Opinions

Société : les Marocains et leur préférence pour l’argent liquide

Par Dr. Sanaa REZKI
Professeure permanente Faculté de commerce et de gestion, Université internationale de Casablanca

Malgré le développement de la sphère financière et le progrès technologique, les Marocains continuent à privilégier l’usage de la monnaie fiduciaire à la monnaie scripturale. Dans leur quotidien, les ménages ont l’habitude de régler leurs factures en espèces.

Et du côté des entreprises, la majorité d’entre elles ont une préférence pour le paiement liquide afin de régler leurs transactions. Un constat remarqué notamment auprès des sociétés de très petite et moyenne taille, la catégorie d’entreprise qui représente 98% du tissu économique marocain. Une tendance qui peut être expliquée par plusieurs facteurs d’ordre culturel, fiscal, économique et bancaire/technologique.

Sur le plan culturel, en dépit des efforts réalisés par l’Etat pour digitaliser l’économie marocaine et le système financier dans son ensemble, les agents économiques trouvent du mal à s’adapter aux nouvelles techniques. Leur instauration prendra plus de temps pour être inculqué au quotidien. Sur le plan fiscal, le secteur informel occupe une place importante dans l’activité productive. L’absence de traçabilité pousse les opérateurs à utiliser davantage la monnaie fiduciaire dans le but de payer moins d’impôts.

Sur le volet économique, l’argent qui circule en dehors du circuit bancaire constitue un manque à gagner pour l’Etat, argent qui peut être utilisé dans l’investissement de projets rentables à forte valeur ajoutée. Cet argent peut être de provenance informelle comme il peut émaner d’activités illégales ou illicites. Sur le volet bancaire/technologique, le manque d’assurance vis-à-vis des banques conduit les agents économiques à épargner leur argent chez eux.

Notons aussi que l’analphabétisme numérique reste assez élevé dans notre pays. L’usage des applications bancaires reste très limité comparé aux autres pays. Un phénomène qui a été amplifié par la méfiance à l’égard du système numérique. Plusieurs personnes ont récemment été victimes de cyberattaques, notamment quand des malfaiteurs se sont faits passés pour des conseillers banquiers et ont demandé aux clients de leur communiquer des informations personnelles de leurs comptes bancaires.

L’ensemble de ces éléments expliquent pourquoi la quantité de monnaie en circulation est à son pic, un niveau jamais enregistré auparavant dans le monde, aux alentours de 30% du PIB, comme l’avance Jouahri, wali de la banque centrale, lors d’une réunion du Conseil de Bank Al-Maghrib.

La masse monétaire suit une évolution exponentielle comparé aux dépôts à terme. Une situation qui risque d’ébranler le système financier et peut creuser davantage le besoin de liquidité des banques. La faible croissance des dépôts à terme réduit l’activité de distribution de crédits du secteur bancaire et amplifie le décalage temporel entre les crédits accordés et les dépôts collectés. Exposant ainsi les établissements de crédit au risque de solvabilité et de déclenchement d’une panique bancaire qui peut entrainer une ruée bancaire.

Conscientes de la situation actuelle, les autorités de régulation ont décidé de prendre un certain nombre de mesures correctives en procédant à la création d’une monnaie numérique, le «e-dirham», tentant par cette action de suivre l’évolution que connait le monde de la cryptomonnaie.

Elles incitent les banques à promouvoir le service du e-banking, à développer l’usage des applications bancaires et à faciliter l’accès aux services bancaires en ligne sans devoir se déplacer aux agences ou guichets automatiques. Elles encouragent aussi les entreprises à faire une transition vers le secteur formel. Elles peuvent même imposer des frais supplémentaires pour toute transaction réalisée au comptant. Même si ce type de comportement peut porter atteinte à la liberté des individus quant à la manière d’honorer leurs engagements.

Reste à savoir si l’ensemble de ces actions entreprises seront suffisantes ou cela nécessitera de fournir plus d’efforts pour contrôler l’évolution de la masse monétaire.



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