Made in Morocco. Nawal Chraibi: “Il faut arrêter de sous-estimer le produit local”
Nawal Chraibi. Directrice générale de la Fondation MAScIR
Selon la directrice générale de la Fondation MAScIR, parmi les obstacles au développement du produit national figure l’absence de cadre réglementaire dans plusieurs secteurs d’activité d’importance, qui constituent des priorités nationales. Il faut agir, et vite.
Qu’est-ce qui bloque la promotion du Made in Morocco ?
Il faudrait instaurer la confiance entre nous. Il faut arrêter de dénigrer, de sous-estimer tout ce qui est local et de se rabattre précipitamment sur les produits importés. Cette crise sanitaire a démontré que nos chercheurs, ingénieurs marocains sont dotés de compétences techniques et scientifiques de haut niveau qui leur ont permis de mettre au point des solutions innovantes, à haute performance, de grande qualité, aux standards internationaux et à un coût maîtrisé. En témoignent les différentes réalisations nationales de ces derniers mois, masques, respirateurs artificiels ou encore les kits de diagnostic Covid-19 développés par MAScIR. L’autre obstacle réside dans l’absence de cadre réglementaire dans plusieurs secteurs d’activité d’importance, qui constituent des priorités nationales. En cette période exceptionnelle, il faudrait faire un effort en matière d’allégement des procédures administratives et de temps de traitement (fast track) des dossiers.
Quelle a été la contribution de MAScIR au domaine de la recherche et développement ?
La Fondation MAScIR fait partie de l’écosystème développé par le groupe OCP. Elle constitue une branche des activités de recherche de l’Université Mohammed VI Polytechnique. Ses travaux sont orientés vers la recherche appliquée et l’innovation pour répondre aux besoins du marché. Nombre de ses projets sont menés en consortium avec les universités et écoles d’ingénieurs au Maroc, et principalement avec l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P). Nos partenariats avec les entreprises se sont renforcés au fil des années. Nous comptons aujourd’hui pas moins d’une centaine de contrats R&D avec les entreprises nationales et étrangères, le groupe OCP étant de loin le premier partenaire de MAScIR, en plus d’être son principal bailleur de fonds. Cosumar, les Domaines agricoles, l’Agence marocaine pour l’énergie solaire (Masen), l’Office national des chemins de fer, l’Office national de l’électricité et de l’eau potable, Autoroutes du Maroc, Lesieur Cristal, Africâble, Eléphant vert, Jet Contractors, Lear, Zodiac, Effacec, Thalès, CEA, Si Ware sont quelques-uns des organismes et industries qui ont fait confiance à MAScIR, et cette dernière a répondu à leurs besoins en R&D et innovation. Dans le domaine de l’agriculture, MAScIR a développé de nouveaux biofertilisants, à base de microalgues marocaines, un analyseur de sols, un analyseur portable d’huile d’olive… Dans le domaine de la santé, MAScIR a mis au point des kits à bas coût pour la détection de maladies prévalentes au Maroc, kits qui ont été validés à l’échelle internationale. Dans le domaine du transport et de l’agro-industrie, MAScIR a réalisé des dispositifs et conçu des logiciels pour le traitement d’image, entrant dans le cadre de la promotion de l’industrie 4.0 au sein de l’industrie marocaine. Dans le domaine de l’énergie, MAScIR a développé une expertise reconnue à l’échelle internationale dans la thématique de la durabilité des matériaux. Cette expertise concerne, entre autres, les miroirs solaires et les panneaux photovoltaïques. La fondation accompagne Masen dans cette thématique. Enfin, MAScIR s’est également investie dans les technologies du futur. Quelques-uns de ces projets ont fait l’objet de création de startups, telles que Moldiag (diagnostic moléculaire) ou Agriscan (agriculture de précision). D’autres start-up sont dans le pipeline et seront créées d’ici la fin de l’année.
Que faut-il pour assurer la bonne marche du produit Made in Morocco ?
La crise sanitaire a mis à nu, dans tous les pays, les risques et les conséquences d’une dépendance trop forte à des produits étrangers. Elle a également montré comment les pays n’ayant ni maîtrise technologique ni recherche scientifique avancée se retrouvent totalement désarmés. Le Made in Morocco est donc un impératif et un levier indispensable pour le renforcement de la souveraineté nationale. Développer et encourager le brand Made in Morocco au niveau des entreprises devient une exigence qui doit s’exprimer à travers des mesures de soutien et d’accompagnement, pour faire valoir nos compétences locales et accroître la confiance dans nos propres produits. Des campagnes de sensibilisation des consommateurs finaux pourraient expliquer les enjeux de consommer Made in Morocco. Nous importons, en effet, de nombreux produits à faible valeur ajoutée, que nous sommes capables de produire. La préférence nationale doit passer du stade du discours à celui de l’exercice quotidien par les grands donneurs d’ordre et par les citoyens. Et quand j’évoque les grands donneurs d’ordre, je désigne clairement la commande publique. Elle doit montrer l’exemple en privilégiant les produits fabriqués au Maroc et offrir un terrain d’expérimentation et de valorisation des résultats de la R&D des universités et des centres de recherche. La création d’une banque de projets par le ministère de l’Industrie, du commerce et de l’économie verte et numérique dans le cadre du nouveau plan de relance industrielle 2021-2020 est, dans ce sens, une excellente initiative. L’objectif est de stimuler la production industrielle locale, afin de substituer les produits fabriqués sur place à ceux importés. La R&D et l’innovation ont un rôle primordial à jouer pour construire et alimenter le Made in Morocco. La commande publique doit encourager la R&D et les entreprises qui s’inscrivent dans la valorisation des résultats de la R&D marocaine.