Opinions

Le dénouement d’un cataclysme, entre aubaine et ordalie


Oussama Sbai Azami

Directeur marketing et communication, groupe San José Lopez (SJL)

L’ on convient parfaitement à l’unanimité que l’enjeu est de taille, que la circonspection est de mise et que la cacophonie sociale a été portée à son paroxysme…Réaction inexorablement légitime surtout lorsque l’on est exposé frontalement, du jour au lendemain, à un capharnaüm de vecteurs de déstabilisation afférents à l’exercice des plus anodins de pratiques usuelles pour le commun des mortels ! La liberté personnelle…De se coudoyer, de se côtoyer et même la faculté de méditer paisiblement sur son existentialisme ! Tout ça s’est estompé à l’improviste et sans aucun avis préalable. Eh Oui ! Dans un contexte de crise, la virilité de la suspicion a réussi à gagner du terrain auprès des populations dans le monde entier en si peu de temps et n’a guère cessé de joncher, d’alimenter et d’assombrir les espoirs des uns et des autres…On a très vite compris, au bout du compte, qu’il ne s’agit ni de grippe espagnole, ni de syndrome d’immunodéficience acquise, ni de peste non plus…C’est davantage, plus percutant et c’est même plus strident que la récession endurée durant les années 30. C’est inédit ! Car nous nous retrouvons, effectivement, devant un marasme sans précédent ; mettant ainsi à rude épreuve tous les mécanismes sociétaux qui ont malaxé notre béhaviorisme et nos modes organisationnels de fond en comble… Et c’est à l’aune des répercussions socio-économiques encourues en avançant dans les faits que l’on a réellement cessé d’amoindrir l’acuité de l’aléa, tout en approchant la calamité d’un œil nouveau, acéré et plus précautionneux. Nous sommes déjà à notre 3e mois de confinement…Et le dragon invisible ne cesse de faire vaciller les espoirs et les vœux des uns et des autres ! Comment aujourd’hui les organisations tirent leur épingle du jeu ? Quelles tactiques adoptent-elles pour pouvoir pousser de l’avant ? Quid du rôle à s’accaparer par l’homme de com’ dans un tel contexte houleux? Est-ce réellement un facilitateur, un réconciliateur ou carrément un gardien du temple ? Quels canaux d’échange prôner ? Quoi dire en prise de parole et comment l’injecter par les prêcheurs d’espoir? Matraquer à cadence effrénée ou à intervalles allégés ? …Sont toutes, en fait, des interrogations auxquelles, à mon angle de perception, nous avions apporté des réponses illico presto car elles se sont imposées par la force de l’improvisation et par l’impératif de l’expérimentation in situ. Postulat ! Étant exposé soudainement à un état d’urgence, une communication de crise s’impose tout naturellement ! L’avènement de la pandémie était brusque et brutal. Le tissu économique dans les cinq continents du globe, au sens large du terme, a été exposé à un double dilemme : Puiser l’information utile, avérée et percutante, en assurer le relais auprès de la communauté et à l’échelle des différentes parties prenantes.

La tâche semblait obscure mais chacun y a mis du sien !
La firme marocaine a vécu depuis l’annonce de l’état d’urgence sanitaire une multitude de péripéties l’embarquant ainsi dans des épisodes marqués par une conjoncture floutée et un avenir probablement truffé d’embûches. Pour s’en sortir, il faudrait certainement se serrer les coudes et repenser l’après Covid autrement. Toute la mécanique du business model socio-économique devrait être passée au peigne fin ! Nous avons déjà démarré l’écriture de cette belle success story au vu et au su de toute la communauté internationale. Yes, we really can, c’est clair comme de l’eau de roche, nous l’avions bel et bien démontré à l’œil nu et à toutes les populations du monde entier…Grâce à nos valeurs, à notre ouverture, à notre vision, à notre doigté et à nos compétences, lesquelles sans nul conteste sont désormais reconnues sur toute une ribambelle de domaines d’activités économiques à l’échelle planétaire. En définitive, tous les ingrédients sont anastomosés pour consolider nos synergies et continuer à écrire notre resplendissante histoire, une histoire d’un Maroc puissant, solidaire et visionnaire…Et dans le même contexte, il est essentiellement vital de s’attarder sur les tenants et les aboutissants de la gestion de cette pandémie à partir du moment où les frontières ont été instituées, il est aussi très important de se pencher sur le niveau de responsabilité que tout homme de communication a pu endosser pour amener la barque à bon port, comme on a coutume de le dire ! En ces temps de pandémie, il est important aussi de signaler que la communication de crise brasse à la fois, entre les volets relatifs à la communication interne, à la communication institutionnelle, à la presse et aux RP (Relations publiques). Un tel mode de fonctionnement, par ricochet, doit être élaboré dans un contexte global intégré, tenant compte de toute une série d’acteurs impliqués directement ou indirectement dans la vie de l’entreprise (Actionnaires, employés, clients, fournisseurs, instances gouvernementales, établissements financiers…). En ces périodes si délicates, il est fondamental de réadapter son langage tant au niveau du fond que de la forme afin de rassurer et de redorer sa position et son image de marque vis-à-vis des médias, de l’opinion publique, et contextuellement auprès de tout le réseau entrepreneurial.

