Maroc

Sud du Maroc : la crise hydrique a déjà de lourdes conséquences

À quelques jours du démarrage de la campagne d’exportation d’agrumes dans la région du Souss, le périmètre de Sebt El Guerdane à Taroudant, l’un des principaux fournisseurs d’agrumes au Maroc, est privé d’eau d’irrigation. Une décision qui plonge le secteur dans l’inconnu.

Après deux saisons agrumicoles plombées par la baisse de production et le manque de débouchés commerciaux, les agrumiculteurs sont confrontés à une autre saison particulièrement difficile. Cette fois-ci en raison de la suspension, depuis mercredi dernier, de la dotation en eau à usage agricole consacrée au périmètre de Sebt El Guerdane à Taroudant. Une décision prise pour sécuriser l’approvisionnement en eau potable du Grand Agadir à partir du barrage d’Aoulouz, dont le taux de remplissage est actuellement à moins de 19,36%. Pourtant, le périmètre El Guerdane est l’un des principaux fournisseurs d’agrumes au Maroc, à hauteur de 250.000 tonnes de production nationale. Cette suspension contraignante intervient à quelques jours du démarrage de la campagne d’exportation d’agrumes dans la région du Souss qui fournit plus de 580.000 tonnes, soit près de la moitié de la production nationale. Couplée à d’autres facteurs tels que la sécheresse et la baisse de la nappe phréatique pour nombre d’agrumiculteurs, cette coupure d’eau d’irrigation porte le coup de grâce à des années d’investissement engagés dans cette zone. La région avait fait appel au premier partenariat public-privé à l’échelle nationale en 2005 dans le domaine de l’irrigation, dans une optique d’optimisation du modèle de gestion de l’eau à usage agricole. Le projet, qui représente un investissement global de 987 MDH, a permis de sauvegarder 10.000 ha à travers une dotation de 45 millions de m³/an à partir du barrage Aoulouz dans le cadre d’une concession à la Société Amensouss. Ce même modèle a été transposé dans la plaine de Chtouka, avec la mise en place de l’unité mutualisée de dessalement de l’eau de mer destinée à l’irrigation agricole de la plaine de Chtouka et à l’approvisionnement du Grand Agadir d’eau potable par les deux filiales du groupe espagnol Abengoa : Aman El Baraka et la Société d’eau dessalée d’Agadir (SEDA).

L’impact de cette suspension
«La situation est très critique. En tant que professionnels, nous nous accrochons à la dotation mobilisée pour le périmètre d’El Guerdane, car les conséquences de cette décision seront désastreuses et à plus d’un titre», explique Abdellah Jrid, président de l’Association des producteurs d’agrumes du Maroc (Aspam). Conséquence directe : «la moitié du périmètre étalée sur 10.000 ha dépend aujourd’hui directement des eaux du barrage, ce qui signifie à court terme la signature de leur arrêt de mort», explique Youssef Jebha, président de l’Association des usagers des eaux agricoles (AUEA) «Al Mostaqbal». Et d’ajouter que «l’ensemble des agrumiculteurs sont déjà engagés socialement avec la main-d’œuvre, en plus des autres charges financières liées aux fournisseurs, crédits bancaires et leur rééchelonnement, celles des redevances dues à la société Amensouss ainsi que les engagements avec les stations de conditionnement et les clients» souligne-t-il. Sur le plan de la production, une chose est sûre, en dehors des variétés extra-précoces actuellement commercialisées, les autres types de clémentine et d’orange comme les variétés tardives risquent de ne pas être mises sur le marché. D’après les professionnels, ces variétés ne pourront pas être cueillies en raison de la problématique de l’eau d’irrigation. Au total, cette situation menace 600 exploitations et leurs vergers, 20 stations de conditionnement, en plus de 10.000 postes de travail générés lors de chaque saison de cueillette. Cela sans compter l’impact de cette coupure sur la population des exploitations et leurs besoins en eau potable.

Les professionnels protestent
Pour rappel, la dotation consacrée au périmètre agricole de Sebt El Guerdane a été réduite, depuis le mardi 19 mai 2020, de deux tiers (70%). Il s’agit d’une baisse de 40 millions m3 à 13 millions m3 à partir du mois de mai jusqu’au mois d’octobre. Avant de suspendre la dotation d’eau de cette zone, la commission régionale d’eau avait attribué, en raison de la situation critique des ressources hydriques, une dotation de 3,6 millions m3 par mois d’eau d’irrigation aux agrumiculteurs, soit une réduction de 30% par rapport au besoin mensuel de 5 millions m3 entre juin et octobre. Les réunions se succèdent pour trouver une issue favorable à cette question sensible. Dans un communiqué rendu public par l’Association des usagers des eaux agricoles (AUEA) «Al Mostaqbal» et la section de l’ASPAM dans le Souss, les deux entités ont exprimé leur protestation à l’égard de cette décision et la non-consultation des professionnels, qui voient leurs investissements anéantis. Selon eux, cette décision plonge le secteur dans l’inconnu à quelques jours du démarrage de la saison.

Yassine Saber / Les Inspirations Éco



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