UMA : le casse-tête de l’harmonisation des systèmes comptables
L’harmonisation comptable dans le Grand Maghreb est un enjeu crucial pour l’intégration économique. Un manque à gagner important est enregistré en raison de la disparité des systèmes comptables, bien qu’ils présentent de fortes similitudes, découlant de la réglementation française.
Malgré les aspirations tant attendues à une intégration économique, à l’issue de la déclaration de Marrakech, le 17 février 1989, l’Union du Maghreb arabe (UMA), se trouve actuellement confrontée, au-delà de la volonté politique, à un autre défi de taille.
Il s’agit de la disparité de ses systèmes comptables dont l’harmonisation peut constituer un miroir de la réalité économique et un atout pour attirer les investissements étrangers.
Cette contrainte héritée de la domination coloniale et des influences internationales, notamment les deux modèles continentaux européen et anglo-saxon, freine actuellement le développement d’un marché commun et d’une économie régionale, en attendant le déblocage de 35 ans de désintégration.
C’est l’une des principales conclusions de l’étude comparative des systèmes comptables dans les pays de l’UMA, réalisée récemment par Mehdi Difadi, docteur en Sciences de gestion et directeur pédagogique des Hautes études commerciales (HEC) à Rabat, et Allal Alain Difadi, professeur associé d’économie et de gestion et directeur de la filière Management relevant du Laboratoire d’innovation en management et en ingénierie pour l’entreprise (LIMIE) à l’Institut supérieur d’ingénierie et des affaires (ISGA) à Rabat.
Selon l’étude en question, le Maroc, à l’instar de ses voisins, notamment l’Algérie, la Tunisie et la Mauritanie, a choisi d’adopter un système comptable fortement influencé par le modèle français.
Règles comptables : les nuances et les variations
Toutefois, les nuances et les variations dans la mise en œuvre de ces règles comptables créent une cacophonie, selon l’étude en question, qui rend difficile la communication financière entre les entreprises maghrébines, d’où la nécessité d’harmoniser les différents systèmes comptables des pays du Grand Maghreb.
Ces derniers présentent selon l’étude en question beaucoup de similitudes entre eux et s’insèrent, explicitement ou implicitement, dans le cadre de l’harmonisation internationale de la comptabilité, recommandée par l’International financial reporting standards foundation (IFRS) et son organe : l’International accounting standards boards (IASB). Il va sans dire qu’à l’exception de la Libye où il n’existe aucun plan comptable, les quatre autres pays de l’UMA s’inspirent fortement de la normalisation comptable française (le Plan Comptable Général (PCG) français de 1957) à travers des textes législatifs rendant obligatoire des règles de comptabilisation, des principes ou conventions et des modèles d’états financiers à respecter.
De ce fait, «Il apparait donc assez aisé d’uniformiser ces règles, principes et modèles afin de procéder à une harmonisation comptable à l’échelle du Maghreb», souligne l’étude.
Toutefois, bien que les systèmes comptables de l’UMA présentent de fortes similitudes, découlant de la réglementation française, des différences notables entre ses pays apparaissent.
Les dissimilitudes entre les pays de l’UMA
Sur le plan législatif, le Maroc a adopté un Code (CGNC) et une loi comptable, tandis que les trois autres pays s’appuient uniquement sur une loi comptable. Au niveau des principes comptables, la Tunisie, l’Algérie et la Mauritanie reprennent le principe de prééminence du fond sur la forme, ce qui n’est pas le cas au Maroc.
De surcroît, en termes d’états financiers, l’état des soldes de gestion (ESG) est obligatoire au Maroc. S’il est inclus dans l’État de résultat en Algérie, il n’existe pas en Mauritanie et demeure facultatif en Tunisie. Concernant la terminologie, l’apparition du référentiel international IAS/IFRS, inspiré du modèle anglo-saxon, a conduit les pays du Maghreb vers un réaménagement de leurs systèmes comptables respectifs en adoptant, de manière explicite ou implicite, cette normalisation comptable internationale.
De ce fait, deux nouvelles différences majeures apparaissent. Tout d’abord, l’adoption du cadre conceptuel de l’IASB de manière explicite par la Tunisie et l’Algérie, tandis que le Maroc et la Mauritanie conservent le cadre comptable normalisé français, et ce, sans négliger les objectifs d’une normalisation comptable internationale, notamment la pertinence et la fiabilité de l’information financière.
Par ailleurs, l’étude a formulé deux observations fondamentales. La première, la normalisation comptable se caractérise en Tunisie et en Algérie par un système comptable hybride comportant deux composantes : anglo-saxonne qui se traduit par l’adoption explicite d’un cadre conceptuel relevant du référentiel comptable de l’IASB et une composante francophone qui se traduit par l’existence de textes de lois instituant un plan comptable, des règles de comptabilisation et des modèles à respecter pour l’établissement des états financiers. La deuxième, au Maroc et en Mauritanie, à savoir la normalisation comptable, s’inspire fortement du modèle français, mais elle fait, implicitement, référence aux objectifs et aux principes de la normalisation comptable internationale.
Yassine saber / Les Inspirations ÉCO