Le canal digital en vogue…
Où l’on a assisté à une éclosion massive d’une communauté, où chacun s’est transformé en «spécialiste» UGC (User Generated Content) ; jouant le rôle de relais d’informations en mode micro-communautaire. Le rôle du garant de la communication en entreprise dans ce cas est de modérer le badbuzz rapidement et efficacement, de gérer les fake news via un effort de curation et de veille stratégique en sachant diffuser subtilement du contenu utile au bon moment, dans le bon style et aux bons interlocuteurs. L’approche à entreprendre généralement est une approche dite «par la stratégie» et qui consiste à opérer des scenarii basés sur des simulations, des analyses et des pronostics à relayer auprès des médias, dans le milieu de la masse salariale, à travers les plateformes communautaires…Et j’en passe! Dans le même ordre d’idées, la responsabilité de l’équipe de communication doit être recentrée pour entraver la croissance d’une crise afin que ça ne devienne pas un désastre, d’assurer la fluidité de l’information à caractère B2B; C’est important pour consolider la crédibilité et le positionnement sur le marché, à être proactif et imaginatif pour désamorcer les dégâts susceptibles d’avoir lieu (Protocole d’hygiène et de sécurité à mettre en œuvre, application des mesures barrières, séance de coaching et de formation à demeure ou à distance)…D’où l’émergence de nouveaux métiers ! On parle assez souvent ces derniers temps de CHO (Chiefs Hapiness Officers), ces acteurs du bonheur qui interviennent pour accroître le bien-être dans le milieu du travail, à ancrer les fondements du marketing interne et en même temps de performer le management du stress au quotidien (Discipline dite ergostressie), notamment par les temps qui courent ! Il est très important de souligner aussi que l’on a été fortement matraqué depuis le début de la pandémie par toute une avalanche de contenu digital…dont la teneur véhiculait un niveau de contenu potable et plausible et en même temps un pourcentage non négligeable de fake news. Être informé, c’est bien ! Être mal ou excessivement informé fait brouiller les pistes et entraîne, sans nul doute, un état de désarroi et de satiété intellectuelle car trop de communication tue la communication.

