Crédit carbone : la Suisse mise sur le Maroc
Dans le cadre de l’Accord de Paris où elle s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 50% à l’horizon 2030, la Suisse a décidé de faire appel à des partenaires extérieurs pour lui vendre du crédit carbone. Parmi les quatre heureux élu, figurent le Maroc, le Pérou, le Ghana et le Sénégal.
La Suisse a décidé d’accélérer le pas pour réaliser sa CDN (Contribution nationale déterminée) dans le cadre de l’Accord de Paris, où elle s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 50% à l’horizon 2030. Prenant conscience qu’il ne pourra pas atteindre cet objectif seul, son gouvernement a décidé de faire appel à des partenaires extérieurs pour lui permettre de réduire de 1/4 ses émissions de gaz à effet de serre, soit 34 millions de CO2, à l’horizon 2030, à travers un programme de crédit carbone. Parmi les quatre heureux élus, figurent le Maroc, le Pérou, le Ghana et le Sénégal. «Comme stipulé par l’article 6 de l’Accord de Paris, nous allons travailler avec ces quatre pays à travers des accords de coopération bilatéraux. Nous attendons qu’ils nous aident à couvrir 12,5% de nos besoins en CO2 d’ici 2030, ce qui nous permettra de respecter nos engagements climatiques », a notamment expliqué Edi Medilanski, conseiller politique à l’Office fédéral de l’environnement Suisse, lors du wébinaire organisé hier, sous la présidence de Aziz Rabbah, ministre de l’Énergie, des mines et de l’environnement, sur le thème «la valorisation des déchets au Maroc: quelles solutions durables pour nos villes ?».
Du crédit carbone pour couvrir 12,5% de son engagement
Concrètement, comment ce programme de coopération va-t-il fonctionner entre la Suisse et ses partenaires dont le Maroc où une expérience est déjà lancée dans la valorisation énergétique des déchets organiques ? Au niveau réglementaire, les projets de compensation suisse qui seront lancés chez ses partenaires devront respecter trois principes. Primo, c’est que les réductions de CO2 induites par ces projets seront additionnées au tableau helvétique. Secundo, les partenaires n’auront pas le droit de comptabiliser ces réductions de CO2, la double comptabilité entre les pays pour les réductions de CO2 étant strictement interdite. Et tertio, les deux partenaires (Suisse-Maroc, par exemple) devront veiller respectivement au soutien de leur intégrité environnementale et développement durable. Selon Gaëlle Fumeaux, co-responsable pour la Suisse de la Fondation pour la protection du climat et la compensation de CO2 (Klik), qui finance ce programme, «nous sommes en train de travailler sur des accords-cadres avec nos différents partenaires pour définir ensemble les différents projets dans leur pays respectif qui ont des effets sur la baisse de CO2. Ensuite, nous passerons aux contrats d’achat commerciaux. Avec le Maroc, par exemple, nous envisageons de concrétiser les premiers achats de réduction de CO2 à partir de 2023 ». En attendant, il faut savoir que la Suisse n’est pas la seule à tirer profit de cette coopération qu eAziz Rabbah encourage vivement.
Multiples avantages pour le Maroc
Sur le plan financier, ce programme va en effet apporter des investissements additionnels aux financements climatiques internationaux déjà présents dans le royaume. Les fonds ainsi mobilisés vont également arriver avec du transfert de technologie pour soutenir un développement durable pauvre en carbone. Techniquement, le programme va consister au Maroc à transformer des déchets en biogaz et biofertilisant par biodigesteurs, un traitement 100% durable. Le programme va notamment regrouper 11 à 15 projets indépendants portés par des opérateurs privés ou PPP (Partenariat public privé) et spécifiques à chaque province ou municipalité. À signaler que deux études de faisabilité, financées par la BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement), sont déjà réalisées à Tanger et à Marrakech dans la valorisation des déchets organiques. À l’issue de la production de biogaz, le programme prévoit la vente des ressources générées, notamment l’électricité, la chaleur, sans oublier la vente des crédits carbone.Sur quoi va porter au juste le programme que la Suisse veut développer avec le Maroc ? Sur la réduction des émissions de GES provenant des déchets organiques, entre 15 000 et 30 000 Tonnes de CO2 par année et par projet, notamment en transformant du méthane contre la production d’énergie. Où vont se situer ces projets ? L’emplacement des différents projets sera connu lors du développement détaillé du programme prévu dans les mois à venir, notamment après les négociations et la signature de l’accord bilatéral Suisse-Maroc. S’en suivra, ensuite la conclusion d’un contrat d’achat commercial entre la Fondation Klik et le gestionnaire du programme côté marocain. Et puis le démarrage des différents sites de production et de transfert de réductions d’émissions vers la Suisse, jusqu’en 2030. Au-delà de cette date, la Suisse espère que grâce aux recettes des ventes d’électricité et de chaleur, le programme pourra se poursuivre dans d’autres lieux au Maroc et au profit d’autres clients publics et/ou privés.
Aziz diouf / Les Inspirations Éco