Relocalisation de l’industrie automobile: crises et opportunités
Omar TIJANI
Professeur à la Faculté Polydisciplinaire de Larache (Maroc) Chercheur associé au Centre de Recherche et d’Etudes en Gestion IAE / Université de Pau et des Pays de l’Adour
Le spectre de la relocalisation de Renault, qui pesait sur les parties prenantes de l’industrie automobile au Maroc vient, heureusement, de se dissiper après les déclarations de Bruno Lemaire et du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA). Une inquiétude qui, une fois passée, devrait tirer un signal d’alarme quant au modèle industriel du Maroc, en l’occurrence, l’industrie automobile, sa durabilité et sa résistance aux éventuels chocs économiques.
Au Maroc, l’angoisse due au risque de la relocalisation et bien d’autres crises liées au covid-19, donnent une idée sur la nature de l’industrie à l’ère de l’économie mondiale actuelle et future : ultra concurrentielle et jalonnée d’incertitude.
Repenser et préparer le futur de l’industrie automobile devient plus imminent, quand on sait que le Maroc a aménagé des zones industrielles (appelées Plates-formes industrielles intégrés P2I), fait des concessions fiscales, spécialement pour attirer des investissements directs étrangers (IDE), en l’occurrence des firmes multinationales (FMN), et créer un écosystème pour une industrie automobile.
Résultat, Renault et Peugeot produisent des voitures low cost au Maroc, dans un l’écosystème automobile composés essentiellement des FMN et qui fonctionne plutôt bien. Par conséquent, le point faible du modèle est la dépendance industrielle. En effet, le risque de voir les P2I se vider progressivement plane toujours sur les scénarios futurs.
Les FMN sont en quête continue des ressources, des coûts faibles et des avantages concurrentiels. Actuellement, le Maroc offre ces avantages, mais pas pour longtemps, car les nouvelles exigences de la croissance pour ces entreprises changeront les règles du jeu. Désormais, l’avantage concurrentiel de l’industrie automobile se trouvera dans la haute technologie, l’intelligence artificielle et bien d’autres figures de l’industrie 4.0 dont le Maroc n’est pas forcément doté.
Il est temps de tirer profit des IDE, de la présence de Renault et autres FMN de l’industrie auto, mais vraiment…En développant une capacité d’absorption technologique permettant de remonter la filière dans l’horizon de produire une voiture made in morocco. Ainsi, plutôt que de se contenter des avantages temporaires des IDE, liés essentiellement à l’emploi et aux exportations, le royaume peut faire mieux : Développer une industrie automobile marocaine en se basant sur le savoir-faire apporté par les FMN dans l’objectif de produire une voiture 100% marocaines non thermique !
L’enjeu est grand, mais tous les ingrédients sont disponibles : Savoir-faire antérieur, ressources énergétiques, diaspora économique et intellectuel…
Une industrie automobile forte doit être autonome. Pour le Maroc, la crise actuelle doit servir de leçon pour s’émanciper des FMN. À mon avis, l’opportunité de commercialiser une voiture marocaine non thermique au Maroc et en Afrique est à saisir dès maintenant. Néanmoins, des angoisses comme celles de la relocalisation ne sont pas prêtes à se dissiper, c’est sûr, le futur en est jalonné…