Nécessité d’être visionnaire et lucide !
La société SJL, acteur incontesté dans les secteurs de la logistique, du transit et du transport de marchandises à l’international, a en effet, été l’un des pionniers à appréhender le contexte global de cette crise sanitaire, survenue inopinément. La crise frappait de plein fouet ! Tous les créneaux de l’Automotive, du transport, de l’industrie et des services ont en subi une contraction non négligeable de la dynamique de croissance. Le séisme économique a pesé lourdement sur les places boursières internationales et bien entendu sur la stabilité du climat des affaires d’une manière très significative. Nous avons, pour notre part, joué la carte de l’anticipation en misant sur la lucidité en termes de prise de décision, sur le pragmatisme, sur la transparence et sur la rigueur managériale. Aussitôt dit, aussitôt fait ! comme dit la maxime. Les premières décisions doivent intervenir très vite, sinon l’entreprise risque de louper le contrôle de la situation et de perdre en crédibilité. Le prélude de notre planification stratégique pour faire face à la propagation de la pandémie portait essentiellement sur le montage d’une cellule de vigilance, considérée comme étant la cheville ouvrière de toute intervention dans le cadre du savoir vivre en symbiose avec le contexte de la crise. S’en suit un plan d’action opérationnel que nous avons bâti selon différentes batteries d’items (La sécurité de notre capital humain, les outils d’hygiène, le mode communicationnel, les canaux d’échange à déployer On & Off Line, le ton de la communication à adopter, le public cible, la fréquence de contacts, la visibilité sur les mass médias, la génération de contenu dédié aux différents acteurs cibles…). Ceci nous a alloué, en toute fluidité, les compétences idoines afin de gérer un contexte de crise, harmonieusement, avec nos publics internes et externes. Nous n’avons enregistré aucun incident de transmission virale, grâce, de prime abord, à la volonté divine et aussi grâce au management qui a fermement décidé d’affronter la crise et non pas la subir. Nous ne manquerons pas l’occasion de mettre en exergue le rôle infaillible du Community management qui nous a servi durant toute cette période de confinement pour assurer la fonction de porte-parole ou d’ambassadeur privilégié de notre marque car nous étions omniprésents à assurer une politique de proximité avec les membres de notre communauté sur le web. Cette présence avait pour rôle essentiel d’informer, de sensibiliser, d’apaiser, d’instruire…Le tout dans un cadre ludique, interactif et personnalisé. Il y a deux autres piliers fondamentaux qu’il va falloir mettre en exergue et sur lesquels nous avons reposé lors de la gestion de cette crise. Avec tout ce qui en découle (Réduction des effectifs, télétravail, réorganisation du mode de fonctionnement…), nous n’avons en aucun cas lâché du lest ; les équipes ont, a contrario, redoublé d’efforts pour que l’on maintienne le même niveau de qualité et un standard de service à la hauteur des exigences de nos différents partenaires. Être présent sur le terrain est la devise gagnante en ces temps-ci délicats. Ça nous a amplement distingué, et en même temps, ça nous a donné une grande impulsion. C’est tout simplement un gage de bravoure, d’engagement et d’émulation de toutes les équipes pour redoubler d’efforts et démontrer qu’ils sont sur tous les fronts. Nous n’avons, en aucun cas, estompé la marche de notre trafic terrestre relatif au transport de marchandises, ni l’activité de nos chaînes logistiques et ceci tout au long de cette période. Nos vifs remerciements vont directement à tous ces leaders qui ont fait preuve d’un esprit d’appartenance de haut niveau, de bravoure et d’héroïsme. In fine et pour mieux étoffer l’enchaînement de ces quelques réflexions, il faut dire que la crise que nous endurons est totalement unique en son genre. Mises face à cette situation spécifique, les entreprises de toutes tailles et dans les quatre coins du monde ne savent plus comment agir face à cette consommation pantagruélique des informations, à tout va ! Des news en toute luxuriance, un peu partout à travers une kyrielle de canaux d’échanges communautaires, qui ne rassurent guère l’opinion publique mais au contraire ne font qu’alimenter et catalyser ce sentiment anxiogène, à travers l’infox et les commérages, mettant ainsi en péril les efforts du marketing et de la communication, dont la mission originelle est d’instaurer un climat de confiance, de rassurer le public interne de l’entreprise et faire évacuer l’incertitude et le brouillard en dehors de ce goulot d’étranglement car une crise par nature et par définition embrouille le panorama général et du coup doit être gérée inéluctablement dans un climat exempt de tensions, autrement dit dans une ambiance d’accalmie et de quiétude pure et parfaite.

