Maroc

Comment gérer le confinement des personnes âgées ? Conseils d’expert

Avec le confinement, les personnes âgées peuvent être confrontées à des risques liés à l’inactivité physique, à la sédentarité et au stress. Que faire pour prévenir ces risques ? Entretien avec Dr.Khadija Moussayer, spécialiste en médecine interne et en gériatrie. Elle est également présidente de l’Alliance des maladies rares au Maroc et de l’Association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques.

Le confinement est certes salutaire, mais il peut avoir des répercussions sur le mode de vie, notamment des seniors. Comment peut-on préserver la santé de cette population ?
Chez les personnes âgées, le seuil de la perception de la faim et de la soif baisse et, de ce fait, elles ont tendance à diminuer leurs apports en aliments et en boissons. Mais il faut savoir que les besoins énergétiques des personnes âgées sont quelque peu inférieurs à ceux du jeune adulte: 2.000 kilocalories par jour pour l’homme et 1.800 kcal/j pour la femme contre respectivement 2.800 et 2.200 à 30 ans. Aussi, pour éviter tout risque de fonte musculaire, il faut veiller à préserver l’apport nutritionnel en protéines animales surtout (viandes, poissons) et végétales (lentilles, pois chiches, pois cassés, dattes et figues séchées, céréales…). Cet apport doit même être supérieur à celui de l’adulte jeune et représenter 12 à 15% des apports énergétiques journaliers. Il faut aussi savoir que les besoins en eau sont toujours plus élevés chez les personnes âgées que chez l’adulte jeune (1,7 l/j contre 1,5l/j) à cause d’une élimination urinaire plus forte. Par ailleurs, les mécanismes de régulation sont moins bien assurés, et l’élimination des surplus de sucre ou de sodium s’accompagne d’une plus grande perte en eau. Certains médicaments (diurétiques, neuroleptiques…) menacent également l’équilibre hydrique.

Pourquoi les personnes âgées perdent l’appétit ?
Le manque d’appétit est en partie dû à l’altération des perceptions des odeurs et du goût, d’où une difficulté à identifier et apprécier les aliments. Le seuil de détection des 4 saveurs de base est ainsi augmenté en moyenne de 11,6 fois pour le salé, 7 pour l’amer, 4,3 pour l’acide et 2,7 pour le sucré par rapport à un jeune adulte. Il faut aussi savoir que, parfois, les personnes âgées souffrent de sécheresse buccale à cause de l’atrophie des glandes salivaires, soit à cause de certains médicaments, soit à cause de la perte des dents. Et lorsqu’on a une bouche sèche, on apprécie moins les aliments. Parfois, ces derniers collent à la langue. Il arrive aussi qu’avec l’absence de salive, la bouche s’enflamme. Il faut combattre cette sécheresse. La solution à la perte d’appétit consiste à encourager ces personnes à manger. Elles doivent également participer à la préparation des repas car cela stimule l’appétit.

Vous préconisez des exercices physiques. Quelle est la bonne approche à adopter pour les personnes âgées ?
À 30 ans, la masse musculaire représente 30% du poids du corps. Elle baisse à 17% à l’âge de 70 ans. Les personnes âgées ont une insuffisance musculaire qui s’aggrave avec l’immobilité, l’absence d’activité physique. Ce phénomène, la sarcopénie, provoque entre autres des risques infectieux à cause de la baisse des réserves protéiques nécessaires aux défenses immunitaires. Il peut également provoquer des chutes et des fractures… Aussi, il faut garder un minimum d’activité physique, même dans un petit espace confiné, en faisant des mouvements régulièrement. Il s’agit de réaliser plusieurs fois par jour de petits exercices de gymnastique mobilisant en particulier les bras et les jambes (30 mn par jour si possible) et de se lever toutes les heures pour marcher. Cela est aussi valable pour les jeunes et les enfants qui doivent avoir des activités physiques. À cause du manque d’exercice physique et des heures passées devant les ordinateurs, ces derniers ont perdu 25% de leurs capacités cardiaques.

Le confinement crée de l’angoisse, comment la combattre ?
Il faut avoir la bonne information concernant les moyens de contamination et la manière de les éviter. Il faut aussi combattre la désinformation, notamment via Internet et les réseaux sociaux. Il faut se dire que ce n’est pas la première épidémie dans l’histoire de l’humanité et que les scientifiques travaillent pour trouver un traitement. Bien entendu, il faut combattre le stress par une activité physique et avoir un bon sommeil. Ce dernier change avec l’âge tant au niveau de sa structure qu’au niveau de sa qualité. Son temps total baisse et il devient moins efficace car plus fragmenté par des réveils nocturnes fréquents. Il est recommandé de conserver une heure de coucher et de lever régulière et de s’exposer à lumière naturelle durant la journée. Les boissons contenant des excitants (café, thé) ainsi que le tabac sont à éviter ou à consommer de façon minime. Enfin, il faut entretenir les liens avec autrui par téléphone, via les balcons… tout en gardant une certaine distance.

Concernant les traitements, que faut-il faire ?
L’arrêt de certains médicaments peut être dangereux. C’est le cas des corticoïdes car cela peut donner lieu à une insuffisance surrénale aiguë qui pourrait se révéler fatale. Les personnes âgées doivent continuer leurs traitements et même ceux qui diminuent les capacités du système immunitaire pour ne pas déstabiliser la maladie sous-jacente. Il faut demander conseil au médecin traitant. En revanche, l’automédication et la surconsommation sont à proscrire en cette période d’épidémie.



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