Le Maroc blinde ses frontières douanières avec Mélilia
La décision des autorités douanières marocaines de ne plus faire bénéficier les biens importés de Mélilia des tarifs préférentiels européens, générés par les accords commerciaux de Rabat et Bruxelles, inquiète les opérateurs de l’enclave qui redoutent la fin d’un juteux business.
Les entrepreneurs de Mélilia grognent. Les décisions des autorités douanières marocaines d’interdire les certificats d’importation Eur-1, présentés par les entreprises basées à Mélilia, sonnent le glas d’un bon filon. Ledit certificat permettait de bénéficier d’avantages tarifaires accordés aux produits dit «préférentiels», grâce aux accords signés entre le Maroc et l’Union européenne. Le président de la Confédération des entrepreneurs de Mélilia (CEME) a interpellé, via un écrit, la douane espagnole au sujet de ce «revirement» de la part des autorités marocaines qui rejettent, selon leurs dires, les biens présentant des certificats en tant qu’expéditions européennes.
Dans la presse locale, le patron des patrons de Mélilia crie au scandale et accuse l’administration douanière marocaine de vouloir «imposer ses règles». Il a annoncé la volonté de son organisme de saisir la ministre des Affaires étrangères de son pays et d’impliquer la Confédération des entrepreneurs espagnols à Madrid pour obtenir gain de cause.
Or, ce coup de gueule n’avait pas lieu d’être. Mélilia, à l’instar de Sebta, n’adhère pas au régime douanier européen afin de continuer de bénéficier d’importants avantages fiscaux lui accordant un statut douanier hybride. Et les entrepreneurs de Mélilia percevaient la tolérance marocaine comme un acquis. «Il était temps de remettre les pendules à l’heure et que nous jouions sur le même terrain, car accorder des largesses à la concurrence au détriment des opérateurs marocains qui s’acquittent de leur taxe était une aberration», explique cet entrepreneur marocain joint par téléphone. Certains ont voulu tromper la vigilance des douaniers marocains en faisant passer les expéditions par des ports espagnols comme celui d’Almeria. Cependant, les douaniers marocains ont découvert la supercherie à travers la vérification de la domiciliation fiscale, basée à Mélilia.
De l’aveu même des opérateurs, certains font appel à des entreprises de paille siégeant dans la péninsule pour importer ces biens et tirer profit des avantages fiscaux qu’offrent les accords commerciaux paraphés entre Rabat et Bruxelles. Néanmoins, ce subterfuge a un coût qui alourdit la facture et rend par conséquent ce business moins juteux. Ce qui en dit long sur les bénéfices et gains empochés, tout au long de ces années grâce à ce traitement de faveur et de bon voisinage accordé par le Maroc. Cela n’est pas sans rappeler les menaces proférées par des forces politiques à Mélilia, lesquelles voulaient faire de l’adhésion à l’espace douanier communautaire leur cheval de bataille durant les dernières campagnes électorales locales et législatives. Les opérateurs de Mélilia n’en sont pas à leur premier bras de fer avec les autorités douanières. Ceux-ci sont montés au créneau quand le Maroc avait décidé de fermer la douane commerciale au passage de Béni Ansar, en août 2018. Les opérateurs de la ville avaient mal pris cette mesure souveraine, visant à protéger le tissu économique local et à dynamiser le port de Nador. Malgré leur forte mobilisation, ils ont fini par se rendre à l’évidence et certains opérateurs avaient même créé des entreprises dans la région orientale pour continuer d’exploiter ce filon qu’est le marché marocain.
Amal Baba Ali, DNC à Séville / Les Inspirations Éco