Des lueurs d’espoir à l’horizon…
Nous ne pourrons nullement gérer une crise comme il se doit, lorsque l’on est, nous humains, en situation de doute, d’incertitude ou de flou décisionnel ! C’est le leitmotiv des stratèges les plus chevronnés ! Aujourd’hui, c’est avec beaucoup d’optimisme, couplé à une grande détermination que nous avançons vers le déclin d’une funeste viralité…Et au titrage de ce dossier, j’avais surenchéri, en parlant d’ordalie et d’aubaine ! Ce n’est pas totalement faux car les prémices de cette pandémie n’étaient révélatrices que d’un morcèlement de l’iceberg ; or on se rend compte, au fil de l’eau, qu’après toute pluie, il y a explicitement le beau temps qui s’aplanit ! Tout au long de ce marasme, nous avons tous assisté à la splendeur d’une cascade inouïe d’avancées tant sur le plan social, structurel, économique, stratégique, organisationnel…Tout le monde y a mis du sien ! Un étincellement de synergies, un éblouissement des aptitudes, une cohésion des intelligences individuelles pour en faire une intelligence collective ! Tous les ingrédients pour faire un monde idyllique ! Oh que si ! C’est tout à fait plausible…Yes, we really can ! Le Maroc a démontré avec brio et dextérité la puissance de son capital humain et la perspicacité de sa gouvernance…Et pour finir en apothéose sur une note d’un point de vue économique ; je serai plutôt enclin à dire que la vraie aubaine du post Covid, c’est que l’entreprise marocaine est en mesure de composer «Illico presto» avec les nouveaux défis qui la feront propulser vers le podium des grandes puissances. Une Transformation et une réadaptation devraient certes s’opérer quant aux modes opérationnels de gouvernance et de management. Je pense surtout à l’automatisation des procédés qui ne sera plus une alternative mais plutôt une condition sine qua non pour toute organisation. L’IA (L’intelligence artificielle), l’interaction homme-machine…Tous ces champs en exploration auront de beaux jours devant eux et de belles perspectives. Le travail en distanciel grignote sa part de légitimité…On en parle de plus en plus…certains ténors du BPO (Business Process Outsourcing) ont même démontré que c’est un levier de croissance économique qui a vraiment fait ses preuves durant cette période de confinement. Reste à pallier l’impact sur l’aspect relationnel et sur le contact humain qui fera cruellement défaut…et qui, à mon sens, et de l’avis de certains professionnels des ressources humaines, représente l’un des piliers incontestés de motivation de toute communauté sur le lieu de travail ! Oh, combien ! C’est convivial et stimulant un simple échange furtif entre collègues, face à une machine à café, un beau matin, au démarrage de la semaine ! Un autre sujet d’actualité qui nous vient tout directement, à l’origine, des USA ; c’est la revue du mode de gestion managériale des équipes de travail via la création d’un leadership différent de ce qui est d’usage actuellement, et qui est basé sur l’innovation, l’agilité et l’engagement dans l’atteinte des objectifs assignés à chacun des employés. Ce mode de fonctionnement regagne graduellement du terrain! Les entreprises qui l’adoptent sont dites «sociétés libérées». Le principe est d’abolir l’organisation hiérarchique pyramidale par une structure aplatie où les employés sont plus autonomes. Le chef n’est là que pour faire monter l’équipe en puissance et jouer le rôle de facilitateur et de garant de la croissance. Sans nul doute, c’est un modèle qui a ses avantages et ses limites…L’expérimentation dans le cadre de notre contexte, nous le fera savoir, incontestablement, au fur et à mesure … Et enfin, je ne manquerai pas de glisser un petit mot, sur le behaviorisme et le comportement d’achat du «consom’acteur» qui a foncièrement été relooké par les impératifs de la pandémie. L’on parlera de plus en plus du Web to Store, du Click & Mortar, de Drive to store, des pure players, du phygital…Et j’en passe ! Des néologismes assez courants en Occident, certes mais qui finiront par gagner du terrain à notre niveau. J’en suis persuadé ! Laissons juste le temps au temps ! Du «Pain sur la planche» pour les industriels, pour les marketeurs, les analystes, les hommes de communication, la FDV, les économistes, les data scientists…Bref, tous corps de métiers confondus ! Il est donc légitime de constater que l’ensemble des ingrédients d’une belle légende sont tout à fait réunis pour garnir notre histoire collective et continuer à ornementer notre success story ! Il faut anticiper et faire vite, car l’heure, c’est l’heure, comme on a toujours coutume de le dire…Et après l’heure, ce n’est plus l’heure…Et finalement, les retardataires ont toujours tort !

*Réf : KMKI-06/20



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