse et que le score des premiers partis n’atteindra pas celui du PJD et du PAM aux législatives de 2016. Au mieux, le premier parti politique décrocherait 80 à 87 sièges, d’après les pronostics. Pour y arriver, il faudra couvrir l’ensemble des circonscriptions tant locales que régionales. Les partis politiques ne peuvent gagner qu’un seul siège au niveau des listes régionales dédiées principalement aux femmes, soit douze sièges dans le meilleur des cas, contrairement aux précédentes élections où la liste nationale avait permis au PJD d’obtenir 27 sièges dédiés aux femmes et aux jeunes et au PAM d’en décrocher 21. C’est à travers ce nouveau mécanisme, qui sera calculé sur la base du nouveau quotient électoral, que de nouveaux partis pourront être représentés au sein de l’institution législative. Les «grands» partis, eux, espèrent maintenir la même position pour certains, à commencer par le PJD, ou encore franchir un nouveau palier. Le PAM, de son côté, joue des coudes pour accéder à la première marche du podium tout comme le RNI et l’Istiqlal qui affichent, cette fois-ci, une grande ambition. Quant à l’USFP, dont les partisans craignent une descente aux enfers, il espère retrouver son éclat d’antan, à l’instar du parti du Mouvement populaire qui vise à retrouver sa position d’avant 2007. Le PPS dont le poids électoral s’est réduit en peau de chagrin en 2016, à cause de ses choix politiques, entend également renaître de ses cendres.
L’enjeu des alliances
Le premier parti politique devra composer avec d’autres formations pour former le prochain gouvernement. L’espoir, selon nombre d’acteurs politiques, est d’éviter la reproduction du scénario de 2016 et de former un gouvernement homogène capable de mettre en œuvre le nouveau modèle de développement du pays. Les alliances devront se tisser sur des bases claires, telles que les programmes électoraux. Il reste néanmoins encore difficile de prédire la future coalition gouvernementale. Pour l’heure, en effet, les dirigeants politiques préfèrent éviter de se prononcer sur les alliances pré-électorales qui pourraient, pourtant, inciter les citoyens à se rendre aux urnes le jour J. Même le rapprochement des trois partis politiques de l’opposition (PAM, Istiqlal et PPS) qui se sont serrés les coudes depuis quelques mois n’est visiblement que conjoncturel, comme le laissent entendre certains de leurs leaders. Conclusion: tous les scénarios restent possibles. Malgré les passe-d’armes entre certaines formations, aucune ligne rouge n’est fixée. Tout dépendra des résultats électoraux. Aussi, les partis politiques tentent-ils autant que faire se peut de maximiser leurs chances en accréditant les cartes gagnantes. À cet égard, l’argument des différents chefs de file des partis politiques reste le même : il s’avère difficile de miser grandement sur le renouvellement et sur de jeunes profils partisans, tant la concurrence est rude. D’ailleurs, les formations partisanes n’hésitent pas à encourager le nomadisme politique pour attirer des candidats sûrs et améliorer par-là leurs scores électoraux.
Mercato politique
C’est ainsi qu’à quelques mois des élections, le coup d’envoi est donné pour le «mercato» politique. Le phénomène est toujours de mise bien qu’il ait été limité par le législateur pour sauvegarder les équilibres politiques et garantir le respect des engagements des candidats vis-à-vis des électeurs. Rappelons que la Constitution de 2011 a interdit la transhumance politique en prévoyant la déchéance du mandat du nomade en vue d’avoir un parlement crédible. Toutefois, en fin de mandat, rien n’empêche les militants voire des députés de rallier officieusement les rangs d’un autre parti politique. Aucune des grandes formations partisanes n’échappe à cette pratique de transhumance politique. Même le Parti de la justice et du développement a ouvert la porte, depuis 2007, à l’ensemble des citoyens et aux candidats provenant d’autres partis politiques. Cela fait que certains candidats se retrouvent avec un grand embarras de choix, tellement leur cote est élevée le marché électoral. Pour autant, cette pratique ternit l’image déjà écornée de l’échiquier politique à l’heure où les partis insistent sur l’impératif de restaurer la confiance perdue des électeurs. La question demeure en effet posée: Comment, à la veille des élections, intéresser les électeurs et les inciter à aller voter ? Les partis de l’opposition appellent à une campagne basée sur les programmes et au lancement d’un sérieux débat, notamment dans les médias publics. Il restera à voir si cela peut être suffisant, dans un contexte difficile sur le plan socio-économique. Certains acteurs politiques recommandent que les partis politiques jouent la carte de la proximité pour convaincre les citoyens de l’importance de leurs voix. Il faut dire que le taux de participation est l’un des grands enjeux des prochaines élections car il y va de la légitimité des institutions élues, tant la Chambre des représentants que les Conseils communaux et régionaux. On s’attend à ce que la tenue des élections législatives, locales et régionales, le même jour, permettent de rehausser le taux de participation car l’expérience démontre que les électeurs se déplacent plus pour les élections locales que législatives. Par ailleurs, de grands défis se profilent à l’horizon au niveau local. Le principal enjeu des élections communales est de pouvoir former des coalitions homogènes, bien que la suppression du seuil électoral, qui est décriée par le PJD, compliquera la situation. On s’attend en effet à une balkanisation des conseils communaux dont certains peinaient déjà, même avec l’ancien seuil électoral, à accorder les violons des différentes composantes politiques.
De grands défis pour la Chambre des conseillers
Le bal sera ouvert par les élections professionnelles qui constituent un enjeu majeur non seulement pour les travailleurs, mais aussi pour les partis politiques et les syndicats. Elles sont, en effet, la porte d’entrée pour la Chambre des conseillers. La Constitution prévoit dans son article 63 que les représentants des syndicats et des employeurs représentent les deux cinquièmes de la Chambre haute, soit 48 conseillers sur 120. Les élections pour l’élection des membres de la Chambre haute se dérouleront, début octobre prochain, après les élections professionnelles et les élections des collectivités territoriales. Plusieurs voix appellent à lancer un débat national, après les élections, sur le rôle de la deuxième chambre et sur le bicaméralisme qui, tel qu’il est pratiqué au Maroc, a montré ses limites. La révision de ce système s’impose, selon plusieurs acteurs politiques, en raison des dysfonctionnements constatés aussi bien sur le plan du contrôle que de la législation. Des réajustements sont nécessaires au niveau de la mise en œuvre pour être en phase avec le chantier de la régionalisation avancée.
Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco