Emprunt international : comment le Maroc a levé trois milliards de dollars
Le gouvernement enchaîne les levées de fonds en vue de combler les effets de la Covid-19. Mardi, le Maroc réussit à lever trois milliards de dollars sur le marché international, et ce dans un contexte difficile marqué par des incertitudes liées à la crise sanitaire.
Le Maroc vient d’émettre avec succès un emprunt obligataire sur le marché financier international (MFI). D’un montant global de trois milliards de dollars, l’emprunt sera réparti en trois tranches. La première d’une maturité de 7 ans, portant sur un montant de 750 millions de dollars, a été émise à un spread de 175 points de base et un prix de 99,763% offrant ainsi un taux de rendement de 2,412% et servant un coupon de 2,375%, précise le ministère de l’Économie, des finances et de la réforme de l’administration. La deuxième de son côté est d’une maturité de 12 ans, et porte sur un montant de 1 milliard de dollars. Elle a été émise à un spread de 200 pb et un prix de 99,570%, soit un taux de rendement de 3,043% et un coupon de 3%. Quant à la 3e tranche assortie d’une maturité de 30 ans et d’une somme de 1,25 milliard de dollars, celle-ci a été émise à un spread de 261 pb avec un prix de 100%, permettant un taux de rendement de 4% et un coupon de 4%.
« Le Maroc continue de bénéficier de la confiance des bailleurs de fonds à l’international, comme en témoigne la réussite en ce mois de décembre de la plus importante levée en devise de son histoire », commentent les analystes d’Attijari Global Research (AGR).
Cette émission, qui a marqué le retour du Maroc sur le compartiment du dollar après une absence de sept ans, a connu un franc succès auprès d’investisseurs internationaux. L’émission gérée par les banques d’affaires Barclays, BNP Paribas, JPMorgan et Natixis, a été sursouscrite à plus de quatre fois. Le livre d’ordre a en effet dépassé les 13 milliards de dollars.
« La confiance à l’international a été matérialisée par une demande qui atteint les 13 milliards de dollars, assortie à des conditions de financement avantageuses… C’est un constat rassurant dans un contexte marqué par la montée de l’aversion au risque des investisseurs envers le marché de la dette », souligne AGR.
Placée auprès des investisseurs tels que les gestionnaires de fonds, les compagnies d’assurance et les fonds de pension, la levée de fonds a reçu un accueil favorable traduit par une large distribution géographique, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Europe, l’Asie et le Moyen-Orient. L’émission qui fait suite au Roadshow mené, depuis quelques mois, par le ministre des Finances et les équipes de la direction du Trésor ont ainsi permis au Maroc de renouer le contact avec différentes communautés d’investisseurs internationaux, de diversifier les sources de financement et d’établir de nouvelles références sur la courbe de crédit du royaume. Le gouvernement semble désormais rompu à l’exercice. C’est en effet la deuxième émission internationale effectuée en l’espace d’à peine trois mois. Une levée de fonds sur les marchés internationaux a été réalisée en septembre dernier. L’opération visait un montant global de 1 milliard d’euros, réparti en deux tranches d’une maturité de cinq et dix ans. Mais elle n’avait servi qu’au remboursement d’une tombée équivalente durant le même mois, alors que cette nouvelle levée permettrait de renflouer les réserves en devises et, par conséquent, d’atténuer les pressions de liquidité sur le marché monétaire.
Le Maroc aura ainsi bénéficié de conditions avantageuses par rapport à la devise d’émission, relève AGR, ajoutant que la prime de risque est inférieure à celle de la dernière sortie en septembre, et que le spread moyen de cette dernière sortie s’établit autour des 240 PBS, un niveau inférieur à la prime de risque moyenne exigée par les investisseurs à l’égard des pays émergents, soit plus de 330 PBS actuellement. Au final, les réserves en devises devraient dépasser les 310 MMDH à fin 2020, un niveau record pour le Maroc, selon AGR. Le gouvernement a ensuite enchaîné les rapprochements avec différents bailleurs de fonds et a signé coup sur coup plusieurs promesses d’emprunts bilatéraux. Le Maroc s’est vu accorder un prêt japonais d’un montant de 200 millions de dollars, puis a reçu un soutien financier de plus de 1,3 milliard d’euros de la part de l’Allemagne. La Banque mondiale, quant à elle, a donné son aval pour le déblocage d’un prêt de 400 millions de dollars. Des montants conséquents qui seront majoritairement alloués dans le but de soutenir les efforts du gouvernement à mener les interventions d’urgence sanitaires et sociales et d’améliorer la résilience de l’économie nationale. Les principaux agrégats macroéconomiques ont, en effet, subi de plein fouet l’effet de la crise sanitaire. L’économie devrait cette année se contracter de 6,3%, selon Bank Al-Maghrib (5,8% selon le ministère de tutelle). Toujours selon la banque centrale, le déficit public devrait se creuser à 6% du PIB en 2020 contre 4,1% l’an dernier. L’endettement du Trésor, quant à lui, devrait augmenter de 65% du PIB en 2019 à 76,1% avant de s’alléger légèrement à 75,9% en 2021. Seule la dette extérieure s’affiche à des niveaux encore supportables. Le ministère des Finances fait état « d’un faible niveau » correspondant à 20% de la dette publique totale. À cela s’ajoute une durée moyenne de remboursement d’environ sept ans qui serait en amélioration par rapport à fin 2019.
Concernant la dette à court terme, celle-ci ne dépasserait pas les 13,2% selon le ministère des Finances, minimisant ainsi le risque de refinancement. Afin de maîtriser ce déficit budgétaire et l’évolution du poids de la dette publique, le gouvernement compte sur son plan de relance qui vise à dynamiser l’activité économique et à accélérer l’ensemble des réformes administratives. Le Maroc tient également à préserver sa solvabilité en travaillant sur une structure plus saine de sa dette. «Le recours du Trésor au marché domestique devrait s’alléger de manière significative, permettant ainsi de dissiper les pressions haussières sur la courbe des taux, observées au cours des dernières semaines », explique AGR, notant que cette levée historique permettrait au gouvernement de dépasser son financement extérieur cible, prévu par la Loi de finances rectificative 2020, de 60 MMDH.
Aïda Lo / Les Inspirations Éco